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La cardiomyopathie hypertrophique à l’Institut de Cardiologie d’Abidjan : aspects cliniques, électrocardiographiques et échocardiographiques

Hypertrophic cardiomyopathy at the Abidjan Heart Institute: clinical, electrocardiographic and echocardiographic aspects.

 

TRAORE FATOU DIABY¹, AVOH AMI ECHUA MANZAN¹, NGORAN Y N’DA KAOUK OU ¹, DANIOGO MBE¹, CAMARA ZENABOU¹, N’CHO-MOTTOH MP¹, BAMBA KAMAGATE¹, ANZOUAN-KACOU JB¹.

 

RESUME

 

Introduction. : La cardiomyopathie hypertrophique est la plus fréquente des maladies cardiaques d'origine génétique. Le manque de données dans la population noire vivant en Afrique sub- saharienne, et plus spécifiquement en Côte d’Ivoire motive ce travail dont l’objectif général était d’évaluer les caractéristiques cliniques, électriques et échocardiographiques de cette affection en milieu cardiologique ivoirien.

Méthode : Il s’agissait d’une étude prospective, à visée descriptive et analytique menée de février 2023 à novembre 2023 à l’Institut de Cardiologie d’Abidjan. L’étude avait concerné tous les patients atteints de cardiomyopathie hypertrophique connue ou nouvellement diagnostiquée, en l'absence de conditions de charge anormales et/ou de maladies systémiques, mise en évidence à l’échocardiographie Doppler ou par n’importe quelle autre technique d’imagerie (IRM, Scanner).

Résultats : Au total, 17 patients répondant à nos critères d’inclusion avaient été inclus. L’âge moyen était de 53,88 ans ± 12,97 ans avec des extrêmes de 32 et 78 ans. L’on notait une prédominance masculine à 88%. La notion d’hérédité cardiaque, les dyslipidémies et le surpoids étaient les facteurs de risques cardio-vasculaires les plus retrouvés. Les palpitations étaient les principaux signes fonctionnels et le souffle systolique éjectionnel étaient le signe physique le plus retrouvé. L’hypertrophie ventriculaire gauche était présente chez la quasi-totalité des patients avec des indices maximaux atteignant 56 mm selon Sokolow-Lyon. Le Type III de MARON était le plus retrouvé (94,12%). La fraction d’éjection du ventricule gauche mesurée auSimpson biplan était préservée dans plus de la moitié des cas contrastant avec l’altération du strain global longitudinal que présentaient tous les patients.

Conclusion : La cardiomyopathie hypertrophique peut être responsable de divers symptômes. La forme la plus fréquente est le type III de Maron. Le strain améliore la détection fine et précoce de la dysfonction myocardique.

MOTS CLES

Cardiomyopathie hypertrophique- Palpitations- Hypertrophie ventriculaire gauche - Strain - Côte d’Ivoire.

 

 

SUMMARY

 

Introduction: Hypertrophic cardiomyopathy is the most common heart disease of genetic origin. The lack of data in the black population living in sub-Saharan Africa, and more specifically in Ivory Coast, motivates this work whose general objective was to evaluate the clinical, electrical and echocardiographic characteristics of this condition in the Ivorian cardiological environment.

Method: This was a prospective study, with a descriptive and analytical aim, conducted from February 2023 to November 2023 at the Abidjan Institute of Cardiology. The study involved all patients with known or newly diagnosed hypertrophic cardiomyopathy, in the absence of abnormal loading conditions and/or systemic diseases, highlighted by Doppler echocardiography or by any other imaging technique (MRI, CT scan).

Results: A total of 17 patients meeting our inclusion criteria were included. The mean age was 53.88 years ± 12.97 years with extremes of 32 and 78 years. There was a male predominance of 88%. The notion of cardiac heredity, dyslipidemia and overweight were the most common cardiovascular risk factors. Palpitations were the main functional signs and the ejection systolic murmur was the most common physical sign. Left ventricular hypertrophy was present in almost all patients with maximum indices reaching 56 mm according to Sokolow-Lyon. MARON Type III was the most common (94.12%). The left ventricular ejection fraction measured in biplane Simpson was preserved in more than half of the cases, contrasting with the alteration of the global longitudinal strain that all patients presented.

Conclusion: Hypertrophic cardiomyopathy can be responsible for various symptoms. The most common form is Maron type III. Strain improves the fine and early detection of myocardial dysfunction.

 

KEY WORDS

Hypertrophic cardiomyopathy - Palpitations - Left ventricular hypertrophy - Strain - Ivory Coast.

 

 1- Institut de Cardiologie d’Abidjan (Côte d’Ivoire)

 

Adresse pour correspondance 

Traore Fatou Epse Diaby,

Tel : +225 0748898585

Email : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.

 

 

 INTRODUCTION

 

 

 

La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est une maladie cardiaque définie par la présence d'une augmentation de l'épaisseur de la paroi du ventricule gauche (VG) sans conditions de charge anormales (hypertension artérielle, sténose aortique) [1 - 2]. Sa prévalence liée à l’âge varie de 0,02 % à 0,23 % [1] dans la population générale. C’est la plus fréquente des maladies héréditaires cardiaques et est une cause particulièrement fréquente de mort subite chez les sujets jeunes et peut entraîner l'invalidité des patients de tout âge [3].

Sur le plan clinique, le diagnostic de la CMH repose sur un faisceau d’arguments dont l’électrocardiogramme, qui retrouve des anomalies dans environ 80 % des cas, à type d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), d’ondes Q de pseudo nécrose, d’anomalies isolées de la repolarisation [4 - 5]; l’échocardiographie montre l’épaississement d’une paroi myocardique supérieur à 15mm s’il s’agit d’un cas sporadique ou supérieur à 13mm s’il existe un contexte familial. A l’histologie, la CMH se caractérise par une désorganisation du myocarde, une hypertrophie des fibres musculaires cardiaques et une fibrose interstitielle. Ces anomalies structurelles entraînent une altération précoce de la fonction diastolique. Cependant, l'altération de la fonction systolique est un véritable défi à évaluer, car la fraction d'éjection du ventricule gauche semble généralement préservée [6].

L’avènement de nouvelles techniques d’échographie, telles que l'échocardiographie bidimensionnelle par imagerie de déformation au « speckle tracking », sont apparues dans la pratique clinique, ce qui a permis une meilleure évaluation de la fonction longitudinale du myocarde. En effet, l'analyse du strain global longitudinal (SGL) permet de détecter des anomalies précoces de la contractilité myocardique du VG malgré des fractions 

d'éjection préservées évidentes en échographie conventionnelle, de suspecter la présence de fibrose myocardique et à un intérêt pronostique dans la stratification du risque de mort subite chez ces patients [7].

En outre, le manque de données transversales rattachées à la CMH dans des populations noires vivant en Afrique sub-saharienne et plus spécifiquement en Côte d’Ivoire motive notre étude dont l’objectif principal était d’évaluer les aspects cliniques, électrocardiographiques et échocardiographiques à l’imagerie de déformation d’une population de patients suivis pour cardiomyopathie hypertrophique à l’Institut de Cardiologie d’Abidjan.

 

 

 

PATIENTS ET METHODE

Il s’agissait d’une étude prospective transversale, à visée descriptive et analytique menée de février 2023 à novembre 2023 dans les services des explorations externes, de consultation externes et d’Hospitalisation-médecine à l’Institut de Cardiologie d’Abidjan. L’étude avait concerné tous les patients atteints de cardiomyopathie hypertrophique connue ou nouvellement diagnostiquée dans notre cadre d’étude quel qu’en soit la provenance.

Ont étéinclus, les patients présentant une épaisseur pariétale d’un ou de plusieurs segments myocardiques ventriculaires gauches ≥ 15mm ou ≥13mm dans un contexte familial, en l'absence de conditions de charge anormales et/ou de maladies systémiques, mise en évidence à l’échocardiographie Doppler ou par n’importe quelle autre technique d’imagerie (scanner cardiaque, IRM  cardiaque).  Ont  été exclus,  les  patients  présentant une  hypertension  artérielle  (PA≥140/90mmHg), des affections valvulaires significatives, artérielles systémiques ou des maladies de système pouvant entraîner une augmentation de la masse du VG en dehors d’un contexte familial et les patients ayant refusé de participer à l’étude.

Les données ont été recueillies grâce à une fiche d’enquête standardisée après consentement éclairé. Un électrocardiographe à 12 pistes de marque SCHILLER a été utilisé et l’échocardiographie doppler transthoracique a été réalisée avec une sonde d'imagerie de 1 à 5,0 MHz connecté à un système Acuson Redwood de SIEMENS. Afin de minimiser la variabilité entre les examens, tous les enregistrements échocardiographiques ont été effectués par le même opérateur. Ont été enregistrés, les facteurs épidémiologiques (age, sexe), cliniques (antécédents familial de mort subite, facteurs de risques cardiovasculaires, les signes fonctionnels et physiques), électrocardiographiques (les anomalies de la repolarisation, l’HVG en utilisant les indices de Sokolow (RV5 ou V6 + SV1 > à 35 mm)ou de Cornell (RVL +SV3 > 20mm chez la femme et > 28 mm chez l’homme), les troubles du rythme et/ou de la conduction) et echocardiographiques (épaisseur pariétale  des segments myocardiques ventriculaires, la classification échographique selon MARON, l’évaluation du gradient intra VG au repos et après manœuvre de Valsalva, l’estimation de la fonction systolique du VG par méthode de Simpson (à partir des VTDVG et des VTSVG selon la formule suivante : FEVG = (VTDVG –VTSVG / VTDVG) x 100), l’analyse de la déformation myocardique au SGL du VG à partir des coupes apicales en boucles des 4, 2 et 3 cavités.)

La saisie et l’analyse des données a été faite à l’aide du logiciel EPI info version 7.2. Les résultats ont été exprimés en moyenne +/- écart type pour les variables quantitatives et en effectif et pourcentage pour les variables qualitatives. Les corrélations ont été établies à partir d’une régression linéaire univariée. Le seuil de significativité était inférieur à 5% (p value < 0,05).

 

 

 

RESULTATS

 Au total, 22 patients ayant une cardiomyopathie hypertrophique ont étérecensés durant la période d’étude, mais 17 patients répondant à nos critères d’inclusions ont été inclus dans l’étude.

L’âge moyen de nos patients était de 53,88 ans ± 12,97 ans avec des extrêmes de 32 et 78 ans. Les tranches d’âge les plus touchées étaient celles de [40-50[ et [60-70[. L’on notait une prédominance masculine à 88% avec un sexe ratio de 7.5. La notion d’hérédité cardiaque, les dyslipidémies et le surpoids étaient les facteurs de risques cardio-vasculaires les plus retrouvés. Les palpitations et la dyspnée au stade II de la NYHA étaient les principaux signes fonctionnels de notre population d’étude. L’hépatomégalie et le souffle systolique éjectionnel étaient les signes physiques les plus retrouvés. Les caractéristiques générales de la population sont résumées dans le tableau 1.

La quasi-totalité de nos patients présentaient à l’électrocardiogramme une hypertrophie ventriculaire gauche avec des indices maximaux atteignant 40 et 56 mm selon les indices de Cornell et Sokolow-Lyon respectivement. On retrouvait également des troubles de la repolarisation à type d’ondes T négatives. Les extrasystoles ventriculaires étaient présentes chez presque la moitié de nos patients parfois isolées (n=4), en doublets (n=1) ou en salves (n=2) Tableau 2.

Sur le plan echocardiographique, 13 patients présentaient une hypertrophie symétrique (rapport SIV/PP ≤1,3) ; 3 patients présentaient une obstruction intra VG sévère après manœuvre de Valsalva et le Type III de MARON était le plus retrouvé (94,12%). La moitié de nos patients présentait une dysfonction diastolique avec pour la majeure partie un profil mitral de type II. La fonction systolique du VG estimée par la méthode de Simpson biplan était préservée dans la majeur partie des cas (58,82%) tandis que le strain global longitudinal (SGL) était altéré chez tous nos patients variant entre (-4) et (-19) %. Les caractéristiques échocardiographiques sont résumées dans les tableaux 3 et 4.

Onze patients (64,7%) présentaient des anomalies de strain plus marquées au niveau septal, inféro- septal et/ou antéro-septal suggérant une CMH sarcomérique. En revanche, 4 patients (23,52%) présentaient des anomalies de strain plus marquées au niveau basal donnant un aspect en « cocarde » suggérant une amylose cardiaque et 2 patients (11.7%) présentaient des anomalies du strain plus marquées au niveau des segments latéraux, inférieurs et/ou latéro- basal évocateur de la maladie de Fabry. Les valeurs de « l’apical sparing » des 4 profils amyloïdes étaient de 1,37 ; 1,29 ; 2,15 et 2,26 et les rapports de déformation longitudinale régional septo-apical / septo-basal de 9,5 ; 2,54 ; 3,34 et 2,16. La proportion des différents modèles de déformation au 2D-strain longitudinal du ventricule gauche sont représentés dans les figures 1 ; 2 ; et 3. Le modèle de régression univarié entre l’hypertrophie septale et altération du SGL nous avait permis de conclure qu’une augmentation de 1 mm sur l’hypertrophie septale, entraînerait une réduction non statistiquement significative de -0.379 du SGL (p= 0.19).

 

 

 

DISCUSSION

Nous nous sommes confrontés à deux difficultés majeures, notamment la petite taille de notre échantillon ayant une implication importante sur la significativité des tests statistiques et la mauvaise qualité des images et la présence d’arythmies cardiaques qui constituaient parfois des biais aux valeurs du strain.

L’âge moyen des patients était de 53,88 ± 12,97 ans avec des extrêmes de 32 et 78 ans. Nos résultats sont similaires à ceux de Sarr [8], qui retrouvaient un âge moyen de 53,2 ans avec des extrêmes de 27 et 79 ans. Niamkey [9] dans une étude à Abidjan en 2013 retrouvait une moyenne d’âge de 30,5 ans avec des extrêmes de 5 et 45 ans. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que Niamkey s’est intéressé spécifiquement à une population d’adulte jeune dont l’âge maximal était de 45 ans. On notait une nette prédominance masculine avec un sex ratio H/F de 7,5. Niamkey et al [10] au cours d’une étude portant sur l’intérêt de l’enquête familiale dans la CMH, notait une prédominance masculine avec un sex-ratio de 1,27. Charron retrouvait également une pénétrance pour la maladie de 58% chez les femmes et 77% chez les hommes. Il retrouvait en plus, une expression plus précoce de la pathologie chez l’homme par rapport à la femme [11].

Sur le plan clinique, un antécédent familial de mort subite était retrouvé dans 17,65% des cas. Ceci est en accord avec les données de la littérature selon laquelle la CMH est l’une des principales causes de mort subite du sujet jeune, notamment chez le sportif de moins de 35 ans. Elle peut constituer la première manifestation de la maladie et demeure de ce fait, la complication la plus redoutée par sa gravité et son caractère imprévisible [9 - 12]. Les signes fonctionnels sont dominés par la dyspnée d’effort et les palpitations (71%), suivis des douleurs thoraciques (65%). Ces principaux signes fonctionnels sont superposables à ceux retrouvés dans la littérature [11]. Ces douleurs sont liées à une ischémie myocardique due à un dysfonctionnement microvasculaire, une augmentation de la tension pariétale du VG et l’obstacle à l’éjection. L’examen physique retrouvait essentiellement un souffle systolique éjectionnel (41%), un souffle de régurgitation d’insuffisance mitrale (29,4%) et une hépatomégalie (41%). Le souffle systolique prédominait au foyer aortique et est secondaire à l’obstruction intra VG. Il est très labile et variable dans le temps dépendant de la volémie, la précharge, la post charge et de la contractilité. Quant au souffle de régurgitation mitrale, il est souvent observé en raison du mouvement systolique antérieur de la valve mitrale (SAM) et des anomalies de l’appareil sous valvulaire mitral. L’hépatomégalie est associée à l’ancienneté des symptômes et donc une probable complication vers une hypertension pulmonaire, responsable des signes droits.

Sur le plan électrocardiographique, l’hypertrophie ventriculaire gauche était present chez la quasi-totalité des patients (95%) avec un indice maximal à 56 mm selon Sokolow-Lyon. En utilisant le score de Romhilt-Estes, Sarr et al retrouvaient une HVG chez 68,7% des patients, contre 50% par le calcul de l’indice de Sokolow-Lyon. Cette différence de proportion pourrait être la cause de l’usage des indices différents pour définir l’HVG. Quoique selon l’auteur, le score de Romhilt-Estes semble être plus sensible et spécifique car prenant en compte plusieurs critères électriques dans toutes les dérivations ECG alors quel’indice de Sokolow ne s’intéresse qu’à deux ou trois dérivations précordiales [8]. Concernant les troubles de la repolarisation, on retrouvait les ondes T négative dans 88% des cas et les ondes q fines de pseudo-nécrose dans 35,2% des cas. Ces résultats sont comparables aux données classiques de la littérature [8 - 11]. En outre, Charron notait, dans environ 30 % des cas, la présence d’ondes q anormales, fines et profondes souvent dans le territoire inférieur ou latéral [11]. Sa signification reste mal élucidée. Elles pourraient être liées à une hypertrophie marquée du septum antérieur contrastant avec l’absence d’hypertrophie ventriculaire droite.

Concernant le volet échocardiographiques l’hypertrophie septale maximale retrouvée était en moyenne de 21,29 mm. Le type III de Maron prédominait (94%) et la moyenne du gradient maximal intra VG était estimé à 25,7 mmHg. Ces résultats se rapprochent de ceux de Sarr et Niamkey qui retrouvaient respectivement une hypertrophie septale en moyenne de 20,9 mm et 17,5 mm [8 - 9].

Dans notre échantillon, 4 patients (23%) présentaient une obstruction intraventriculaire gauche au repos et après manœuvre de Valsalva avec un gradient significatif (≥ 50mmHg).

La fraction d’éjection du ventricule gauche mesurée en Simpson biplan était préservée dans plus de la moitié des cas contrastant avec l’altération du strain global longitudinal que présentaient tous les patients inclus dans l’étude. Ces résultats sont en accord avec les données de la littérature qui stipulent que la fonction systolique du VG évaluée de façon conventionnelle est longtemps conservée et que la première fonction à s’altérer est la fonction longitudinale [13 - 14]. De plus, un SGL anormal s'est avéré être un meilleur prédicteur de risque d’évènement cardiovasculaire que les paramètres echocardiographiques conventionnels. Un SGL réduit est donc considéré aujourd’hui comme un paramètre indépendant associé à un pronostic cardiovasculaire péjoratif [14].

À propos des modèles de déformation, 11 patients (64,7%) présentaient des anomalies de strain plus marquées au niveau septal, inféro-septal et/ou antéro-septal suggérant une CMH sarcomérique. C’était la forme étiologique la plus fréquente dans notre contexte. Quatre patients (23.5%) présentaient des anomalies de strain très marquées au niveau basal et plus ou moins conservé au niveau apical, donnant un aspect dit en « cocarde » suggérant une amylose cardiaque. Phelan et al , lors d’une étude cas témoins , avaient démontré qu’une déformation longitudinale apicale relative supérieure à 1,0 était associée à une sensibilité de 93 % et une spécificité de 82 % pour différencier les patients avec amylose cardiaque des patients témoins atteints de CMH [15]. Dans notre série, les valeurs de « l’apical sparing » des 4 profils amyloïdes étaient de 1,37 ; 1,29 ; 2,15 et 2,26 respectant ainsi les valeurs seuils de référence pour incriminer l’amylose comme étiologie. De plus, Liu et al. ont montré qu'un rapport de déformation longitudinale régional septo-apical / septo-basal supérieur à 2,1 peut différencier l'amylose cardiaque des autres causes d'HVG concentrique avec une sensibilité de 88 %, une spécificité de 85 %, une valeur prédictive positive de 67 % et une valeur prédictive négative de 96% [16]. Les résultats de notre série sont conformes aux valeurs seuils de référence avec des rapports de déformation longitudinale régional septo-apical / septo-basal de 9,5 ; 2,54 ; 3,34 et 2,16.

A un stade plus avancé de la maladie, on assiste à la disparition du gradient base-apex avec une altération globale du strain rendant plus difficile la présomption étiologique à l’analyse de la déformation. Ailleurs, 2 patients (11.7%) présentaient des anomalies du strain plus marquées au niveau des segments latéraux, inféro et/ou latéro- basal évocateur de la maladie d’Anderson-Fabry. Il est important de préciser qu’il s’agissait des sujets de sexe masculin. Ce résultat est superposable aux données de la littérature [17]. En effet, la maladie de Fabry est plus marquée et plus précoce chez le sujet de sexe masculin et exceptionnel chez la femme. A la phase initiale de la maladie, en l'absence de fibrose de remplacement, l’anomalie du strain est localisée au niveau de la paroi latéro-basale, pour la simple raison que les dépôts se font préférentiellement à cet endroit.

Enfin, notre étude montrait selon un modèle de régression linéaire univarié qu’une augmentation de l’hypertrophie septale de 1 mm entrainait une réduction non statistiquement significative de -0.379 du SLG (p value = 0.199755). Cependant la petite taille de notre échantillon, pose le problème de la faible puissance des tests statistiques. Cependant, Urbano et al avaient montré en 2013 lors d’une étude cas témoin portant sur un échantillon plus grand de 59 patients suivis pour CMH, une réduction significative de - 0,34 du SGL du VG en pour une épaisseur myocardique ≥ 15 mm (P=0,009) [18].

 

 

 

CONCLUSION 

La cardiomyopathie hypertrophique est une affection polymorphe sur le plan clinique, responsable de divers symptômes. L’électrocardiogramme, en plus de rechercher une hypertrophie ventriculaire, peut montrer des     signes    caractéristiques   intéressant    la repolarisation et l’aspect du QRS. L’échocardiographie Doppler permet une confirmation diagnostique dans la plupart des cas. En outre, l’émergence des techniques d’imagerie multimodale et plus précisément l’étude strain global longitidunal du ventricule gauche permet d’affiner et de cibler le diagnostic étiologique. Ainsi, le strain longitudinal a été largement étudié et de nombreuses publications convergent aujourd’hui pour montrer qu’il est un paramètre fiable et reproductible. Face à une hypertrophie ventriculaire gauche inexpliquée par des conditions d’augmentation de post charge, il améliore la détection fine et précoce de la dysfonction myocardique. Son apport dans l’orientation étiologique en fait un paramètre incontournable.

 

 

 

Tableau 1 

Caractéristiques générales de la population

 

Caractéristiques

générales

 

Effectifs

Pourcentage %

Tranche d’âge

[30-40[

2

11,76

 

[40-50[

5

29,41

 

[50-60[

3

17,65

 

[60-70 [

5

29,41

 

[70-80[

2

11,76

Sexe

Masculin

       15

           88

 

Féminin

2

           12

Antécédents

Diabète

2

11,76

 

Dyslipidémies

4

23,53

 

Alcool

1

  5,88

 

Obésité/surpoids

4

23,53

 

Hérédité cardiaque

4

23,53

Signes fonctionnels

Syncope d’effort

7

41,18

 

Lipothymie

       10

58,82

 

Précordialgies

       11

64,71

 

Palpitations

       12

70,59

 

Dyspnée d’effort

       12

70,59

Signes physiques

Œdèmes des membres

inférieurs

6

35,29

 

Hépatomégalie

7

41,18

 

Reflux hépato

jugulaire

3

17,65

 

Râles crépitants

3

17,65

 

Souffle d’IM

5

29,41

 

Souffle systolique ejectionnel

7

41,18

                                  IM : insuffisance mitrale

 

 

 

Tableau 2

Données électrocardiographiques des patients

 

 

Effectifs/Moyennes

Pourcentages

Troubles de la repolarisation

 

 

Sous décalage ST

6

35,29

Ondes T négatives

                   15

88,24

Hypertrophie ventriculaire gauche

                   16

95,12

Indice de Cornell (mm)

28,82±4,20

 

Indice de Sokolow (mm)

37,59±11,22

 

Onde Q fines et profondes en inférieur ou latéral

6

35,29

Trouble du rythme/excitabilité

                   10

58,82

Fibrillation atriale

2

11,76

Flutter auriculaire

1

  5,88

ESV

7

41,17

Troubles de la conduction

3

17,65

                   ESV : Extrasystole ventriculaire

 

Tableau 3

Caractéristiques echocardiographiques

 

Echocardiographie

 

Effectifs

Pourcentage

Mensurations segment myocardiques mm (m+/- ET)

Paroi septale

21,29±3,48

19,58±5,89

19,58±4,31

 

Paroi postérieure

 

Paroi antérieure

Rapport SIV/PP

>1,3

4

23,53

 

≤1,3

         13

76,47

 

Gradient au repos (mmHg)

<30

         14

82,35

[30-50[

1

  5,88

 

≥ 50

2

11,76

Gradient après Valsalva (mmHg)

<30

         13

76,47

[30-50[

1

 5,88

 

≥ 50

3

17,65

FEVG Simpson Biplan (%)

<40

2

11,76

[40-49[

5

29,41

 

≥ 50

         10

58,82

Classification de MARON

III

         16

94,12

 

IV

1

 5,88

SAM

 

7

41,18

Anomalie d’insertion des piliers

 

3

17,65

Elongation des feuillets mitraux

 

5

29,41

E/A

<1

6

37,50

 

1-2

8

         50

 

>2

2

12,50

E/e’ moyen

≤ 14

         13

76,47

 

> 14

4

23,53

                  SIV : Septum interventriculaire ; PP : Paroi postérieure ; FEVG : Fraction d’éjection du ventricule gauche ;

                  SAM : Systolic Anterior Motion.

 

 

Tableau 4 

Données du 2D-Strain longitudinal global et régional du ventricule gauche

(Exprimées en valeur absolues)

 

 

Moyenne ± écart type

Min-Max

Strain global longitudinal

10,05±4,03

4,47-19,80

Strain régional basal

 

 

Antérieur

10,34±6,42

    1,20-24

Antero septal

7,87±6,08

    1,00-18

Inféro-septal

8,00±4,41

    2,30-17

Inférieur

7,61±3,81

    2,00-14

Inféro latéral

8,51±6,47

    0,30-21

Antéro latéral

8,68±5,94

    1,00-21

Strain régional médian

 

 

Antérieur

8,26±7,44

0,70-23,10

Antéro septal

8,98±5,09

0,50-23,70

Inféro-septal

9,81±6,08

1,90-25,90

Inférieur

8,56±5,12

2,20-20,60

Inféro- latéral

-6,25±4,04

0,30-14,10

Antéro latéral

9,70±5,72

     0,00-22

Strain régional apical

 

 

Antéro

11,91±7,02

    1,10-29

Septo

10,85±5,11

1,50-21,00

Inféro

14,10±8,43

2,10-31,00

Latéral

10,68±6,41

     0,80-24

 

 

 

   

Figure 1 : Résultats de la coronarographie selon le genre

 

 

 

 Figure 2 : 4 « Patterns » type amylose cardiaque : altération du SGL plus marquée au niveau basal« aspect en cocarde »

 

 

 

 

    Figure 3 : 2 « Patterns » type maladie de Fabry : altération du SGL

plus marquée au niveau des segments latéraux, inférieurs et latéro-basal.

 

 

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