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Evaluation de la reperfusion myocardique par la thrombolyse intraveineuse dans les syndromes coronariens aigus avec sus décalage persistant du segment ST (SCA ST+).

 

Evaluation of myocardial reperfusion by intravenous thrombolysis in acute coronary syndromes with persistent ST segment elevation (ACS ST +).

 

NGAÏDÉ A.A, MOCTAR M.A, SOW M, DIOUM M, HARIS M, MINGOU J.S, AW F,        GAYE N.D,    BEYE S.M,SANGARÉ Z, IDRISSA H, BAH M.B, SYLLA I.S2, DIOP K.R, NDIAYE P.G, DIALLO SD,   GUÈYE K, SARR S.A, LÈYE M, BODIAN M, NDIAYE M.B , MBAYE A.

 

RESUME

 

Introduction: La prise en charge rapide et efficace du syndrome coronarien aigu avec sus décalage du segment ST est devenue un sujet de constante remise en question et le point est toujours mis sur l’importance de la rapidité de la prise en charge. L’objectif de ce travail était d’évaluer la reperfusion myocardique par la thrombolyse dans un service de cardiologie de Dakar au Sénégal.

Méthodologie:Il s’agissait d’une étude prospective réalisée de Janvier à décembre 2016 au service de cardiologie de l’hôpital général de grand Yoff. Ont été inclus tous les patients hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu avec sus décalage du segment ST thrombolysés. Le succès de la fibrinolyse a été défini sur des critères cliniques (disparition de la douleur thoracique) et électrocardiographiques (diminution du sus décalage du ST d’au moins 50%). L’analyse des données a été faite à l’aide du logiciel SPSS version 17.0. Une valeur de p < 0.05 était considérée comme statistiquement significative.

 

 

Résultats: Sur les 145 patients présentant un SCA ST+ pendant la période de l’étude, 61 (8,13%) ont été thrombolysés. Leur âge moyen était de 59 ans et leur sex–ratio H/F de 2,21. Le délai moyen entre la douleur thoracique et la thrombolyse était de 5,74 heures. Le taux de succès de la fibrinolyse a été de 59,02%. Le facteur indépendant prédictif d’un succès de fibrinolyse était un délai douleur thoracique-arrivée aux urgences inférieur ou égal à 180 min. En revanche, le diabète (p=0,05), l’HTA (p=0,025) et le sexe féminin (p=0,035) étaient des facteurs associés à un allongement des délais de la fibrinolyse. La complication la plus fréquente était l’hémorragie intracérébrale (3,30%). La mortalité hospitalière (6,6%) était en rapport à un collapsus cardio-vasculaire et une fibrillation ventriculaire.

Conclusion: Notre étude montre que le délai de reperfusion était long et que le succès de la fibrinolyse était sous la dépendance d’un délai réduit de la prise en charge.

 

MOTS CLES

Syndrome coronarien aigu, thrombolyse, délais, Dakar.

 

SUMMARY

 

Background: The rapid and effective management of acute coronary syndrome with ST segment elevation has become a subject of constant challenge and the point is always placed on the importance of the speed of management. The objective of this work was to evaluate myocardial reperfusion by thrombolysis in a cardiology service in Dakar, Senegal.

Methodology: This is a prospective study conducted from January to December 2016 in the cardiology department of grand Yoff general hospital. We included all thrombolysed cases of ACS with persistent ST segment elevation. The success of fibrinolysis was defined according to clinical (disappearance of chest pain) and electrocardiographic criteria (decrease of the ST segment elevation of at least 50%). Data analysis was done using SPSS software version 17.0. A value of p <0.05 was considered statistically significant.

Results: Of the 145 cases with ACS ST+ seen during the study period, 61 (8.13%) were thrombolyzed. Their mean age was 59 years and their sex ratio of 2.21. The average chest pain - thrombolysis time was 5.74 hours. The success rate of fibrinolysis was 59.02%. In multivariate analysis, the independent predictor of successful fibrinolysis was a thoracic pain - emergency arrival elapsed time of less than or equal to 180 min. In contrast, diabetes (p = 0.05), hypertension (p = 0.025), and female sex    (p = 0.035) were factors associated with increased time to fibrinolysis. The most common complication was intracerebral hemorrhage (3.30%). Hospital mortality (6.6%) was in relation to cardiovascular collapse and ventricular fibrillation.

Conclusion: Our study shows that the reperfusion delays were long and that the success of fibrinolysis was under the influence of a short time-to-treatment.

KEY WORDS

ACS, Thrombolysis, delays, Dakar.

 

1. Service des Explorations Externes de l’Institut de Cardiologie d’Abidjan (Côte d’Ivoire)

2. Service des Soins Intensifs de l’Institut de Cardiologie d’Abidjan (Côte d’Ivoire).

Adresse pour correspondance :

Dr Aliou Alassane NGAIDE

Service de Cardiologie, Hôpital Général de Grand Yoff

BP :3270 Dakar/Sénégal.

 E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

INTRODUCTION

 

Principales causes de morbi-mortalité dans les pays industrialisés [1], les SCA constituent un problème majeur de santé publique. La prise en charge rapide et efficace des SCA à la phase aiguë reste le meilleur facteur pronostique de survie, ainsi le point est toujours mis sur l’importance de la rapidité de la prise en charge, « time is muscle » [2]. Le problème principal réside dans le temps que le patient prend pour décider de consulter [3, 4]. L’objectif de ce travail était d’évaluer les modalités de la prise en charge des SCA ST + notamment la reperfusion myocardique par la thrombolyse au service de cardiologie de l’hôpital général de grand Yoff de Dakar (HOGGY).

 

MATERIELS  ET METHODE

 

Nous avons réalisé une étude prospective de janvier 2016 à décembre 2016 incluant tous les patients admis dans le service de cardiologie de HOGGY pour infarctus du myocarde avec sus décalage du segment ST ayant bénéficié de la thrombolyse. Le diagnostic d'infarctus était basé sur la clinique (douleur angineuse), l'électrocardiogramme (sus-décalage persistant du segment ST ou onde Q de nécrose dans au moins deux dérivations contiguës du même territoire coronaire) et la troponinémie. La stratégie de reperfusion a été choisie conformément aux recommandations de l’European Society of Cardiology (ESC) 2015 restées en vigueur en 2017 [5]: angioplastie primaire si délai présumé Premier Contact Médical (PCM) – angioplastie (gonflement du ballonnet) inférieur à 2 heures sinon fibrinolyse. La streptokinase était le seul produit thombolytique utilisé chez tous nos malades à la dose de 1,5 millions d’unité dans 50 ml de glucose 5% ou NaCl 0,9% sur 45 minutes en pousse seringue électrique.

Le succès de la fibrinolyse a été évalué à la 90ème minute sur des critères cliniques (rétrocession de la douleur thoracique) et électriques (survenue d’un rythme idioventriculaire accéléré ou régression du sus-décalage ST de plus de 50% de son amplitude initiale dans la dérivation où il était le plus ample). L’échec de la thrombolyse était basée sur l’absence de critères cliniques et ou électriques.

Un questionnaire a permis de recueillir les informations relatives au délai de prise en charge : début du premier symptôme, contact avec le premier agent de santé et le cardiologue, nombre de centre de santé consulté avant le transfert en cardiologie, composition du premier traitement administré, situation géographique des patients, moyen de transport utilisé. Nous avons réalisé un examen clinique complet à la recherche des facteurs de risque cardio-vasculaire et d'éventuelles complications. La biologie (glycémie, NFS, créatininémie, uricémie, troponinémie), l'ECG de surface et l'échographie cardiaque étaient systématiques.

Les données étaient saisies sur une feuille de calcul Excel. L’étude statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS version 17.0 comprenant une étude descriptive avec calcul des pourcentages pour les variables qualitatives, des moyennes, des médianes pour les variables quantitatives. L'étude analytique des variables quantitatives par test t de Student et celle des variables qualitatives par test de chi carré de Pearson ou par le test exact bilatéral de Fisher. Une valeur de p < 0,05 était considérée comme significative.

 

 

RESULTATS

Sur 750 malades hospitalisés durant la période d’étude dans le service de cardiologie de l’hôpital général grand Yoff de Dakar, 145 cas de syndrome coronarien aigu ont été admis soit une prévalence hospitalière de 19,33%, mais seulement 61 patients ont été thrombolysés (8,13%) contre 84 cas qui n’ont pas été thrombolysés (11,2%) car ils étaient reçus hors délai de thrombolyse. Les facteurs de risque cardio-vasculaire (figure 1) les plus fréquents étaient l’hypertension artérielle (60,65%), le diabète (40,98%), les dyslipidémies (27,86%), la sédentarité (27%) et le tabagisme (19,67%). Le premier contact médical a eu lieu dans les services d’urgences des hôpitaux dans 36,1% des cas puis auprès des médecins généralistes (29,5%) et des cardiologues (24,6 %). Ainsi 54,1% de nos patients étaient référés. Le délai moyen du début des symptômes-thrombolyse était de 5,74 heures.

Le principal motif de consultation était la douleur angineuse (98,4%). A l’examen physique, les Killip 2 et 3 étaient notés respectivement dans 13,11% et 3,27% des cas et la classe 4  Killip retrouvée dans 8,19% des cas.

La localisation électrocardiographique la plus fréquente était le territoire antérieur (52,44%). Une extension au ventricule droit était notée dans 16,39% des cas et toutes associées  à un IDM inférieur. A l’échocardiographie Doppler l’hypocinésie et l’akinésie ont été retrouvées respectivement dans 74,64% et 23,40% des cas. Les territoires les plus touchés étaient septal (37,70%) et antérieur (22,94). La fonction systolique du ventricule gauche était altérée dans 63,83% des cas (figures 2 et 3).          

La thrombolyse a été réalisée chez tous nos malades avant la 12e heure du début des symptômes. Nous avions noté un taux de succès de  59,02% des cas (36 patients) et un échec de la thombolyse de 40,08% (25 patients). La streptokinase était le seul produit thombolytique utilisé. Il existe une corrélation entre le délai début des symptômes-début thrombolyse et les résultats (succès ou échec) de la thrombolyse (p=0, 037) (figure 4). Tous nos patients avaient reçu de l’héparine, un double antiagrégant plaquettaire (aspirine et clopidogrel) et de la statine.

L’évolution intra hospitalière était favorable dans 77% des cas. Nous avions noté des complications dans 16,4% des cas. Il s’agissait de l’insuffisance cardiaque (13,11%), du collapsus et choc cardiogénique (8,2%), des blocs auriculo ventriculaires complets (3,3%), de la fibrillation ventriculaire (3,3%). La mortalité hospitalière était de 6,6%, liée aux chocs cardiogéniques et à la fibrillation ventriculaire. Il existait une corrélation entre la mortalité et la classe Killip (p=0,01), la bradycardie (p=0,036), l’âge (p=0,05) et le genre (p=0,025).

 

 

DISCUSSION

 

 

Le syndrome coronaire aigu regroupe des présentations cliniques dont la prise en charge à la phase aiguë diffère selon qu'il existe ou non un sus-décalage du segment ST à l'électrocardiogramme [6, 7, 8]. Première cause de mortalité dans les pays industrialisés [7, 9]. En Afrique, sa prévalence connaît une augmentation en rapport avec l'occidentalisation des habitudes de vie, l'amélioration des conditions socio-économiques et l'augmentation de l'espérance de vie [10]. Celle-ci est passée de 3,17% en 1991 dans l'enquête prospective multicentrique CORONAFRIC à 4,05% à Dakar en 2006 [11]. Notre étude confirme cette augmentation de la prévalence avec 19,33%.

L'augmentation de la prévalence de ces affections s'accompagne d'une diminution de l'âge moyen de survenue des SCA de 57 ans au Sénégal et 55 ans en Tunisie [12]. Dans les séries européennes et nord-américaines, l'âge moyen de survenue des SCA est beaucoup plus élevé [13]. Il est de 67 ans, 63 ans et 65 ans respectivement en France et en Grèce [14, 15].

La moitié (54,1%) de nos patients étaient référés par les structures sanitaires publiques ou privées. Notre faible taux d’admission directe (45,9%) légèrement supérieur à celui rapporté par Mboup (42,4%) [11] dans la même ville s’explique par l’accès facile aux structures sanitaires périphériques.

Selon les recommandations européennes de 2015 et 2017, tout patient pris en charge dans les 12 premières heures suivant le début des symptômes doit être reperfusé [5, 16]. Plus de la moitié de nos patients (55,7%) ont reçu le traitement thrombolytique dans les 6 premières suivant le début de la douleur, dont 18% dans les 3 premières heures. Mahdhaoui dans une enquête sur les délais de l’IDM en phase aigüe en Tunisie, montre que 51,7 % des patients ont été admis dans les 6 premières heures [17]. La relation étroite entre des délais courts de reperfusion de l’artère responsable de l’infarctus ST+ et une réduction de mortalité est documentée par de nombreuses études [18, 19, 20]. Il existait une corrélation entre début des symptômes et résultats de la thrombolyse (p=0, 037) chez nos patients.

Le bénéfice de la reperfusion coronaire par thrombolyse systémique, comme traitement de première ligne dans la prise en charge de l'infarctus du myocarde, a été démontré par l’étude GISSI en utilisant les thrombolytiques contre un placebo. Cette étude montrait une réduction de la mortalité hospitalière globale de 10% avec la reperfusion par la streptokinase  contre une mortalité de 13% chez le groupe non reperfusé [21]. L’utilisation quasi-exclusive de la streptokinase dans notre étude trouve son explication dans son coût moindre et sa disponibilité par rapport aux autres thrombolytiques.

Les complications liées à la thrombolyse étaient représentées par l’hémorragie mineure dans 4,9% des cas à type de gingivorragie. L’insuffisance cardiaque (13,11%) était la complication la plus fréquente et elle survenait dans 30 % des infarctus aigus dès que 20 à 30 % du myocarde était nécrosé [22]. Dans l’étude USIK 2000, l’insuffisance cardiaque compliquait 29% des SCA [14]. Le collapsus et choc cardiogénique, de survenue précoce, étaient enregistrés dans 8,2% des cas. Ces collapsus et choc constituent un facteur de risque de mortalité hospitalière. Les blocs auriculo-ventriculaire compliquent 10 à 15% des SCA selon la littérature et Mboup en avait rapporté 11,9% [11].

L’IDM antérieur était  le plus fréquent dans 52,44% des cas. Plusieurs auteurs ont confirmé la prédominance de l’atteinte du territoire antérieur au cours du SCA, suivi du territoire inférieur. Cette prédominance a été rapportée par Mboup (61%) au Sénégal, Akoudad (66 %) et Bouhajja (50,89%) en Tunisie [11, 23, 24]. Une extension au ventricule droit était survenue dans 16,39% des cas tous en rapport avec un IDM inférieur (100%). Mboup dans sa série avait trouvé un taux légèrement inférieur (13,6%) [11].

La dysfonction systolique du ventricule gauche constitue un facteur de mauvais pronostique comme l'avait souligné Cambou dans l'étude USIK [14]. Une altération sévère de la fraction d'éjection ventriculaire gauche constituait en analyse multivariée, un facteur prédictif de mortalité en 1 an [25]. L’insuffisance ventriculaire gauche précoce était souvent réversible, car le territoire akinétique pourrait être sidéré ou simplement ischémié, et récupéré en quelques semaines, en cas de revascularisation précoce et complète [24]. C'est dire tout l'intérêt d'une amélioration du plateau technique des hôpitaux de Dakar pour une prise en charge plus efficiente des patients.

 

CONCLUSION

 


Les syndromes coronaires aigus constituent des affections de plus en plus fréquentes en Afrique subsaharienne. Notre étude montre que le délai de reperfusion était long et que le succès de la fibrinolyse était sous la dépendance d’un délai réduit. La prise en charge de ces affections pose plusieurs problèmes inhérents aux longs délais de consultation et de prise en charge des malades, aux structures pré-hospitalières. L'amélioration de la prise en charge de ces affections dans nos pays en voie de développement passe par une prévention primaire efficiente par des campagnes d'information, de sensibilisation, et de lutte contre les facteurs de risque cardiovasculaires.

 

 

 

 

Figure 1: Répartition selon les facteurs de risque cardio-vasculaire (N = 61)

 

 

 

 

Figure 2: Répartition des patients selon la cinétique segmentaire (N = 61)

 

 

 

Figure 3 : Répartition des patients selon les segments atteints (N = 61)

 

 

Figure 4: Corrélation entre résultats thrombolyse et délais début symptômes-début thrombolyse (N = 61)

 

 

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