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La thrombose veineuse des membres inferieurs à Brazzaville : à propos de 44 cas

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La thrombose veineuse des membres inferieurs à Brazzaville : à propos de 44 cas

 

Venous thrombosis of lower limbs: description of 44 cases in Brazzaville

 

 

ONDZE-KAFATA  LI (1), KOUALA LANDA C(1),  TRAORE-KISSIMA A(2), LOUMOUAMOU M(3), BANI M(4),  AMOUNYA-ZOBO S(1), KIMBALLY-KAKY G(1), NKOUA JL(1).

 

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Objectif : décrire les caractéristiques épidémiologiques, les modalités cliniques, paracliniques et évolutives, ainsi que les facteurs de risque des thromboses veineuses des membres inférieurs.

Méthodologie : c’est une étude rétrospective et descriptive, réalisée dans le service de cardiologie et médecine interne du centre hospitalier et universitaire de Brazzaville portant sur 44 cas de thrombose veineuse des membres inférieurs entre Janvier 2005 et Décembre 2010.

Résultats : la prévalence de la thrombose veineuse membres inférieurs a été estimée à 1,1% des patients hospitalisés. L’âge moyen d’hospitalisation était de 55,47±18,01  ans. Il existait une prédominance féminine à 63,6% versus 36,4% d’hommes. La majorité des patients venait de leur domicile, 33(75%) contre 11(25%) en provenance d’autre service. La localisation gauche était prédominante  chez 37(72,7%) patients. Le signe de Homans était présent chez 84,1% des malades, le pouls de Mahler chez 27,3% et l’insuffisance cardiaque droite dans 11,4% des cas. L’échographie Doppler veineux a permis de mettre en évidence les signes directs de thrombose chez 52,3% des malades, les signes indirects chez 84,9% d’entre eux. La thrombose veineuse était profonde chez 37(84,1%)  patients et mixte chez 7(15,9%) patients. L’atteinte était proximale dans 45,5% des cas, distale dans 6,8% et étendue dans 47,7% des cas. L’évolution a été marquée par une extension de la thrombose chez 18(40,9%) patients, une embolie pulmonaire chez 9(20,5%) patients, une récidive chez 8(18,2%) malades et un syndrome post-thrombotique chez 5(11,4%) patients. Les facteurs de risque étaient représentés par : l’anémie chez 43,2% des patients, l’hypertension artérielle chez 38.6%, l’obésité chez 29.5%, le diabète sucré chez 18,2%, l’insuffisance cardiaque chez 13,6%, l’infection à VIH, la grossesse, le post-partum, la néoplasie respectivement à 11,4%, la période post-chirurgicale à 6,8%.

Conclusion : la thrombose veineuse des membres inférieurs est une pathologie de plus en plus fréquente en Afrique noire. Elle est associée à un certain nombre de facteurs de risque qui méritent d’être pris en compte. Elle est susceptible d’entrainer des complications graves comme l’embolie pulmonaire avec des conséquences dramatiques.

 

Aim: Describe the epidemiological characteristics, the clinical and paraclinic modalities, the evolution, as well as the risk factors of the venous thrombosis.

Methodology: This retrospective and descriptive study was performed in the department of cardiology in the university hospital of Brazzaville. It involved 44 cases of venous thrombosis of lower limbs and observations were made from January 2005 to December 2010.

Results: The prevalence of the venous thrombosis in the lower limbs was estimated for about  1.1% of the patients. The average age was  55.4±18 years. Women represented the majority accounting for 63.6% of the observed cases versus 36.4% for men. The majority of the patients came from home, 33 (75%) versus 11 (25%) from the others departments. The left  lower-limb was more affected  with  37 (72.7%) patients. The Homans’s sign was displayed in 84.1% of the patients, the Mahler’s pulse  in 27.3% and the right cardiac failure in 11.4% of cases. The Venous Doppler ultrasonography  brought to light direct signs of thrombosis in 52.3% of the patients, the indirect signs in 84.9%. The venous thrombosis was deep in 37 (84.1%) patients. It was proximal in 45.5% of cases, distal in 6.8% and extended in 47.7 % of the cases. The evolution was marked by an extension of the thrombosis in 18 (40.9%) cases, a pulmonary embolism in 9 (20.5%) cases, a recurrence in 8 (18.2%) cases. The risk factors were represented by: the anaemia for 43.2% of the patients, the high blood pressure for 38.6%, the obesity for 29.5%, the diabete for 18.2%, the cardiac insufficiency for 13.6%, the infection with HIV, the pregnancy, the post-partum, the néo-plasia respectively in 11.4 %, the post-surgical period in 6.8%.

Conclusion: The venous thrombosis of lower limbs is more and more frequent in sub-Saharan Africa. It is associated with some risk factors which must be taken into account. It may lead to serious complications such as the pulmonary embolism with dramatic consequences.

 

La thrombose veineuse, et plus généralement la maladie thrombo-embolique veineuse, est une affection fréquente. Son incidence a été évaluée à 71 pour 100.000, dont un tiers sous forme de thrombose veineuse isolée [1,2]. En Europe [3], l’incidence annuelle a été évaluée à 48/100000 habitants. En Bretagne, une région de  France, l’incidence a été évaluée à 1,24 thrombose veineuse pour 1000 personnes [4]. En Afrique noire, la thrombose veineuse était réputée rare. Récemment, il a été rapporté des fréquences de 9 cas par an [5]  voire 22 cas par an [6]. Trois hypothèses peuvent expliquer l’émergence de cette pathologie en Afrique noire : l’intérêt grandissant porté à cette affection ces dernières années, l’avènement et la maitrise des moyens de diagnostic, et l’apparition de nouveaux facteurs de risque en rapport avec le changement de mode de vie. Dans ce travail, nous avons rapporté notre expérience des aspects épidémiologiques, cliniques, para cliniques de la thrombose veineuse et répertorié les facteurs de risque favorisant la survenue de la maladie thrombo-embolique veineuse.

 

 

Méthodes

 

Nous avons revu les dossiers des patients hospitalisés dans notre service entre Janvier 2005 et Décembre 2010 et avons retenu tous ceux dont le diagnostic de sortie était une thrombose veineuse. Nous avons inclus dans cette étude tous les patients hospitalisés dans le service pour thrombose veineuse profonde avec une confirmation à l’échographie Doppler veineux des membres inférieurs. La probabilité clinique a été évaluée selon le score de Wells [7,8].

 

Elle a été dite forte  lors que le score était supérieur ou égal à 3, intermédiaire pour un score entre 1 et 2, faible pour un score inférieur à 1. Les examens échographiques ont été effectués sur les échographes ACUSON 128 XP/10 et ALOKA SSD-1700, dotés de sondes 3.5 et 7.5 Mhz et de la technologie Doppler. Le signe direct de diagnostic consistait en la visualisation en mode bidimensionnel du matériel endo-luminal plus ou moins échogène. Les signes indirects étaient [9]: l’incompressibilité de la veine, l’absence de flux au Doppler couleur, les modifications de la modulation du flux au Doppler pulsé (lors de la respiration, à la manœuvre de Valsava et manœuvre de chasse), l’augmentation du flux des veines collatérales, et la parésie de la valvule prise dans le thrombus.

Nous n’avons pas inclus les patients dont le diagnostic a été uniquement clinique sans confirmation échographique. Nous avons évalué les variables suivants : les caractéristiques sociodémographiques et cliniques, l’évolution, et  les  facteurs de risque de la maladie thrombo-embolique veineuse reconnus comme tels [10].  L’obésité a été définie par un indice de masse corporel supérieur ou égal à 30 kg/m², le diabète par une glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26g/l, l’hyper triglycéridémie par un taux des triglycérides supérieur ou égal à 2g/l, l’HypoHDLémie par un taux de HDL inférieur à 0,35g/l et l’hyperuricémie par un taux d’acide urique supérieur 60mg/l pour la femme et 70mg/l pour l’homme. L’hypertension artérielle a été définie par une pression artérielle systolique supérieure ou égale 140mmHg et/ ou une diastolique supérieure ou égale à 90mmHg ou par la prise d’un traitement anti hypertenseur. Enfin, nous avons évalué les modalités thérapeutiques, la durée d’hospitalisation et l’évolution .

 

Patients

 

Sur ces critères, nous avons retenu 44 patients, 28 femmes soit 63,6% et 16 hommes soit 36,4%, âgés en moyenne de 55,47±18,01 ans avec des extrêmes de 18 à 84 ans. Il y avait 29 patients âgés de plus de 47 ans soit 65,9%.

Analyse statistique

L’analyse des données a été réalisée avec le logiciel Epi Info 2008 version 3.5.1. Les variables quantitatives ont été exprimées en moyenne ± écart type, et les variables qualitatives en nombre et pourcentage.

 

Fréquence 

 

Les 44 patients retenus pour ce travail représentaient 1,1% des 3960 patients admis dans le service pendant la période d’étude, soit 7,3 cas par an. Pendant les trois dernières années, nous en avons observés 35 soit 11,6 cas par an.

 

Profession :

 

La répartition selon la profession des patients était homogène entre : chômeurs (n=16 soit 36,4%), travailleurs des secteurs informel (n=9 soit 20,4%) ou privé (n=6 soit13, 6%), agents de la fonction publique (n=8 soit18, 2%),  et enfin retraités (n=5 soit 11,4%).

 

Aspects cliniques et para cliniques

 

La thrombophlébite a concerné le membre inférieur gauche dans 32 cas soit 72,7% et le membre inférieur droit dans 12 cas soit 27,3%. L’œdème érythémateux et douloureux était présent dans tous les cas, le signe de Homans dans 37 cas soit 84.1%, le pouls de Mahler dans 12 cas soit 27,3% des malades. Nous avons  retrouvé une douleur thoracique à type de point de côté, une dyspnée, une lipothymie, et/ou une syncope, signes évocateurs d’embolie pulmonaire dans huit cas soit 18,2%, et des signes d’insuffisance cardiaque droite dans cinq cas soit 11,4%.

 

La radiographie du thorax était normale dans 21 cas soit 47,7%. Il y avait une cardiomégalie dans 18 cas soit 40,9% des cas, une ascension de la coupole diaphragmatique dans deux cas soit 4,5%, et une d’hyper clarté pulmonaire unilatérale dans quatre cas soit 9,1%.

Nous avons identifié les anomalies électrocardiographiques indiquées dans le tableau I. L’échographie Doppler veineux avait permis d’identifier le thrombus chez 23 patients soit 52,3% des malades et des signes indirects de thrombose veineuse (incompressibilité de la veine, augmentation du diamètre de la veine, parésie valvulaire et collatéralité) chez 37 soit 84,1%. La thrombose veineuse était uniquement profonde chez 37 patients soit 84,1%, profonde et superficielle chez sept soit 15,9%. Elle était étendue chez 21 patients (47,7%), proximale chez 20 patients (45,5%), distale chez trois soit 6,8%.

 

Facteurs de risque de thrombose veineuse profonde

 

Les patients venaient de leur domicile dans 33 cas soit 75%, du service de  gynécologie-obstétrique dans quatre cas soit 9,1%, d’un service de chirurgie dans trois cas soit 6,8%, ou d’un autre service de médecine dans quatre cas soit 9,1%. En plus de l’âge, nous avons identifié les facteurs de risque de maladie thrombo-embolique indiqués dans le tableau II.

 

Traitement et évolution

 

Nous avons traité 32 patients (72,7%) par de l’héparine de bas poids moléculaire, et 12 soit 27,3% par de l’héparine non fractionnée. La contention veineuse a été faite chez 50% des malades. Le recours au filtre cave a été réalisé chez un seul patient. La durée moyenne d’hospitalisation a été évaluée à 22,5±10,5 jours et le suivi extra hospitalier a duré 3 mois. L’évolution a été marquée par une extension de la thrombose dans 18 cas (40,9%), une embolie pulmonaire dans neuf cas (20,5%) une récidive dans huit cas (18,2%), et un syndrome post-phlébitique dans cinq cas (11,4%).

 

 

Analyse des méthodes

 

La fréquence hospitalière de 7,3 cas par an observée dans ce travail était comparable à celle rapportée par Kingue et al [5] : 9 cas par an. Elle était très certainement minorée compte tenu des biais de recrutement. En effet, nous n’avons inclus que les patients porteurs de thrombose veineuse hospitalisés dans notre seul service, en excluant ceux dont   le diagnostic était porté sur la seule présomption clinique. Aussi, en ne prenant en compte que les seuls trois dernières années de notre étude cette fréquence hospitalière était de 14,7 cas par an et donc proche de celle rapportée par Konin et al [6]. Elle reste cependant faible au regard  de l’incidence de 48/100000 habitants [3]. Plusieurs travaux [11,12] ont rapporté qu’aux Etats Unis d’Amérique, l’incidence de la maladie thrombo-embolique veineuse était de 30 à 60% plus élevée chez les noirs que dans le reste de la population, et que la maladie était plus sévère dans cette population. Il est possible qu’il en soit de même chez le sujet africain de race noire. 

Facteurs de risque de thrombo-embolie

Nos patients étaient âgés en moyenne de 55,47±18,01 ans. Les âges moyens rapportés dans les travaux africains étaient moindres : 44 ans pour Kingué et al [5], et 46 ans pour Konin et al [6]. L’âge est considéré comme un véritable facteur de risque non modifiable de la maladie thrombo-embolique veineuse, l’incidence de cette pathologie augmentant de façon significative voire exponentielle avec le vieillissement [3]. Aussi dans les stratégies d’évaluation du risque de thrombo-embolie, la cote de ce facteur augmente-t-elle à mesure que l’âge augmente. Nous avons identifié les mêmes facteurs de risque que dans les travaux antérieurs [5,6]. Pour des raisons techniques, nous n’avons pu évaluer les facteurs de risque génétiques (déficit en anti thrombine, en protéines C ou S, facteur V de Leiden…) ni les facteurs de risque mixtes tels que l’hyperhomocystéinémie, les taux de facteur VII, XI ou IX. 

 

Diagnostic de thrombose veineuse

 

La présentation clinique de nos patients était dominée par la douleur et l’œdème du membre inférieur : ceci est conforme aux données classiques. En effet, la sensibilité de la tension du mollet était de 79% et celle de la douleur de 71% [13]. Chez ces patients symptomatiques, le diagnostic positif en a été facilité par le recours systématique à l’échographie Doppler veineux. En effet, la sensibilité et la spécificité de l’échographie Doppler est meilleure lorsque la TVP était symptomatique, et proximale [8]. Ainsi, nous avons pu identifier le thrombus intraluminal dans 52,3% des cas, et l’incompressibilité de la veine et donc le signe indirect de la thrombose veineuse dans 84,1% des cas. Plusieurs scores cliniques permettent d’évaluer la probabilité pré test du diagnostic de TVP. Nous avons recouru au score de Wells [7]. La performance de ce dernier, en combinaison avec le dosage des D-Dimères, pour identifier avec sécurité les TVP et limiter sans risque significatif les recours inutiles à l’écho Doppler s’est révélée tout à fait comparable à  celle de scores plus récemment mis au point [14,15].

 

 

Gravité potentielle de la thrombose veineuse profonde

 

Nous avons observé des complications dans 31 cas : extension de la thrombophlébite aux veines iliaques et cave chez 40,9% des patients, maladie post-thrombotique chez 11,4% récidive chez 18.2%, et surtout embolie pulmonaire chez 20,5%. Certes la fréquence des embolies pulmonaires compliquant la thrombose veineuse profonde proximale a été évaluée à 30% [16] voire 57% [17]. Mais on sait la difficulté du diagnostic de l’embolie pulmonaire [8], particulièrement chez le sujet cardiaque. Ces complications font la gravité potentielle de cette pathologie avec risque de mort subite en cas de migration massive. C’est dire l’intérêt d’une prise en charge thérapeutique prompte et efficace, et surtout d’une prévention adéquate [18].

 

La thrombose veineuse profonde des membres inférieurs est une pathologie de plus en plus présente en Afrique sub-saharienne. Elle est potentiellement grave puisse qu’elle se complique d’embolie pulmonaire dans environ 20% des cas. Elle est associée à un certain nombre de facteurs de risque qui méritent d’être pris en compte en pratique clinique.

 

 

 

 

Tableau 1

 

Anomalies identifiées sur les électrocardiogrammes chez les 44 patients porteurs de thrombose veineuse profonde.

 

Tableau 2

 

Facteurs de risque de maladie thrombo-embolique identifiés chez les 44 patients porteurs de thrombose veineuse profonde.