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Traitement du rétrécissement mitral rhumatismal par dilatation percutanée : Expérience inaugurale au Sénégal.

 

Percutaneaous balloon mitral valvuloplasty for rheumatic mitral stenosis: Inaugural experience in Sénégal.


DIOP I.B., BA K., DIOUM M., SARR E.M., LEYE M., BINDIA D.,MANGA S., DIEYE O., SEYE M.

 

 

RESUME

 

Introduction: Nous rapportons la première série en Afrique de l’Ouest et du Centre de valvuloplastie mitrale percutanée dans chez des patients atteints de rétrécissement mitral rhumatismal  dont la prise en charge a été modifiée par le développement de la commissurotomie mitrale percutanée (CMP).  Cette technique malgré son grand intérêt dans notre contexte est très peu disponible en Afrique. Notre objectif était de rapporter notre première expérience de CMP et d’en évaluer les résultats à court terme.

Patients et méthodes : Cette étude a porté  sur une série de42patients  porteurs de rétrécissement mitral serré symptomatique avec anatomie valvulaire favorable appréciée à l’écho-Doppler cardiaque et ayant bénéficié de CMP. La dilatation mitrale était réalisée au moyen d’un ballon d’Inoue, sous anesthésie locale ou générale, par voie veineuse fémorale et ponction trans-septale en salle de cathétérisme cardiaque.

 

Résultats : L’âge moyen était de 26,68 ± 7,36 ans. Le sex-ratio était de 0,2. Une dyspnée  stade II à IV(NYHA) était présente dans 100% des cas. Le diamètre moyen du ballon était de 27,47 ± 1,23 mm. A l’écho-Doppler post procédure, on notait de façon statistiquement significative une augmentation de la surface mitrale (SM) de 0,68 cm2 ± 0,15à1,47± 0,39 cm2, (p=9.44e-08) une diminution du gradient moyen (GM)et des pressions pulmonaires(PAPS) respectivement de 16,03 ± 6,83 mmHg à5,35 mmHg ± 2,03(p=1.714e-07)et de 73,14mmHg± 26,86à50,1 mmHg ± 18,5 (p=2.672e-06). Aucun de nos patients n’avait une fuite mitrale significative en post procédure. Au contrôle à 3, 6 et 12 mois, tous les patients étaient nettement améliorés au plan fonctionnel (p=6.232e-07) avec stabilité des données échocardiographiques.

Conclusion : La CMP en Afrique est un succès avec très peu de complications,il s’agit d’une technique de choix à développer en Afrique

MOTS CLES

Rétrécissement mitral, Échocardiographie, Dilatation percutanée,  Sénégal.

 

 

SUMMARY


Introduction: Development of percutaneous balloon mitral valvuloplasty (PBMV) has dramatically change treatment strategy of rheumatic mitral stenosis. This technique in spite of its great interest in our context is far from available in sub-Saharan Africa. Our objective was to bring back our first experience of PBMV and to evaluate the short-term results.

Patients and methods: Our study included 42 patients with severe rheumatic mitral stenosis with favorable valvular anatomy appreciated by ultrasound. Patients underwent PBMV with Inoue balloon under local or general anesthesia, by femoral vein route and trans septal puncture in our cathlab. 

Results: Mean age was 26.68 ± 7.36 years. The sex-ratio was 0.2. A class II to IV (NYHA) dyspnea was presentin100%ofourpatients. Themean diameter of the balloon was of 27.47 ±1.23 mm. Immediately after dilatation Echo-Doppler evaluation showed increase of mitral area from 0.68 cm2 ± 0.15 to 1.47 ± 0.39 cm2(p=9.44e-08) and a reduction in mean trans mitral gradient and systolic pulmonarypressures respectively from16.03 ± 6.83 mmHg to 5.35 mmHg ± 2.03p=1.714e07)and from 73.14 mmHg ± 26.86 to 50.1 mmHg ±18.5(p=2.672e06). None of our patients had a significantmitral regurgitation in post procedure period. After follow up at3, 6 and 12 months, all the patients had clear improvement of symptoms(p=6.232e-07) with stability of the echocardiographic data. 
Conclusion: The PBMV is a success with very few complications. It is a privileged technic to be developed in Africa.

 

KEY WORDS

Mitral Stenosis, Echocardiography, Percutaneous, Dilatation,  Senegal.

 

Clinique Cardiologique CHU Fann Dakar Sénégal, Faculté de Médecine, Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Adresse pour correspondance :

Pr Ibrahima BARA DIOP

Clinique Cardiologique CHU Fann Dakar Sénégal, Faculté de Médecine, Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


INTRODUCTION

 


Le rétrécissement mitral rhumatismal reste une cardiopathie fréquente en Afrique subsaharienne. C’est la première valvulopathie acquise ayant bénéficié d’une correction chirurgicale en 1947. L’intérêt a été renouvelé en 1984 avec la mise au point de la commissurotomie mitrale percutanée par Kandji INOUE dont l’efficacité est équivalente à la chirurgie. Cette technique est peu disponible en Afrique sub-saharienne alors que de larges études ont prouvé sa sécurité et son efficacité, faisant de cette technique le traitement de choix du rétrécissement mitral aujourd’hui. La fréquence de cette pathologie, le caractère évolué et grave des patients qui sont souvent récusés de la chirurgie et l’absence de disponibilité de la chirurgie constituent une véritable problématique en Afrique.

La CMP permet de réduire la durée d’hospitalisation et le coût, d’éviter la thoracotomie, l’anesthésie systématique et le traitement anticoagulant au long cours chez les femmes en âge de procréer et les enfants. Cette technique peut être reproduite plusieurs fois en cas de resténose.

L’objectif de notre étude est de rapporter la première expérience en Afrique de l’Ouest et du Centre   et d’en d’évaluer les résultats à court et moyen terme.

 

 

PATIENTS  ET METHODE

 

Nous avons réalisé une étude prospective et descriptive entre juin 2014 et Mars 2018 à la Clinique Cardiologique du Centre Hospitalier Universitaire de Fann à Dakar.

 

Cadre de l’étude

 

La salle de cathétérisme du CHU de Fann à Dakar dispose d’un équipement moderne fonctionnel et une équipe de cardiologues interventionnels expérimentés.

Outre la CMP, ce centre permet la réalisation de la coronarographie et des angioplasties, de l’implantation de stimulateur cardiaque, du cathétérisme diagnostique et interventionnel (fermeture percutanée de CIA et PCA, dilatation de sténose pulmonaire et de coarctation aortique, manœuvre de Rashkind). Les patients viennent du Sénégal et de la sous-région.

 

Populations d’étude

 

Cette étude  a inclus42patients  porteurs de rétrécissement mitral  serré symptomatique avec anatomie favorable qui ont bénéficié de CMP au ballon d’Inoue. Dans notre série 2 patientes présentaient une grossesse évolutive de 16 et 21 semaines d’aménorrhée (SA). Tous les patients ont bénéficié d’une échographie-Döppler cardiaque, d’une ETO en pré et per procédure.

Trente et un patients ont été dilatés sous AG avec guidage ETO et radioscopique, les autres ont été traités sous anesthésie locale avec un guidage radioscopique.

Les critères d’inclusion étaient :

-           RM serré avec une surface mitrale < 1,1 cm2 avec fusion bi commissurale;

-           Anatomie valvulaire favorable appréciée à l’échographie-Döppler cardiaque trans-thoracique par la classification de CORMIER ;

-           Patients symptomatiques (Classe NHYA ≥ 2) ;

-           Absence d’insuffisance mitrale moyenne à sévère;

-           Absence de  thrombus de l’OG ou de l’auricule gauche ;

-          Le score de Cormier permet de classer l’atteinte mitrale en 3 grades (3) :

-          Grade 1 : Absence d’altération valvulaire ou sous-valvulaire significative ;

-          Grade 2 : Valve non calcifiée mais atteinte sévère de l’appareil sous-valvulaire et des cordages de moins de 10 mm de long ;

-           Grade 3 : Calcification valvulaire détectée par l’échographie et confirmée par l’amplificateur de brillance.

 

Technique de dilatation mitrale

 

La figure 2 montre le matériel utilisé au cours de la dilatation mitrale percutanée.

La taille du ballon à utiliser est fonction de la taille du patient.

La première étape de la procédure est le repérage du point de ponction trans-septal sous guidage de l’ETO. Une fois le repérage fait, on effectue la ponction trans-septale. Le ballon d’Inoué est le matériel le plus souvent utilisé (fig1).

L’abord était toujours veineux et artériel fémoral avec mise en place d’une sonde pigtail dans l’aorte en position sus sigmoïdienne pour un repérage lors de la ponction du septum inter auriculaire. Le ballon d’Inoue a été utilisé chez tous les patients. La ponction trans-septale est une étape essentielle et délicate. On introduit la gaine de MULLINS à l’aide d’un guide dans la veine cave supérieure, puis on  retire le guide. L’aiguille trans septale de BROCKENBROUGH montée sur guide, est introduite dans la gaine de MULLINS, puis retirée progressivement de la veine cave supérieure vers OD en recherchant le point adéquat pour la ponction du septum inter auriculaire.

Après la ponction trans-septale, un guide pigtail  rigide est introduit dans l’oreillette gauche. Le point d’entrée fémoral et le septum interauriculaire sont dilatés par un dilatateur rigide (14French), puis le ballon est introduit dans l’oreillette gauche. Le diamètre du ballon est choisi en fonction de la taille du patient (Tableau 2).

Après franchissement de la valve mitrale, la partie proximale du ballon est inflaté dans le ventricule gauche puis le ballon est retiré au niveau de l’orifice mitral où le ballon est complètement gonflé. La première inflation est en général effectuée 4 mm sous la taille maximale et la taille sera augmentée de 1 mm à chaque inflation jusqu’à l’atteinte de la taille finale. Les critères de terminaison de la procédure sont l’obtention d’une surface valvulaire de plus d’1cm2/ m2de surface corporelle, une ouverture uni ou bi commissurale, ou à l’inverse la survenue d’une insuffisance mitrale significative.

 

L’analyse statistique

 

Le profil des patients, les surfaces mitrales pré et post procédurales, les gradients moyens trans-mitraux et les pressions artérielles pulmonaires pré et post dilatation ont été étudiés. L’analyse statistique a été réalisée par le test Wilcoxon (test sur série appariée).

 

 

RESULTATS

 

 

L’âge moyen était de 26,68 ± 7,36 ans. Le sex-ratio était de 0,2 avec une prédominance féminine dont 83,3% de femmes. Deux patientes présentaient une grossesse évolutive de 16 et 21 SA. Une dyspnée  stade II à IV était présente chez tous les patients (NYHA). L’électrocardiogramme inscrivait un rythme sinusal chez trente-six patients et quatre en arythmie complète par fibrillation auriculaire. Deux patients ont eu un flutter auriculaire en per-procédure qui a régressé sous choc électrique externe. Le temps de procédure moyen était de 39,62 mm +/- 45,38 et de 8,37 mn pour les deux patientes en état de grossesse. Quatre patients ont eu une baisse du gradient trans-mitral et des pressions pulmonaires mais avec une augmentation peu importante de leur surface mitrale. Aucun échec de procédure n’a été noté. La radiographie thoracique de face montrait un index cardiothoracique moyen à 0,57 ± 0,06.Le diamètre moyen du ballon était de 27,47 ± 1,23 mm. En pré-dilatation, la surface mitrale (SM) moyenne était de 0,68 ± 0,15 cm2 vs 1,47 ± 0,39 cm2.en post dilatation (p=9.44e-08).Une augmentation de la surface mitrale en post procédure a été notée dans tous les cas. (Figure5).

L’estimation par échocardiographie Doppler du  gradient moyen montrait que le GM  passait de 16,03 ± 6,83 mmHg à 5,35 mmHg ± 2,03 (p=1.714e-07) (fig6).

A l’écho-Doppler post-procédure, on notait une diminution des pressions pulmonaires (PAPS) évaluées par le flux d’insuffisance tricuspide de 73,14 mmHg ± 26,86 à 50,1 mmHg ± 18,5 (p=2.672e-06).La figure 3 illustre les courbes des PAPS avant et après dilatation.

Une fuite mitrale modérée grade I et II en post procédure immédiat est retrouvée dans 97,61% des cas. Un succès hémodynamique a été observé chez tous nos patients et a permis un bon déroulement de la grossesse chez nos 2 patientes enceintes (accouchement de l’une d’elle avec un bébé vivant bien portant). Aucune complication majeure n’a été notée (embolies systémiques, hémopéricarde, insuffisance mitrale sévère ou décès).Les résultats se maintenaient à trois, six et douze mois avec une amélioration significative des paramètres cliniques (p = 6.232e-07) et échographiques  en post-procédure immédiate et à M1 (SM : p=1.824e-06 – GM : p=3.619e-06 et PAPS : p=2.474e-05). Le suivi à 3, 6 et 12 mois pour les données échographiques concerne un nombre restreint de patients (plusieurs perdus de vue).

 

DISCUSSION

 

Le RM rhumatismal est une affection fréquente en Afrique et dans les pays émergents de façon générale. Le RM rhumatismal pur représentait 11,6%des cardiopathies rhumatismales au Sénégal en 1998 (7) et 18% à Fès en 2015 (14).

Dans les pays en développement et au Sénégal en particulier, le rétrécissement mitral rhumatismal survient le plus souvent chez des personnes jeunes avec un  niveau socioéconomique faible : 16 ans au Népal (1) et 29 ans au Sénégal (7).Dans les pays développés, la moyenne d’âge est plus élevée et la fréquence de cette affection est moindre (55 ans aux USA [19] et 51 ans au Japon [18] et 48 ans en France [4]).

La prédominance féminine est la règle (1, 7, 14, 17).

Les patients ayant bénéficié de la CMP étaient en classe II à IV de la NYHA (1, 7, 10).

L’ESC a établi l’algorithme de prise en charge du rétrécissement mitral en fonction des symptômes et des examens complémentaires surtout échographiques (16)

La CMP est désormais le traitement de référence du rétrécissement mitral rhumatismal à valve souple du sujet jeune. Au Sénégal la mise en place d’une salle de cathétérisme interventionnelle depuis 2013 a permis de développer le cathétérisme interventionnel adulte et pédiatrique. La CMP développée dans ce centre a permis de traiter les patients qui étaient en attente de chirurgie et de diminuer le nombre de patients évacués pour une prise en charge dans les pays du Nord.

Les données de la littérature rejoignent nos résultats, montrant une nette augmentation de la surface mitrale qui est au moins multipliée par 2 (10, 15, 22). Le gradient transmitral et les pressions pulmonaires ont nettement chuté dans ces mêmes études.

Une amélioration hémodynamique à moyen terme est notée chez tous les patients de notre étude comme dans les autres séries (7, 23).

Notre taux de succès est comparable à celui retrouvé dans les différents pays (1, 2, 17, 22).La bonne sélection des patients (5,8), une bonne qualité du résultat immédiat (SM, gradient transmitral, absence de complication) et la bonne maitrise du geste permettent d’obtenir un taux de succès élevé (10). Le jeune âge des patients, une surface mitrale > 1,5 cm2 et l’apparition d’une régurgitation mitrale < grade 2 de Sellers constituent des critères de bon résultat immédiat (1, 2, 3, 4).

Les complications de la DMP sont rares mais peuvent être graves : il s’agit de l’hémopéricarde (0 à 1%)qui peut survenir lors de la ponction trans-septale, des embolies gazeuses ou cruoriques (0 à 1,8%), des IM sévères (1,4 à 9,4%) ou du décès (0,1 à 0,6%)[1,2,6,19]. L’incidence des complications varie  en fonction de l’expérience des opérateurs (20,21). L’absence de complication majeure dans notre série peut s’expliquer par l’expérience de notre équipe.

Les resténoses sur les grandes séries en Inde (2) sont de l’ordre de 4,8%. Elles sont relativement faibles sur une période de 15 ans (12%) dans les différentes séries (22).

La CMP est une technique à promouvoir en Afrique sub-saharienne car peu onéreuse, donnant d’excellents résultats chez les sujets jeunes et entre les mains de cardiologues interventionnels expérimentés (1,21).

Le rétrécissement mitral est une pathologie grave et la grossesse constitue une circonstance de décompensation de cette pathologie. Les complications materno-fœtales sont fréquentes (3,9). Dans l’étude VALVAFRIC 13,4% des patientes hospitalisées pour rétrécissement mitral rhumatismal présentaient une grossesse (11,13). La CMP est une technique fiable qui peut être réalisée chez la femme enceinte et qui ne présente pas d’effets indésirables à court et moyen terme chez la mère et l’enfant. Elle améliore de façon significative la symptomatologie clinique des patientes (9,11).

 

 

CONCLUSION

 


La CMP a aujourd’hui une place de premier choix dans le traitement  de la sténose mitrale rhumatismale surtout chez le sujet jeune présentant une sténose mitrale à valves souples. Elle a quasi-complètement remplacé la commissurotomie à cœur ouvert. Elle ne doit pas être opposée au remplacement valvulaire mitral prothétique mais considérée comme une première étape chez les malades bien sélectionnés. La sélection des patients reste primordiale, basée sur des critères anatomo-cliniques     et       fonctionnels        bien codifiés. Les complications liées à la procédure sont rares, acceptables avec une équipe entraînée comparée aux risques d’une thoracotomie et les résultats sont excellents. Cette technique est un succès avec très peu de complications dans notre série, elle est à promouvoir en Afrique sub-saharienne où la chirurgie cardiothoracique fait souvent défaut et est souvent onéreuse. La CMP est réalisable au service de Cardiologie du CHU de Fann à Dakar où elle a permis une amélioration hémodynamique des patients de façon simple, rapide et peu traumatisante. Elle permet de surseoir aussi longtemps que possible à l’indication de remplacement valvulaire mitral.

 

Figure 1 : Mesures échographiques de la surface mitrale et du gradient Trans mitral

 

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