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Expérience du Sénégal dans l’ablation par radiofréquence du flutter isthmique droit : a propos de 20 cas

 

The Senegal Experience in right isthmic atial flutter radiofrequency ablation: about 20 cases

 

BEYE S M 2,4, TABANE A 4, SARR S A 1,4, NDIAYE M 1,4, DEFAYE P 5, KANE  Ad 2,4, KANE A 1,3, BA S A 1,4.

 

RESUME

 

Introduction : Le flutter atrial est une macro réentrée qui peut être mal tolérée. L’ablation par radiofréquence est actuellement le traitement de référence. Nous avons mené cette étude dont les objectifs étaient de décrire l’exploration électrophysiologique, la technique et les résultats à moyen terme de l’ablation par radiofréquence d’un flutter isthmique.

Méthodologie : Nous avons mené une étude transversale descriptive allant de Juillet 2014 à décembre 2015 incluant tous les patients avec un aspect électrocardiographique de flutter commun. Le succès de l’ablation était confirmé par l’obtention d’un bloc bidirectionnel. Tous les patients ont bénéficié d’une consultation à 1 et 3 mois post ablation.

Résultats : Pendant cette période, nous avons colligé 20 cas de flutter atriaux droits isthmo-cavo-tricuspide dont 14 hommes. L’âge moyen de la population était de 59,1 ans. Les symptômes étaient dominés par les palpitations dans 65% des cas, 25% des patients étaient asymptomatiques. La majorité n’avait pas cardiopathie sous-jacente soit 65% des cas. A l’électrocardiogramme de surface dans 50% inscrivait un flutter atrial 2/1. Durant l’exploration électrophysiologique, nous avons retrouvé flutter droit antihoraire chez 75% des patients. Tous les patients avaient bénéficié d’un traitement anticoagulant à base de Coumadine avec des contrôles INR efficaces pendant au moins 3 semaines et 80% d’un traitement antiarythmique. Au cours l’ablation, 25% des patients étaient en rythme sinusal. Nous avons obtenu un bloc bidirectionnel chez 90% des patients. En post ablation, le rythme était sinusal chez tous les patients. Nous avons noté comme complications un cas d’hématome du point de ponction fémoral. Deux patients avaient présenté une récidive à 1mois post ablation. Ils avaient bénéficié d’une deuxième ablation. Après un suivi de 3 mois, nous n’avons pas noté de récidive de l’arythmie auriculaire.

Conclusion : L’ablation par radiofréquence est le traitement radical des flutters droits isthmiques. Cette technique est accessible au Sénégal, qui est le premier pays en Afrique de l’Ouest à effectuer cette technique.

 

MOTS CLES

 

Flutter isthmique droit, exploration électrophysiologique, ablation par radiofréquence

 

SUMMARY

 

Introduction: Atrial flutter is a macroreentrant arrhythmia that may be poorly tolerated. Ablation by radio frequency is currently the standard treatment for typical flutter.

The aim of our study was to describe the electrophysiological exploration, technique and the medium term results of catheter ablation

Methodology: We conducted a descriptive cross-sectional study from July 2014 to December 2015. We included all patients with typical atrial flutter. The success of ablation was confirmed by obtaining a bidirectionnal block. All patients were reviewed at 1 month and 3 months following ablation.

Results: During the study period, we compiled 20 cases of right cavotricuspid isthmus atrial flutter including 14 men. The average age of the study population was 59, 1 year.

The predominant symptoms were palpitations in 65% of cases. Twenty-five percent (25%) of the patients were asymptomatic.  Majority had no underlying heart disease (65% of the cases).  The electrocardiogram showed 2/1 atrioventricular conduction in 50%. During electro-physiological exploration, we found counterclockwise right flutter in 75% of patients. All patients received an anticoagulant treatment with Coumadin with effective INR controls for at least 3 weeks and 80% of patients recieved an antiarrhythmic treatment. During ablation, 25% of the patients were in sinus rhythm, we achieved a bidirectionnal block in 90% of patients.All patients were in sinus rhythm after ablation. A case of hematoma of the femoral vein was noted.  Two patients presented with a recurrence of the atrial flutter at 1 month follow up. Another successful ablation procedure was performed. After a follow-up of 3 months, we had no recurrence of the atrial arrhythmia.

Conclusion: Radiofrequency ablation is radical treatment of the Isthmic atrial flutters. This technique is available in Senegal, which is the first country in West Africa to perform this technique

 

KEY WORDS

 

Right isthmic flutter, radiofrequency ablation and electrophysiological exploration

 

1-Université Cheikh Anta DIOP de Dakar,

2-Université Gaston Berger de Saint Louis,

3-Service de cardiologie, HOGGY,

4-Service de cardiologie, CHU Aristide le Dantec.

5- CHU de Grenoble.

Adresse pour correspondance :

Serigne Mor BEYE

UFR des Sciences de la Santé (UFR 2S)

Université Gaston Berger Saint Louis.

BP : 234 Saint Louis /Sénégal

E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

INTRODUCTION

 

Le flutter atrial est une arythmie atriale caractérisée par la disparition de l’onde P et son remplacement par une activité auriculaire avec une fréquence, entre 240 et 400 par minute : l’onde de flutter, caractérisée par une absence de retour à la ligne électrique [1,2]. Le mécanisme est une macro réentrée unique qui tourne autour d’un obstacle anatomique ou cicatriciel avec une zone étroite de conduction lente [3]. C’est une arythmie qui peut être mal tolérée lorsque la cadence ventriculaire est rapide où lorsqu’elle survient sur cœur malade [4]. Le risque thromboembolique est réel et ses facteurs prédictifs doivent toujours être identifiés.

L’ablation par radiofréquence (RF) est actuellement le traitement de référence dans ce type de flutter atrial [6,7]. Les formes droites sont en général accessibles à l’ablation par radiofréquence. Le taux de succès dépasse actuellement 95%. 

Aucune étude n’a été menée en milieu hospitalier sénégalais utilisant l’exploration endocavitaire et l’ablation par radiofréquence (RF) pour traiter les patients porteurs d’un flutter atrial droit isthmo-dépendant.

Nous avons mené cette étude dont les objectifs sont :

-          Décrire la technique de l’ablation endocavitaire par RF.

-          Décrire les résultats à moyen terme de l’ablation d’un flutter atrial droit isthmo-dépendant.

 

 

METHODOLOGIE

 

Nous avons mené une étude transversale descriptive sur une période allant de Juillet 2014 à Décembre 2015 au sein de la clinique cardiologique du centre hospitalo-universitaire Aristide Le Dantec.  Pendant cette période, nous avons colligé 20 cas de flutter atriaux droits isthmo-cavo-tricuspide.

Les renseignements suivants ont été recueillis à l’aide des fiches de compte rendu :

Les données anthropologiques: âge et sexe.

Sur le plan clinique, nous avons recherché chez tous les patients : des antécédents personnels et familiaux de mort subite ; signes fonctionnels (palpitations, dyspnée, précordialgies, syncope), recueilli : la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la fréquence respiratoire, le poids et la taille et les données de l’examen physique.

Sur le plan paraclinique, tous les patients ont eu :

-          Un ECG de repos, réalisé avec un appareil de marque Schiller®. L’interprétation des ECG était faite par un cardiologue et validé par un rythmologue.

-          Une échocardiographie Doppler a été réalisé chez tous les patients. Nous avons utilisé un appareil échocardiographique de marque General Electric system five. L’examen était réalisé par un seul opérateur.

Tous les patients avaient bénéficié d’une anticoagulation (par du Sintrom) de couverture d’au moins trois semaines en pré-procédure et d’au moins 4 semaines en post procédure en fonction du risque thromboembolique (score de CHA2DS2Vasc) et du risque hémorragique (score de HASBLED).

L’étude électrophysiologique était réalisée à l’état de base sans aucune imprégnation médicamenteuse avec un appareil de marque Bard système pro. L’examen était réalisé en salle de cathétérisme cardiaque sous anesthésie locale et en présence d’un anesthésiste-réanimateur. Un monitorage était réalisé tout au long de la procédure.

Nous avons utilisé un générateur de RF Stockert Ep Shuttle de marque Biosense pour l’ablation a été réalisée par radiofréquence (RF). Les paramètres utilisés pour le générateur étaient : température 48° C, puissance 40 Watts, durée 60 sec par tir.

Concernant la procédure, elle était faite en deux temps : l’exploration électrophysiologique (EPP) suivie de l’ablation. Après ponction de la veine fémorale, nous avons utilisé quatre désilets qui nous ont permis d’introduire trois sondes :

Deux désilets 6F : une sonde décapolaires destinée à l’oreillette droite (OD) et une sonde quadripolaire destinée au sinus coronaire (SC).  

Un désilet 7F pour la sonde d’ablation Cordis irriguée de 4mmraccordé à une perfusion irriguée avec 1000ml de sérum Nacl à 0,09% connecté à une pompe à injection vitesse de 2ml/min en continu et vitesse 17ml/min en cours d’ablation.

Cette dispositionavait permisde bien suivre la séquence de dépolarisation de l’oreillette au cours du flutter.

Nous avons réalisé des épreuves d’entrainement qui nous avaient permis de bien préciser le circuit de réentrée et la participation de l’isthme cavo-tricuspide au circuit de réentrée.

Après avoir mis en évidence la participation de l’isthme cavo-tricuspide, nous avons utilisé une sonde d’ablation irriguée de 4 mm pour une ligne de tir sur l’isthme cavo-tricuspide.

Nous avons utilisé chez certains patients des tirs continus de 240 sec et chez d’autres plusieurs tirs séparés de 120 sec.

Le succès de l’ablation était confirmé par l’obtention d’un bloc bidirectionnel c’est à dire en stimulant le sinus proximal, l’oreillette droite basse (proximale) se dépolarisait en dernier et en stimulant l’oreillette proximale, le sinus proximal se dépolarisait en dernier. La mise en évidence d’un aspect de double potentiel sur l’ablation était un argument de succès de l’ablation.

Le suivi consistait à faire un électrocardiogramme de repos lors de la consultation à la recherche d’une récidive. Il  était planifié comme suit une première consultation à un mois post ablation et une deuxième consultation à 3mois post ablation.

 

RESULTAT

 

Nous avons colligé durant cette période 20 patients présentant un flutter droit sur la base de l’électrocardiogramme de surface. Nous avons noté une prédominance masculine avec 14 hommes et 6 femmes (sex-ratio H/F : 2,33).L’âge moyen de la population était de 59,1 ans avec des extrêmes de 26 ans et de 78ans. Les symptômes étaient dominés par les palpitations dans 65% des cas, la dyspnée dans 10% des cas et 25% des patients étaient asymptomatiques. Tous les patients avaient bénéficié d’une échocardiographie thoracique. La majorité des patients n’avaient aucune cardiopathie sous-jacente dans 65% des cas, la cardiopathie sous-jacente la plus fréquente était ischémique dans 15% des cas (Figure 1).

A l’électrocardiogramme de surface dans 50% des cas inscrivaient un flutter atrial 2/1 ; 20% un flutter atrial 3/1 et 30% un flutter atrial droit à conduction variable (Figure 2,3).

A l’exploration électrophysiologique, nous avons retrouvé flutter droit isthmo-cavo-tricuspide antihoraire chez 75% des patients et 25%pour la forme horaire.

Tous les patients avaient bénéficié d’un traitement anticoagulant à base de Coumadine avec des contrôles INR efficaces pendant au moins 3 semaines. Un traitement antiarythmique était instauré dans 80% des cas.

Nous avons effectué une ablation par radiofréquence chez tous les patients. Au cours de cette dernière, l’aspect électro-cardiographique dominant était celui d’un flutter dans 75% et 25% des patients étaient en rythme sinusal. Nous avons obtenu un bloc bidirectionnel dans 90% des procédures et dans 10% un bloc unidirectionnel (Figure 4,5). La durée moyenne de la procédure d’ablation par contre a été évaluée dans notre série et est de 123 min avec des extrêmes de 60 et 190 min. En post ablation, le rythme était sinusal chez tous les patients. Nous avons noté comme complication un cas d’hématome du point de ponction fémorale ayant nécessité la mise en place d’un pansement compressif au pli de l’aine pendant 03h. Deux patients avaient présenté une récidive à 1mois post ablation. Ils avaient bénéficié d’une deuxième ablation avec obtention d’un bloc bidirectionnel.

Après un suivi de 3 mois, nous n’avons pas noté de récidive de l’arythmie auriculaire.

 

DISCUSSION

 

Le flutter atrial droit représente 10% des arythmies supraventriculaires. L’âge moyen de notre population est identique que celui retrouvé dans la littérature. Le flutter atrial peut survenir sur cœur structurellement sain comme sur cœur pathologique et parmi les pathologies les plus fréquentes on a les cardiopathies hypertensives [7, 8]. 

Le flutter antihoraire reste la forme la plus fréquente  [9,10].

 Cette prédominance de flutter anti-horaire reste similaire à la majorité des données de la littérature [5,6]. Garcia Seara retrouvait 86,3% de flutter anti-horaire et 6,3% de flutter horaire avec 7,45% de flutter mixte [11]. Brembilla-Perrot et al retrouvaient 78,5 % de flutter anti-horaire et 21,5 % de flutter horaire [12]. 

Tous les patients avaient bénéficié d’un traitement anticoagulant à base de Coumadine avec des contrôles INR efficaces pendant au moins 3 semaines et 80% des patients étaient sous traitement antiarythmique. Le traitement anticoagulant dans notre série reste conforme avec les nouvelles recommandations sur la fibrillation atriale que l’on adapte au flutter atrial. Cabanas-Grandío a retrouvé dans sa série 58,5 % de patients sous traitement anticoagulant et 50 % sous traitement antiarythmique [13]. 

Au cours l’ablation l’aspect électro-cardiographique était dominé par un aspect de flutter chez 75% des patients et 25% des patients étaient en rythme sinusal. Nous avons obtenu un bloc bidirectionnel chez 90% des patients.

O’hara dans sa série de 377 patients sur un recul de 14ans, a retrouvé un taux de succès de 92% pour l’ablation du flutter [14]. 

Ces taux de réussite élevés de la procédure d’ablation sont retrouvés dans toutes les données de la littérature et dans notre série et montrent la fiabilité de cette procédure dans la prise en charge du flutter atrial.  Plusieurs études ont confirmé la supériorité de l’ablation par cathéter irrigué qui reste la seule technique utilisée à Dakar pour les premières expériences d’ablation du flutter atrial en Afrique de l’Ouest. Jais et al ont retrouvé un taux de succès de 100% avec l’utilisation d’un cathéter à irrigation contre 85% dans le cathéter classique [15]. 

Il en était de même pour Pena Perez qui retrouvait 100% de succès avec le cathéter à irrigation contre 90% dans le cathéter classique [16].

Tous les patients ont bénéficié d’une ablation par radiofréquence. Nous avons obtenu un bloc bidirectionnel chez 90% des patients et chez 10% des patients un bloc unidirectionnel.

Le nombre de tirs de RF et la durée totale de scopie par procédure n’ont pas été précisés dans notre étude. La durée moyenne de la procédure d’ablation par contre a été évaluée dans notre série et est de 123 min avec des extrêmes de 60 et 190 min. Elle était supérieure à celle retrouvait par Georger qui retrouvait dans sa série, une durée moyenne de procédure de 53 + min [17]. La durée élevée de la procédure dans notre série pourrait expliquer par le fait que c’est une activé débutante faisant que certaines difficultés techniques sont rencontrées en particulier la réutilisation du matériel.

L’ablation par RF n’étant pas dépourvu de complication nécessite une bonne maitrise de la technique. Nous avons noté un cas d’hématome du point de ponction fémoral qui a régressé sous pansement compressif au bout de 48h.

 En post ablation, le rythme était sinusal chez tous les patients. Deux patients avaient présenté une récidive à 1mois post ablation. Ils avaient bénéficié d’une deuxième ablation. Ces récidives étaient dues probablement à l’absence d’obtention d’un bloc bidirectionnel après ablation. Après un suivi de 3 mois, nous n’avons pas noté de récidive de l’arythmie auriculaire. 

 

 

CONCLUSION

 

 

L’ablation par radiofréquence est actuellement le traitement de référence des flutters droits isthmiques. Ces formes sont actuellement guérissables au prix d’une intervention de routine pratiquée en ambulatoire, entre des mains expérimentées. Malgré notre échantillon d’étude assez réduit, nous avons pu mettre évidence le taux de succès élevé de l’ablation par RF comme démontré dans toutes les études. Il est donc licite de proposer une procédure  d'ablation   en   première   intention chez les patients présentant un flutter récidivant. Le taux de complications reste faible. Cette technique est accessible au Sénégal, qui est le premier pays en Afrique de l’Ouest à effectuer cette technique. Cette première expérience sénégalaise nous a permis de démarrer l’activité de l’ablation des flutters isthmiques droits.

 

Figure 1 : Répartition des patients selon la cardiopathie sous-jacente.

 

Figure2 : Aspect électrocardiographique d’un flutter typique droit antihoraire d’un des patients

 

Figure 3 : Aspect électrocardiographique d’un flutter isthmique droit horaire d’un des patients

 


Figure 4 : Arrêt d’un flutter isthmique droit antihoraire lors de l’ablation d’un des patients

 

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