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Fréquence et facteurs associés à l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs chez les patients suivis en consultation de cardiologie de l’Hôpital Général de Douala.

 

Prevalence and factors associated to peripheral artery disease among
patients in the cardiology unit in Douala General Hospital.

 

 

F KAMDEM¹,² , S MEKOUI AYISSI¹, EC BIKA LÉLE⁴, J FENKEU KWEBAN¹, S MOULIOM¹,²; B HAMADOU³ ; C KENMEGNE¹ , A DZUDIɹ,³, H NGOTɹ, L VICHɹ,⁵, MS NDOM EBONGUE², SIDDIKATOU DJIBRILLA⁶ , J SANGO⁷, WILLIAM NGATCHOU²,⁷.

 

 

RESUME

 

 

Introduction : les maladies cardio-vasculaires liées à l’athérosclérose constituent la deuxième cause de mortalité dans le monde. Parmi ces maladies, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) qui est un facteur pronostique de morbi-mortalité cardio-vasculaire reste encore sous-évaluée en pratique courante. L’objectif de notre étude était d’évaluer la prévalence et de rechercher les facteurs associés à l’AOMI.  

Méthodes : nous avons réalisé une étude transversale et analytique qui a porté sur les patients reçus à l’unité de cardiologie de l’Hôpital Général de Douala (HGD) sur une période de 05 mois, allant de janvier à mai 2018. L’index de pression systolique (IPS) était obtenu en divisant la pression artérielle la plus basse (entre la pédieuse et la tibiale postérieure) au niveau de la cheville par la pression artérielle la plus haute au niveau huméral pour chaque côté droit et gauche. La valeur la plus basse était retenue pour les deux membres. Ainsi l’AOMI était définie pour tout IPS ≤ 0,9

 

Les données ont été traitées et analysées à l’aide du logiciel SPSS 20 et les facteurs associés à l’AOMI ont été déterminés grâce au test de régression logistique multivarié. Les différences ont été considérées significatives pour p < 0,05.

Résultats : notre étude a porté sur 120 patients âgés de 58±8ans, 55% des hommes. La fréquence du surpoids/obésité, obésité abdominale, hypertension, diabète, dyslipidémie et tabagisme étaient respectivement de 71,7%, 50,8%, 68,3%, 59,2% et 5,8%. La fréquence de l’AOMI était de 33,3%. En analyse univariée, l’hypertension et le diabète étaient associés à l’AOMI alors que en analyse multivariée seul le diabète restait significativement associé à l’AOMI (OR=4,89 ; p=0,001).

Conclusion : l’AOMI est fréquente en consultation cardiologique et le diabète est un facteur indépendant de sa survenue.

 

 

MOTS CLES

Artériopathie oblitérante des membres inférieurs, prévalence, facteurs associés, Hôpital Général de Douala.

 

 

SUMMARY

 

 

Introduction: cardiovascular diseases related to atherosclerosis are the second cause of death in the world. Among these diseases, peripheral artery disease (PAD) which is the prognostic factor of the cardiovascular morbimortality, still remains underestimated in the current practice. The aim of our study was to evaluate the prevalence and to research the associated factors to the PAD.

Methods: we carried-out a cross-sectional and analytical study which covered patients received in outpatient service and hospitalization at the cardiology unit of the Douala General Hospital over a 05 months-period, from January to June 2018. The ankle brachial index (ABI) was measured using the pocket vascular Doppler and a suitable armband. The PAD was defined for a ABI < 0.9 and classified in: compensated PAD, decompensated PAD and critical ischemia. Data were treated and analyzed using the SPSS software 20 and the associated factors to PAD were determined by the multivariate logistic regression test. Differences were considered significant for a p < 0.05.

Results: our study concerned 120 patients; the mean age was 58±8 years with a male predominance. Among participants, 4.2% had a decompensated PAD, 27.5% a compensated PAD, 1.7% a critical ischemia and 5% a mediacalcosis with a non-significant difference between the 02 genders. Factors as hypertension and diabetes were significantly associated to PAD in univariate analysis (OR = 4.44; p = 0.005 and OR = 2.15; p = 0.0001 respectively). However, in multivariate model including diabetes, hypertension and the C-reactive protein (CRP), only diabetes was significantly associated to PAD (OR = 4.89; p = 0.001).

Conclusion: PAD is frequent in cardiological consultation and diabetes is an independent factor of its occurrence.

 

 

KEY WORDS

Peripheral artery disease, prevalence, associated factors, Douala General Hospital.

 

 

1. Département de Médecine Interne, Hôpital Général de Douala, Cameroun;

2 .Faculté de Médecine et des Sciences Pharmaceutiques, Université de Douala, Cameroun;

3. Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales, Université de Yaoundé I, Cameroun ;

4. Unité de Physiologie et de Médecine des Activités Physiques et Sportives, Université de Douala, Cameroun;

5. Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales, Université de N’Gaoundéré, Cameroun ;

6. Faculty of Health Sciences, University of Buea, Cameroon ;

7. Service de Chirurgie Cardiovasculaire, Hôpital Général de Douala, Cameroun.

 

 

Adresse pour correspondance 

Kamdem Félicité

Département de Médecine Interne, Hôpital Général de Douala

B.P: 4856 Douala, Cameroun

Téléphone : +237 699 98 86 75

Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

INTRODUCTION

 

 

L’athérosclérose est le principal facteur impliqué dans les maladies cardiovasculaires dans les pays développés. L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) est un bon indicateur de la présence d’athéroclérose dans toutes les artères et un facteur prédictif de maladies cardiovasculaires. [1]

Les maladies cardio-vasculaires liées à l’athérosclérose constituent la première cause de mortalité dans les pays industrialisés et la deuxième cause dans le monde[2]. L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) qui est une conséquence de l’athérosclérose touche plus de 20% des personnes âgées après 70 ans[3]. Les symptômes apparaissent tardivement à un stade avancé des lésions artérielles, après une sténose de plus de 70% du calibre artérielle, rendant ainsi le diagnostic tardif avec un taux de mortalité élevé, soit 50% à 10 ans et 70% à 15 ans[3]. Cette mortalité est liée dans 75% des cas à une complication de l’athérome, soit 50% de cardiopathies ischémiques, 15% d’accident vasculaire cérébral (AVC) et 5 à 10% d’autres localisations[3]. La sévérité de l’AOMI même asymptomatique est liée au fait qu’elle est associée à une coronaropathie dans 40 à 50% des cas et à une atteinte carotidienne dans 5 à 18% des cas[3]. Ainsi, tout patient atteint d’une AOMI est considéré comme un sujet à risque cardiovasculaire élevé[4]. Certains auteurs ont montré que, les patients atteints d’une AOMI multiplient le risque de décès toute cause par 3, les décès cardiovasculaires par 5,9 et les décès coronaires par 6,6 comparativement aux sujets exemptés d’AOMI[5]. D’autres études mortalité cardiovasculaire, à partir d’un seuil inférieur à 0,9[7]. De même, dans l’étude REACH, après un an de suivi, le risque de décès cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral était de 3,06% chez l’artéritique isolé[9]. Chez les patients avec un index de pression systolique inférieur à 0,9, la prévalence de sténoses carotidiennes supérieures à 50% était de 18,8% contre 3,3% chez ceux ayant un index normal[4]. Malgré le fait que son diagnostic soit facile, non invasif et facilement reproductible par le calcul de l’index de pression systolique, l’AOMI demeure insuffisamment diagnostiqué et sous-traité[10]. Ainsi, face à une prévalence de plus en plus croissante de la morbi-mortalité cardiovasculaire au sein de nos populations et dans un environnement aux moyens limités, il nous a paru important d’évaluer la prévalence et les facteurs associés à l’AOMI chez les patients suivis dans l’unité de cardiologie de l’Hôpital Général de Douala.  

 

 

METHODES

 

 

Nous avons mené une étude transversale et analytique sur une période de 05 mois allant du 02 janvier au 31 mai 2018. La population était composée de patients sans distinction de sexe ni d’âge, reçus en consultation externe dans l’unité de cardiologie de l’Hôpital Général de Douala (HGD) durant la période d’étude. Les patients présentant des œdèmes des membres inférieurs empêchant la mesure de l’IPS étaient exclus de notre étude. Nous avons obtenu au préalable l’autorisation de recherche à l’HGD ainsi que la clairance éthique délivrée par le comité d’éthique institutionnel de l’Université de Douala (référence : 1202CEI-UDo/01/2018/T). Ensuite, les données sociodémographiques, les antécédents documentés, les données cliniques et des données biologiques datant de trois mois au plus ont été recueillies auprès du patient, de l’accompagnant et/ou dans le dossier médical par un personnel formé à cet effet.

La pression artérielle brachiale était mesurée à l’aide d’un tensiomètre automatique de marque Spengler®. La mesure était faite à distance de tout événement pouvant faire varier la pression artérielle, le patient étant au repos depuis au moins 5 minutes, en décubitus dorsal. Trois mesures consécutives étaient réalisées et s'il y avait une variation de plus de 10mmHg, une quatrième mesure était réalisée.

La mesure de l’Index des Pressions Systoliques (IPS) était faite à l’aide d’un Doppler vasculaire de poche (Edan Sonotrax®) doté d’une sonde de haute fréquence (10 MHz).

La technique de mesure de l’IPS était la suivante : patient en décubitus dorsal après un temps de repos de 10 à 15 min. L’examen commençait par la mesure de la pression artérielle systolique (PAS) humérale aux deux membres supérieurs, de manière à avoir une idée de la pression qu’on devrait obtenir aux membres inférieurs en absence d’AOMI. Après repérage avec le mini-doppler de la pression artérielle au niveau de l’artère pédieuse sur la cheville droite, le brassard effleurant la malléole, axe de la sonde faisant un angle de 45º avec l’axe artériel, le brassard était gonfler sans bouger la sonde, à 20 mmHg au-dessus du seuil sonore de détection du Doppler. Ensuite nous effectuions un dégonflage progressif de deux mmHg par seconde avec enregistrement de la pression artérielle systolique (à la réapparition du signal Doppler). La manœuvre était répétée avec l’artère tibiale postérieure et aussi sur le second membre inférieur [11]. L’IPS était obtenu en divisant la pression systolique la plus basse (entre la pédieuse et la tibiale postérieure) au niveau de la cheville par la pression artérielle la plus haute au niveau huméral pour chaque côté droit et gauche, la valeur la plus basse était retenue pour les deux membres [12]. L’AOMI a été définie pour un IPS ≤ 0,9. Ainsi les participants ont été classés en plusieurs groupe : normal (0,9 ≤ IPS ≤ 1,3), AOMI compensée (0,70 ≤ IPS < 0,9), AOMI décompensée (0,5 ≤ IPS < 0,70), AOMI sévère ou ischémie critique (IPS < 0,5) et médiacalcose (IPS > 1,3)[13].

Le poids et la taille ont été mesurés à l’aide d’une balance analogique de marque SECA et d’une toise murale graduée en centimètres (50 à 200 cm) respectivement. Les valeurs obtenues nous ont permis de calculer l’indice de masse corporelle (IMC). Les résultats nous ont permis de classer les patients en : dénutrition (IMC < 18,5 kg/m²), normal (18,5 ≤ IMC <  25 kg/m²), surpoids (25 ≤ IMC < 30 kg/m²) et l’obésité (IMC ≥ 30kg/m²). Le tour de taille a été mesuré en centimètres à mi-distance entre la crête iliaque et le rebord costal sur la ligne médio axillaire, et l’obésité abdominale a été définie par un tour de taille ≥ 94 cm chez les hommes et ≥ 80 cm chez les femmes[14]. Le débit de filtration glomérulaire (DFG) du patient était calculé selon la formule CKD EPI[15]. La maladie rénale chronique (MRC) était définie  selon la KDIGO 2012[16] par un DFG inférieur à 60 ml/min/1,73 m² évoluant depuis plus de 3 mois ou toute anomalie comme une protéinurie ou une hématurie évoluant depuis plus de 3 mois. Un sujet était considéré hypertendu s’il avait des antécédents d’hypertension artérielle ou présentant des chiffres tensionnels ≥ 140mmHg pour la systole et/ou  ≥ 90mmHg pour la diastole[17]. Le diabète sucré a été définie par la présence d’un antécédent de diabète sucré ou une glycémie à jeun ≥ 1,26 g/L en présence des symptômes de diabète ou une glycémie prise instantanée >2g/L ou l’hémoglobine glyquée > 6,5% [18]. La dyslipidémie a été définie selon les critères du National Cholesterol Education Program Adult Treatment Panel III avec une adaptation au risque cardiovasculaire global (hypercholestérolémie totale ≥ 2g/L ;  hypertriglycéridémie > 1.5g/L ; hyperLDLémie >1g/L ; hypoHDLémie < 0.4g/L chez l’homme et 0.5g/L chez la femme) et/ou diagnostic antérieur de dyslipidémie sous traitement ou pas[18]. Le tabagisme était défini par la consommation actuelle de tabac (inhalé ou non) ou arrêté depuis moins de trois ans[18]. L’hyperuricémie était définie par un taux d’acide urique > 70 mg/L.

Les données ont été traitées et analysées grâce au logiciel SPSS 20. Les variables quantitatives étaient présentées en moyenne ± déviation standard et les variables qualitatives en effectifs et pourcentages.  Les variables étaient comparées entre hommes et femmes grâce au test de Chi2 pour les variables qualitatives et grâce au test t-student pour les variables quantitatives. La détermination des facteurs associés à l’AOMI a été effectuée grâce au test de régression logistique multivarié. Les variables présentant un p<0.1 en analyse univariée ont été inclues dans le model multivarié en plus de l’âge et du sexe. Les différences étaient considérées significatives pour p<0.05.

 

 

RESULTATS

 

 

Cent vingt (120) participants au total ont été recrutés dans l’unité de cardiologie parmi lesquels 55% d’hommes. L’âge moyen des participants était de 58±8ans compris entre 33 et 80 ans. L’âge n’était pas significativement différent entre hommes et femmes (p=0.628).

 

Caractéristiques des participants stratifiés en fonction du sexe  

 

Le surpoids/obésité était similaire entre les deux groupes alors que l’obésité abdominale était significativement plus fréquente chez les femmes par rapport aux hommes (70.4% vs 34.8% respectivement, p=0,0002). La fréquence de l’HTA, du diabète, la maladie rénale chronique (MRC) et des dyslipidémies étaient respectivement de 68.3%, 59.2%, 22.5% et 67.5%. Le diabète, la MRC et les dyslipidémies aussi bien que leurs indicateurs n’étaient pas significativement différents entre les deux groupes.Les tableaux 1 et 2 présentent les caractéristiques sociodémographiques et biocliniques des participants.

 

Fréquence des anomalies de l’IPS retrouvés chez les participants

 

Un IPS anormal était retrouvé chez 38,3% des participants et n’était pas significativement différent entre hommes (42.2%) et femmes (33.3%); p=0.406. La fréquence de l’AOMI était de 33.3% avec 27.5% de cas d’AOMI compensée et 4.2% d’AOMI décompensée. Environ 5% des participants présentaient une médiacalcose de l’artère et 2 participants présentaient une ischémie critique. L’AOMI représentait 31.8% chez les femmes et 31.5% chez les hommes (p = 0.942) alors que la médiacalcose représentait 7.6% chez les hommes et 1.9% chez les femmes. Aucun cas d’ischémie critique n’était retrouvé chez les femmes. Le tableau 3 présente les différentes anomalies de l’index de pression systolique (IPS) dans l’échantillon.

 

Fréquence et déterminants de l’AOMI en fonction des caractéristiques des participants  

 

En analyse univariée, l’AOMI était significativement plus fréquente chez les hypertendues par rapport aux normotendus (40.2% vs 13.2% respectivement; p = 0.005) et chez les diabétiques comparés aux non-diabétiques (55.1% vs 15.5%; respectivement p < 0.0001). La différence n’était pas significative pour d’autres paramètres bien que une tendance était observée pour la CRP > 6mg/L (p = 0.074). Dans un modèle multivariée incluant l’âge, le sexe, l’HTA, le diabète et la CRP > 6mg/L, le risque d’AOMI était significativement plus élevé en cas de diabète (OR: 4.98 IC à 95% 1.86 – 13.31; p=0.001). Ce risque était non significatif pour l’HTA et la CRP > 6mg/L. les données sont présentées dans le tableau 4.

 

 

 

DISCUSSION

 

 

Notre étude a porté sur 120 patients âgés de 58±8ans, 55% des hommes. La fréquence du surpoids/obésité, obésité abdominale, hypertension, diabète, dyslipidémie et tabagisme étaient respectivement de 71,7%, 50,8%, 68,3%, 59,2% et 5,8%. La fréquence de l’AOMI était de 33,3%. En analyse univariée, l’hypertension et le diabète étaient associés à l’AOMI alors que en analyse multivariée seul le diabète restait significatif (OR=4,89 ; p=0,001). Les patients étaient recrutés de manière volontaire lors de leur passage en consultation de cardiologie. Ce mode de recrutement permet de justifier certaines caractéristiques de l’étude telles que la fréquence élevée des facteurs de risque conventionnels comme le surpoids/obésité, l’HTA, les dyslipidémies, et le diabète. En effet, les patients qui se présentent sont généralement recommandés soit pour une consultation de routine ou pour des plaintes liées à leur santé cardiovasculaire.  

L’âge moyen de notre population était de 58 ± 8 ans avec une prédominance masculine (sex-ratio de 1,22). Dans la littérature l’âge moyen varie en fonction de la population d’étude. Mais toutes les études s’accordent sur le fait que l’AOMI augmente principalement avec l’âge[19–21]. Ainsi la prévalence de l’AOMI serait 0,04% avant 40 ans, pour atteindre 3,6% après 80 ans dans la population générale[22]. Dans l’étude TAHES qui est un étude de cohorte Africaine réalisée en milieu rural, l’âge moyen de la population est de 44,4±15,7 ans avec une prédominance féminine de 61,4% [8] Les prévalences élevées de l’hypertension artérielle (68,3%), du diabète (59,3%), du surpoids/obésité (71,7%), de la dyslipidémie (67,5%) et la présence du tabac (5,8%) sont dus au fait que notre étude a été faite au service de cardiologie chez des patients présentant pour la majorité un ou plusieurs de ces facteurs de risque cardiovasculaire. Menanga et al dans une étude réalisée au Cameroun sur l’artériopathie oblitérante asymptomatique des membres inférieurs chez un groupe de patients avec des facteurs de risque cardiovasculaire retrouve une  prévalence  de  l’hypertension artérielle de 95,2% et 11,9%  de  patients  diabétiques. Dans ce groupe de population, la prévalence de l’AOMI était de 16,7% [23].

Dans notre étude, 38,4% présentaient une anomalie de l’IPS sans différence significative entre les hommes et les femmes. Parmi ses participants, 4,2% avaient une AOMI décompensée, 27,5% une AOMI compensée, 1,7% une ischémie critique et 5% une médiacalcose sans différence significative entre les deux sexes. L’AOMI était présente chez 33,4% de la population d’étude, largement supérieure aux 12% de la population dans le registre REACH (Reduction of Atherothrombosis for Continued Health [24–26]. Aux USA, une étude regroupant 6979 patients et portant sur les patients de plus de 70 ans et ceux de 50 à 69 ans ayant un antécédent de tabagisme et/ou de diabète retrouvait une prévalence de l’AOMI estimé à 29% [27] ; d’autres études ont trouvé une fréquence de 19% aux Pays-Bas [28] et 11% en France [25] chez les patients de plus de 65 ans.  

Menanga et al  au Cameroun dans une autre étude sur les facteurs de risque cardiovasculaire chez un groupe de patients VIH trouvaient 43,2% d’hypertendus avec une tranche d’âge de 24-72 ans avec un sex-ratio (H/F) de 1:2,5. Cette fréquence élevée d’hypertendus chez les patients VIH s’expliquerait par le fait que les patients VIH sont une population à haut risque cardiovasculaire, et vivraient sous le stress multiplicateur des facteurs de risque cardiovasculaires [29].

Kamdem et al dans une étude réalisée au  Cameroun sur la prévalence et facteurs de risque associés à l’AOMI chez le patient VIH  retrouve une prévalence de l’AOMI de 25% Chez les patients VIH sans traitement antiretroviral (TARV) et de 4,7% chez ceux sous TARV permettant de dire que l’infection à VIH et le TARV qui joueraient rôle dans le processus d’artériosclérose [30].

La prévalence de l’AOMI varie en fonction de la population d’étude. Codjo et al en 2013 dans une étude réalisée chez les travailleurs à Cotonou retrouve un âge supérieur à 60 ans et une prévalence de l’AOMI de 4,7% [31]. De même, dans l’étude TAHES qui est une étude de cohorte en population africaine, la prévalence de l’AOMI est de 5,5% [8].

Cette différence de prévalence dans les études se justifie principalement par l’échantillonnage de ces travaux. Dans notre étude, le recrutement des patients dans l’unité de cardiologie peut justifier cette forte prévalence car ces patients sont pour la majorité à haut risque cardiovasculaire. Les facteurs tel que l’âge > 60 ans, le tabagisme, la maladie rénale chronique, le surpoids/obésité, le taux de CRP élevé et la dyslipidémie (OR= 1,10 ; OR= 1,67 ; OR= 1,68 ; OR=1,16 ; OR= 2,12 et OR= 1,53 respectivement) étaient plus fréquent chez les patients ayant une AOMI bien que l’association était non significative. Dans la littérature l’âge, le tabagisme, le diabète et l’hypertension artérielle sont des déterminants indépendant fortement associés à l’AOMI [28,32–35].

En analyse univariée, l’HTA et le diabète étaient significativement associés à l’AOMI (OR = 4,44 ; p = 0,005 et OR = 2,15 ; p = 0,0001 respectivement). Par contre, en analyse multivariée incluant le diabète, l’HTA et la CRP, seul le diabète était significativement associé à l’AOMI (OR = 4,89 ; p = 0,001). L’HTA dans notre étude était retrouvé dans 40,2% des AOMI. Dans la littérature, la prévalence de l’HTA dans l’AOMI varie de 46,4% dans l’étude de Mbaye et al. [36] à 68,1% dans celle de Rada et al. [37]. Bien que non associé de façon significative à l’AOMI en analyse multivariée, l’HTA était 2 fois plus fréquent chez les patients présentant une AOMI pouvant se justifier par le fait que l’HTA est un facteur de risque d’athérosclérose [38] et que notre échantillon ne permet pas une meilleure évaluation de son impact. L’association significative en analyse uni et multivariées du diabète avec l’AOMI dans notre étude est similaire à celle retrouvée dans la littérature. Ainsi, des études de populations, montrent que le diabète multiplie le risque d’AOMI par 1,9 à 4 [4] et de 4 à 6 dans une population diabétique[39]. La prévalence du diabète dans l’AOMI varie d’une étude à une autre, allant de 7,2% dans l’étude de Mbaye et al. au Sénégal [36] à 48,3% dans celle de Rada et al. au Maroc[37], contre 55,1% dans notre étude. Malgré les grandes variations observée dans les études, le diabète reste un facteur puissant et indépendant de survenue d’AOMI et cette association est d’autant plus forte que l’AOMI maladie est grave et le diabète ancien [28,40–42].

 

 

LIMITES DE L’ETUDE

 


La principale limite de cette étude est la population qui est constituée de patients reçus en consultation externe de cardiologie. Ces personnes sont plus susceptibles de présenter des pathologies cardiaques documentées ou des plaintes liées au système cardiovasculaire, ce qui pourrait augmenter la prévalence de l’AOMI. Des études complémentaires dans la population générale permettraient d’avoir une meilleure estimation de cette pathologie dans la population.

 

 

CONCLUSION

 

 

Cette étude montre que l’AOMI est une maladie fréquente en cardiologie, avec une prévalence de 33,3%. Elle touche indépendamment les hommes et les femmes et est significativement associée au diabète de type 2. Des mesures préventives précoces visant à réduire les facteurs de risque cardiovasculaires permettraient de limiter la survenue de l’AOMI et réduire le risque de complications.

 

 

Tableau 1

Variables quantitatives des paramètres sociodémographiques, anthropométriques et biocliniques

 

 

 

 

Moyenne

ET

Médiane

Min

Max

Age (ans)

  58

8

58

  33

   80

Poids (kg)

    79,4

11,9

79,0

56,0

 116,0

Taille (m)

       1,68

   0,07

    1,70

    1,50

    1,85

IMC (kg/m²)

  28,1

 4,0

27,7

19,6

42,5

Circonférence abdominale (cm)

  96,1

10,6

96,0

72,0

  130,0

Glycémie (g/L)

      1,14

    0,38

    1,04

    0,65

      3,10

DFG (ml/min)

  61,4

36,4

66,7

  0,9

116,0

Acide urique (mg/L)

  60,9

16,1

63,0

  7,3

106,0

PA systolique (mmHg)

      143

   24

   142

  98

  237

PA diastolique (mmHg)

83

   14

83

  53

  131

Fréquence cardiaque (bpm)

78

   12

78

  53

  123

Chol-T (g/L)

       2,12

    0,50

       2,03

   1,17

      4,10

HDL-C (g/L)

       0,49

    0,25

       0,42

   0,20

      1,55

Triglycérides (g/L)

       1,16

    0,57

       1,12

   0,41

      3,77

LDL-C (g/L)

       1,38

    0,53

       1,30

   0,24

     2,84

CRP (mg/L)

  26,7

   32,6

   12,0

 5,0

  128,0

 
 
 

IMC: indice de masse corporelle; PA: pression artérielle; DFG: débit de filtration glomérulaire ;

                   Chol-T: cholestérol total; CRP: protéine C-réactive. 

 

 

Tableau 2

Fréquences des paramètres sociodémographiques et biocliniques stratifiés en fonction du sexe.


 
 

 

Total  

N=120

Féminin

N=54

Masculin

N=66

P

Employé (%)

72 (60.0)

23 (42.6)

49 (74.2)

0.001

Surpoids/obésité (%)

86 (71.7)

39 (72.2)

47 (71.2)

0.935

Obésité abdominale (%)

61 (50.8)

38 (70.4)

23 (34.8)

0.0002

Hypertension (%)

82 (68.3)

32 (59.3)

50 (75.8)

0.083

Diabète (%)

71 (59.2)

30 (55.6)

41 (62.1)

0.588

MRC (%)

27 (22.5)

13 (24.1)

14 (21.2)

0.932

Tabac (%)

  7 (5.8)

  3 (5.6)

4 (6.1)

0.784

Chol-T ≥ 2 (%)

56 (46.7)

27 (50.0)

29 (43.9)

0.633

HDL-C* (%)

61 (50.8)

25 (46.3)

36 (54.5)

0.474

Triglycérides ≥ 1.5 (%)

19 (15.8)

11 (20.4)

  8 (12.1)

0.327

LDL-C ≥ 1g/L (%)

80 (66.7)

35 (64.8)

45 (68.2)

0.846

Dyslipidémie (%)

81 (67.5)

35 (64.8)

46 (69.7)

0.71

CRP ≥ 6 (%)

71 (59.2)

29 (53.7)

42 (63.6)

0.36

Acide urique ≥ 70 (%)

30 (25.0)

11 (20.4)

19 (28.8)

0.397

*HDL-C ≤ 0.4g/L chez les hommes et ≤ 0.5g/L chez les femmes  MRC : maladie rénale chronique;

                              Chol-T: cholestérol total; CRP: protéine C-réactive.

 

 

Tableau 3

Fréquence des différentes composantes de l’AOMI et la médiacalcose retrouvés chez les participants

 

 

 

Féminin

Masculin

Total

Ischémie critique (˂0.5)

  0

  2 (3.0)

2 (1.7)

AOMI décompensée (0.5 - 0.7)

  3 (5.6)

  2 (3.0)

5 (4.2)

AOMI compensée (0.7 – 0.9)

14 (25.9)

19 (28.8)

33 (27.5)

Normal (0.9 – 1.3)

36 (66.7)

38 (57.6)

74 (61.7)

Médiacalcose (> 1.3)

  1 (1.9)

  5 (7.6)

6 (5.0)

Total  

54 (100)

66 (100)

120 (100)

AOMI: artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

 

 

Tableau 4

Fréquence et déterminants de l’AOMI en fonction des caractéristiques sociodémographiques et biocliniques

 

 

 

 

AOMI

Univarié

 

Multivarié

 

 

 

n (%)

OR (IC à 95%)

 p

ORa (IC à 95%)

p

Age (ans)

< 60

20 (29.0)

 1

 

 

 

 

≥ 60

17 (35.4)

 1.10 (0.09- 13.0)

0.942

1,33 (0,56- 3,18)

0,515

Sexe

F

21 (31.8)

 1

 

 

 

 

M  

17 (31.5)

 0.98 (0.45- 2.13)

0.969

0,97 (0,40- 2,36)

0,952

Hypertension

Non

  5 (13.2)

 1

 

 

 

 

Oui

33 (40.2)

 4.44 (1.57 - 12.6)

0.005

1,94 (0,59- 6,43)

0,276

Diabète

Non

  8 (15.5)

 1

 

 

 

 

Oui

27 (55.1)

 2.15 (1.06- 5.35)

<0.0001

4,98 (1,86- 13,31)

0.001

MRC

Non

27 (29.0)

 1

 

 

 

 

Oui

11 (40.7)

 1.68 (0.69- 4.09)

0.252

 

 

Tabac  

Non

35 (31.0)

 1

 

 

 

 

Oui

  3 (42.9)

 1.67 (0.36- 7.87)

0.516

 

 

Surpoids/obésité

Non

10 (29.4)

 1

 

 

 

 

Oui

28 (32.6)

 1.16 (0.49 - 2.75)

0.739

 

 

Obésité abdominale

Non

18 (30.5)

 1

 

 

 

 

Oui

20 (32.8)

 1.11 (0.51- 2.40)

0.789

 

 

Chol-T ≥ 2g/L

Non

19 (33.9)

 1

 

 

 

 

Oui

19 (29.7)

 1.21 (0.56- 2.62)

0.619

 

 

HDL-C *

Non

19 (32.2)

 1

 

 

 

 

Oui

19 (31.1)

 0.95 (0.44- 2.06)

0.901

 

 

Triglycérides ≥ 1.5g/L

Non

32 (31.7)

 1

 

 

 

 

Oui

  6 (31.6)

 1.00 (0.35- 2.86)

0.993

 

 

LDL-C < 1g/L

Non

11 (27.5)

 1

 

 

 

 

Oui

27 (33.8)

 1.34 (0.58- 3.09)

0.488

 

 

Dyslipidémie

Non

10 (25.6)

 1

 

 

 

 

Oui

28 (34.6)

 1.53 (0.65- 3.59)

0.327

 

 

CRP ≥ 6mg/L

<6

11 (22.4)

 1

 

 

 

 

≥ 6

27 (38.0)

 2.12 (0.93- 4.84)

0.074

1,23 (0,48- 3,16)

0,665

Acide urique  ≥ 70mg/L

<70

28 (31.1)

 1

 

 

 

 

≥ 70

10 (33.3)

 1.11 (0.46- 2.67)

0.821

 

 
 

 

OR: odd ratio; ORa: odd ratio ajusté IC: intervalle de confiance; MRC: maladie rénale chronique; CRP: protéine C-reactive ;

*HDL-C ≤ 0.4g/L chez les hommes et ≤ 0.5g/L chez les femmes.  

      

 

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