Get Adobe Flash player
4006635
Today
Total :
397
4006635

Volume N° 138 . Juil - Aout - Sept 2013

Intérêt de l'enquête familiale dans la cardiomyopathie hypertrophique (CMH) en milieu cardiologique.

Interest of the family investigation in the primary hypertrophic cardiomyopathy (HCM) in Ivoirian cardiology workplace.

NIAMKEY T1, ANZOUAN-KACOU JB, ADOUBI A, N'GUETTA AR, N'CHO-MOTTOH MP,GNAMBA A, KOFFI F, ANGORAN I.

RESUME

Introduction : La CMH primitive est une maladie génétique à révélation retardée avec une pénétrance âge-dépendante requérant un screening familial  chaque fois qu'un nouveau cas est détecté.
Objectif: Rechercher des porteurs asymptomatiques et identifier les anomalies évocatrices de CMH chez les apparentés de premier degré de patients porteurs de CMH.
Méthode: Etude prospective transversale réalisée à partir de 5 cas index de CMH avec screening clinique (interrogatoire et examen physique) et paraclinique (électrocardiogramme (ECG) et échocardiographie transthoracique (ETT)) de 34 apparentés au premier degré, n'ayant aucune cause secondaire d'hypertrophie myocardique.
Résultats: Deux porteurs asymptomatiques (soit 5,9%) ont été décelés sur les critères écho cardiographiques avec des ‚paisseurs diastoliques septales respectives de 22 et 15mm. Les anomalies paracliniques évocatrices de CMH chez les apparentés étaient dominées à l'ECG par les troubles de la repolarisation (35,3%) et l'hypertrophie ventriculaire gauche (11,8%) et à l'ETT par un indice combiné E/e' latéral supérieur à 8 (38,2%) suggestif d'une élévation des pressions de remplissage du ventricule gauche. Il n'y avait pas de corrélation entre les signes cliniques et les anomalies ECG (p = 0,542) ainsi qu'avec les anomalies écho cardiographiques (p = 0,08).
Conclusion: L'enquête familiale vise à détecter des porteurs asymptomatiques de CMH. L'indice E/e' latéral supérieur à 8 apparait comme le meilleur signe de dépistage des porteurs asymptomatiques au cours de l'enquête familiale.

MOTS CLES

Cardiomyopathie hypertrophique primitive , Enquête familiale , Afrique Subsaharienne , Côte-d'Ivoire.

 

SUMMARY

Introduction: Primary HCM is a genetic disease of delayed penetrance with age-dependent. Therefore a family screening is necessary, whenever a new case is detected.
Objective: Identify asymptomatic abnormalities suggestive HCM among first-degree relatives of carriers of HCM patients.

Method: Prospective study conducted cross from 5 index cases with HCM clinical screening (interview and physical examination) and laboratory (electrocardiogramm (EKG), and transthoracic Echocardiography (TTE)) of 34 first-degree relatives, with no secondary cause of myocardial hypertrophy.

Results: Two asymptomatic carriers (5.9 %) were detected on echo cardiographic criteria with respective diastolic septal thickness of 22 and 15mm. Electrocardiographic abnormalities were dominated by repolarization trouble (35,3%) and the  left ventricular hypertrophy (11,8%). The combined index E / E which' exceeds 8 side has been demonstrated in 38.2 % in TTE and suggested an elevated filling pressure of the left ventricle. There was no correlation between clinical signs and ECG abnormalities (p = 0.542) as well as with the echo cardiographic abnormalities (p = 0.08).

Conclusion: The family investigation aimed at detecting asymptomatic carriers of HCM. The index E / e ' above 8 side appears as the best sign of screening asymptomatic carriers in the family survey.


KEY WORDS

Primary Hypertrophic cardiomyopathy - Family Survey – Sub-Saharan Africa – Côte d’Ivoire. 

1- Institut de Cardiologie d’Abidjan (Côte d’Ivoire)

2- Service de cardiologie du Centre Hospitalo-universitaire de Bouaké (Côte d’Ivoire)

Adresse pour correspondance :

Dr NIAMKEY Thierry

Institut de cardiologie d’Abidjan (Côte d’Ivoire)

01 BP V 206 Abidjan 01

 E-Mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 


INTRODUCTION

La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est une maladie génétique à transmission autosomique dominante, à révélation retardée avec une pénétrance âge-dépendante et une expressivité variable [1]. C’est une pathologie grave en raison de son polymorphisme clinique et d’une évolution imprévisible vers la mort subite par trouble du rythme ventriculaire grave [2]. Un screening familial s’avère indispensable chaque fois qu’un nouveau cas est détecté [2, 3]. Cette enquête familiale vise au moyen d’un interrogatoire, d’un examen  physique, d’un électrocardiogramme (ECG) et surtout d’une échocardiographie transthoracique (ETT) à détecter les signes avant-coureurs de la maladie [3].

En Afrique subsaharienne, en dehors de l’Afrique du Sud, les données sur l’incidence de la CMH et les données issues d’enquêtes familiales sont quasi inexistantes.

Le but du travail était de dépister à partir de cas index de nouveaux cas de CMH chez les apparentés de premier degré et de rechercher chez ces derniers les anomalies précoces évocatrices de cette affection.

 

MATERIEL ET METHODES

Il s’agit d’une étude prospective transversale réalisée dans le Service des Explorations Externes de l’Institut de Cardiologie d’Abidjan (Côte d’Ivoire) du 08 Août 2011 au 09 Février 2012.

Elle a concerné des apparentés de premier degré issus de cinq familles de porteurs de cardiomyopathie hypertrophique primitive. L’âge et le sexe des cinq cas index (CMH1, CMH2, CMH3, CMH4 et CMH5) sont répertoriés dans le tableau 1. Le diagnostic de CMH a été réalisé sur les arguments cliniques, électrocardiographiques et surtout échocardiographiques (SIV et/ou PP > 15mm ; SIV/PP > 1,3 mm avec ou sans signe d’obstruction systolique intraventriculaire gauche) [4]. La recherche de mutations génétiques n’a pu être réalisée.

Ont été inclus dans cette étude après un consentement éclairé, tous les sujets  apparentés au premier degré d’un cas index (ascendants, fratrie et descendants).

Ont été exclus, tous les apparentés de premier degré ayant des causes  d’hypertrophie myocardique tels que l’hypertension artérielle, le rétrécissement aortique, une anémie chronique ou un cœur d’athlète.

Chaque apparenté de premier degré a bénéficié :

-          d’un interrogatoire  à la recherche d’un antécédent de mort subite familiale et  des signes fonctionnels suivants : la syncope, la lipothymie, la dyspnée d’effort, les précordialgies et les palpitations ;

-          d’un examen physique complet à la recherche d’un choc de pointe accentué et dévié à gauche et d’un souffle systolique méso cardiaque ;

-          de la réalisation d’un électrocardiogramme de repos de 12 dérivations à la recherche d’un trouble de la repolarisation à type de sous décalage du segment ST ou des ondes T négatives ou plates, d’une hypertrophie ventriculaire gauche à partir de l’indice de SOKOLOW (RV5 ou V6 + SV1 supérieur à 35 mm) et des ondes q fines et profondes en territoire inférieur ou latéral ;

-          de la réalisation  d’un écho doppler transthoracique (ETT). Tous les examens ont été réalisés avec un appareil VIVID 7 de marque General Electric®. Les paramètres suivants ont été recherchés :

o   une hypertrophie septale asymétrique ou non, classée en quatre types selon Maron [2] et l’évaluation de la pression intraventriculaire gauche en cas de CMH à la recherche d’une obstruction.

o   l’estimation de la fonction systolique du ventricule gauche par Simpson biplan (4 et 2C) à partir des volumes télé diastoliques (VTDVG) et télé systoliques (VTSVG) selon la formule suivante : FEVG = (VTDVG – VTSVG / VTDVG) x 100 .

o   l’évaluation des pressions de remplissage du ventricule gauche (PRVG) par :

§  l’étude du profil transmitral (le pic de vélocité de l’onde E mitrale et son temps de décroissance, le pic de vélocité de l’onde A et sa durée (Am), le rapport E/A et le temps de relaxation isovolumétrique (TRIV) ;

§  l’étude au doppler tissulaire à l’anneau latéral des pics de vélocité des ondes e’ et a’ permettant de calculer l’indice combiné E/e’ latéral ;

§  l’étude du flux veineux pulmonaire (les pics de vélocité des ondes S et D, le rapport S/D et la durée de l’onde A pulmonaire (Ap) permettant de rechercher une différence Ap – Am > 30 ms ;

§  le calcul du volume de l’oreillette gauche, la pression artérielle pulmonaire systolique sur le flux d’insuffisance tricuspide et la variation du profil mitral à la manœuvre de VASALVA lorsque l’indice combiné E/e’ latéral est compris entre 8 et 12.

La saisie et l’analyse des données ont été effectuées grâce aux logiciels EPI INFO version 6.04 et SPSS version 16.Ø. Les anomalies cliniques, électrocardiographiques et échocardio-graphiques ont été comparées entre elles pour obtenir des proportions à l’aide d’un test Chi2 en utilisant le logiciel BiostaTGV. Pour tous ces tests statistiques, une valeur de p inférieure à 0, 05 a été retenue comme statistiquement significative.

 

RESULTATS

Trente-quatre (34) personnes appartenant aux cinq familles identifiées ont bénéficié du screening ci-dessus décrit.

Caractéristiques épidémio-cliniques des apparentés

Il y avait en moyenne 6,8 patients par famille avec des extrêmes de 5 et 9 personnes. Plus de la moitié des apparentés était des frères et sœurs des cas index (voir tableau 1).

La moyenne d’âge était de 36,1 ± 25,2 ans avec des extrêmes de 1 et 83 ans. On notait une prédominance masculine avec un sex-ratio de 1,27.

Un antécédent de mort subite était retrouvé dans 20,6% des cas (7 cas/34).

Les palpitations étaient le symptôme le plus souvent évoqué (47,1%). On notait également une dyspnée d’effort dans 23,5% et un souffle systolique mésocardiaque dans 17,6% des cas.

Données paracliniques

L’électrocardiogramme

Le rythme était sinusal dans tous les cas. L’électrocardiogramme était normal dans 41,2% (14 cas/34) et anormal dans 58,8%.

Plus d’un tiers (35,3%) des apparentés familiaux avait un trouble de la repolarisation.

L’hypertrophie ventriculaire gauche a été notée dans 11,8% des cas (4 cas /34). Il n’y avait pas de trouble majeur du rythme et de la conduction hormis quelques extrasystoles auriculaires (12 cas/34) et des troubles de la conduction intra ventriculaire (5 cas/34).

L’échocardiographie transthoracique

L’ETT a permis de déceler deux cas de cardiomyopathies hypertrophiques soit une prévalence de 5,9% des cas. Il s’agissait de CMH de type III selon la classification de MARON.

Il s’agissait de deux ascendants, l’un de sexe masculin (73 ans) et l’autre de sexe féminin (52 ans), qui présentaient une hypertrophie septale asymétrique respectivement de 15 et 22 mm et des pressions intraventriculaires gauches de 22 et 30,4 mmHg. Les PRVG étaient estimées élevées dans un des deux cas.

Les résultats de l’évaluation des PRVG de l’ensemble des apparentés ont été présentés sur la figure 1.

L’indice combiné E/e’ latéral était supérieur à 8 dans 38,2% des cas.

Il n’y avait pas de corrélation ni entre les principaux signes cliniques et les anomalies électro cardiographiques identifiées (p = 0,542) et écho cardiographiques évocateurs d’une élévation des PRVG (p = 0,9) ni entre les anomalies électro cardiographiques et les signes écho cardiographiques (p = 0,08).

L’évaluation échocardiographique permettait de classer les apparentés de premier degré en trois types :

-          Les porteurs asymptomatiques avec une CMH avérée et des PRVG élevées ou non au nombre de 2 soit 5,9% ;

-          Les sujets « normaux ou sains » avec une absence d’hypertrophie pariétale et un indice E/e’ latéral inférieur ou égal à 8 au nombre de 21 soit 61,8% ;

-          Les sujets « douteux » avec une absence d’hypertrophie pariétale et un indice E/e’ latéral entre 8 et 12 au nombre de 11 soit 32,4%.

 

DISCUSSION

L’échocardiographie transthoracique a été l’examen de choix pour le screening familial comme recommandé par DUBOURG [5]. L’ETT a permis de déceler 2 cas avérés de cardiomyopathie hypertrophique familiale chez 2 ascendants apparentés de premier degré soit un taux d’incidence de 5,9%. Ce taux est largement au dessus de la prévalence de la CMH dans la population générale qui varie entre 0,02 et 0,2% [6,7]. Cette constatation démontre l’intérêt de l’enquête familiale qui permet de déceler des porteurs asymptomatiques et pose l’épineux problème de l’insuffisance de dépistage des maladies cardiaques rares dans nos pays en développement. 

Les troubles de la repolarisation découverts à l’électrocardiogramme chez plus d’un tiers de nos patients (35,3%) sont importants à rechercher chez des apparentés de premier degré dans la mesure où ils peuvent orienter pour le dépistage de CMH [3]. Dans notre série, l’existence d’anomalies électrocardiographiques n’étaient associées ni aux signes cliniques (p = 0,542) ni aux anomalies échocardiographiques (p = 0,08) conformément aux données de la littérature [2].

L’expressivité de la maladie étant variable [2], la détection de nouveaux cas n’est pas obligatoire chaque fois qu’une enquête est réalisée. Dans l’enquête multicentrique française, la CMH a été formellement identifiée dans 33,4% des cas (87/260) [5]. Seul le suivi cardiologique régulier pourrait garantir des chances de découverte de porteurs asymptomatiques [3]. Il doit être réalisé tous les 12 à 24 mois, entre 10 et 20 ans, puis tous les 2 à 5 ans après l’âge de 20 ans [3].

La surveillance doit se poursuivre à l’âge adulte (jusqu’à 50 à 60 ans) surtout quand aucune mutation n’a été identifiée [3].

Au cours de l’étude échocardiographique, l’accent doit être porté sur des signes évocateurs d’une élévation des PRVG. L’indice combiné E/e’ latéral > 8, lorsque la fraction d’éjection est normale, parait être un bon baromètre. Il imposera : [8, 9] :

 

-          l’étude du flux veineux pulmonaire (rapport S/D, durée de l’Ap) ;

-          la recherche d’une différence entre la durée de l’onde A pulmonaire et la durée de l’onde A mitrale supérieure à 30 ms ;

-          la recherche d’un volume indexé de l’OG supérieur à 34 ml/m;

-          la recherche d’une pression artérielle pulmonaire systolique à 35 mmHg ;

-          la recherche d’une variation du rapport E/A à la manœuvre de VASALVA.

Notre étude a objectivé 13 cas d’indice combiné E/e’ latéral > 8 soit 38,2%. L’application de ces indices n’a pas permis de conclure à une augmentation des PRVG. Ces patients doivent cependant être considérés comme « douteux » et bénéficier d’une attention particulière au cours du suivi cardiologique ultérieur indispensable du fait de la pénétrance variable [3].

L’usage des nouvelles techniques d’imagerie de déformation, telles que le strain et le strain rate, qui semblent être mieux corrélées à l’élévation des pressions de remplissage que le döppler tissulaire [10], semble être une piste à explorer en vue du suivi cardiologique des apparentés de premier degré des cardiomyopathies hypertrophiques primitives.


CONCLUSION

L’enquête familiale apparait indispensable pour les apparentés  de  premier degré  en  vue de dépister les porteurs asymptomatiques et organiser le suivi cardiologique. Les signes cliniques   étant   subjectifs  et   les     anomalies électrocardiographiques non spécifiques, l’indice combiné E/e’ latéral lorsqu’il est supérieur à 8 parait être le meilleur signe avant-coureur dans l’enquête familiale. L’enquête familiale améliore ainsi le pronostic en permettant une prise en charge précoce et optimale.

 

 

Tableau 1

Tableau récapitulatif des apparentés de premier degré des cas index

 

Cas index (Age, Sexe)

Lien de parenté

Nombre

Total

CMH 1 (45 ans, M)

Père

01

09

Mère

01

Frères

02

Sœurs

03

Enfants

02

CMH 2 (38 ans, M)

Père

01

05

Mère

01

Frères

01

Sœurs

00

Enfants

02

CMH 3 (29 ans, M)

Père

01

07

Mère

01

Frères

03

Sœurs

02

Enfants

00

 

CMH 4 (5 ans, M)

Père

01

06

Mère

01

Frères

03

Sœurs

01

Enfants

00

 

CMH 5 (32 ans, F)

Père

01

07

Mère

01

Frères

02

Sœurs

03

Enfants

00

TOTAL

34

 

Figure I : Evaluation des PRVG des apparentés de premier degré à l’ETT