Get Adobe Flash player
4049580
Today
Total :
1227
4049580

Les nouveaux critères du diagnostic échographique des valvulopathies rhumatismales. Les recommandations de la World Heart Federation

A. KANE 1,  S. KINGUÉ 2, A. AFFANGLA 3, A. MBAYE1 

 

RESUME

         Les valvulopathies rhumatismales représentent  encore un problème majeur de santé publique. Leur dépistage se fait au mieux par l’échocardiographie qui est 5 à 10 fois plus performante que l’examen clinique. Les nouveaux critères du diagnostic échographique des valvulopathies rhumatismales proposées par la World Heart Federation permettent une meilleure standardisation. Ils comportent l’étude de la morphologie valvulaire, de l’appareil sous valvulaire et du flux Doppler du cœur gauche, une atteinte valvulaire droite isolée n’étant en principe jamais rhumatismale. Ces paramètres échographiques doivent être analysés en tenant compte de l’âge, des données sociodémographiques et cliniques.

 

SUMMARY

        Rheumatic heart diseases  still represent a major public health problem. Echocardiography is 5 to 10 times more accurate than clinical examination. The new World Heart Federation echographic criterias allow a better standardization. They include the study of the valves and the subvalvular apparatus and a study of the Doppler flow of the left side valves because an isolated abnormality of the right side valve is not common in rheumatic origin.  Age, sociodemographic  and clinical parameters must also be taken into.

 

MOTS-CLES

Valvulopathies rhumastismales, échocardiographie, World Heart Federation

KEY WORDS

Valvular heart disease, echocardiography, World Heart

 

INTRODUCTION

          Les valvulopathies rhumatismales représentent un problème majeur de santé publique dans les pays en voie de développement et plus particulièrement en Afrique au Sud du Sahara. Elles touchent 15 millions de personnes et entrainent 250000 décès  prématurés dans le monde. Les critères diagnostiques disponibles jusque là sont ceux de Jones pour le rhumatisme articulaire aigu (RAA).

 

       La prévention secondaire des valvulopathies rhumatismales est associée à un bon rapport bénéfice/coût. Elle passe par un diagnostic précoce qui se fait au mieux par l’échocardiographie 5 à 10 fois plus performante que l’examen clinique. La World Heart Federation (WHF) a proposé de nouveaux critères échocardiographiques pour le diagnostic des valvulopathies rhumatismales afin de permettre une standardisation et une meilleure reproductibilité des enquêtes épidémiologiques. Le diagnostic des valvulopathies rhumatismales doit tenir compte, outre des critères échocardiographiques, des données cliniques et sociodémographiques (zone géographique, ethnie, niveau socio-économique). Ainsi, par exemple, un antécédent de rhumatisme articulaire aigu rend probable toute anomalie valvulaire structurale ou fonctionnelle.

     L’application des critères ne doit pas s’affranchir de la recherche d’une cause congénitale telle une bicuspidie aortique, d’une endocardite ou d’une atteinte valvulaire dégénérative. Les valvulopathies rhumatismales atteignant presque toujours les valves du  cœur gauche (100% selon les séries autopsiques, 99,3% selon les études échographiques), les critères diagnostiques ne concernent que les atteintes valvulaires mitrales et aortiques.

LES REGLAGES DE L’APPAREIL D’ECHOGRAPHIE

             La limite de Nyquist doit être au maximum pour éviter de surestimer la longueur du jet. La mesure de l’épaisseur des valves et des cordages ne doit pas utiliser l’imagerie harmonique qui risque d’en surestimer les valeurs. La sonde doit avoir une fréquence d’au moins 2 MHz, une fréquence  plus basse surestime l’épaisseur. Le réglage des gains et la luminosité de la pièce doivent être optimaux.

 

LA MESURE DE L’EPAISSEUR DES VALVES ET DE LA VITESSE DES FLUX

L’épaisseur de la grande valve mitrale (GVM) doit être mesurée en diastole au moment de l’excursion maximale, en choisissant la partie la plus épaisse et en séparant les cordages des valves. Les valeurs normales de l’épaisseur de la GVM sont les suivantes : pour les sujets de moins de 20 ans, l’épaisseur est inférieure à 3 mm ; pour ceux âgés entre 20 et 39 ans, elle est inférieure à 4 mm, alors qu’elle est inférieure à 5 mm pour les sujets âgés de 40 ans ou plus. Il n’y a pas de normes pour l’épaisseur de la petite valve ; il en est de même de la valve aortique. En coupe parasternale petit axe, la fermeture des sigmoïdes antéro-droite et non coronaire réalise une ligne échogène qui peut être normale et ne doit pas être confondue avec un épaississement. La longueur du jet doit être mesurée de la vena contracta au dernier pixel de la couleur du flux régurgitant (bleue ou rouge) sans utiliser le zoom.


DISCUSSION


 

Les caractéristiques morphologiques d’une valvulopathie rhumatismale

 

Elles sont indiquées au tableau 1, à la figure 1 et à la figure 2.  

 

Les caractères d’une régurgitation pathologique

 

Ils sont résumés dans le tableau 2.

 

Les critères diagnostiques d’une valvulopathie rhumatismale

 

On distingue 3 groupes : les valvulopathies rhumatismales confirmées, les formes limites (ou borderline) et l’examen normal (tableaux 3, 4, 5, 6).

 

L’aspect en genou fléchi résulte à la fois de l’épaississement de la valve mitrale et d’une restriction de son jeu due à une fusion commissurale ou une rétraction des cordages : il correspond donc à 2 critères morphologiques.

 

L’association d’une fuite mitrale et aortique pathologiques sans anomalie morphologique n’est diagnostique de cardiopathie rhumatismale que chez le sujet de moins de 20 ans.

 

Les pathologies valvulaires tricuspides ne sont pas incluses dans la définition car une atteinte tricuspide isolée n’est, en principe, pas d’origine rhumatismale.

 

Un rétrécissement aortique isolé chez un sujet jeune n’est qu’exceptionnellement rhumatismal : il n’est donc pas un élément de définition d’une valvulopathie rhumatismale.

 

La présence chez un sujet de moins de 20 ans d’un capotage d’une valve suffit comme critère morphologique (et remplace la notion « d’au moins 2 critères morphologiques ») à condition d’avoir éliminé une maladie de système, une endocardite ou un traumatisme.

 

Dans les zones où sévit la fibrose endomyocardique, les critères diagnostiques de valvulopathie rhumatismale peuvent être pris à défaut. Il faut dans ces cas rechercher d’autres signes de fibrose endomyocardique.


 

CONCLUSION


Les nouveaux critères du diagnostic échographique des valvulopathies rhumatismales permettent une meilleure standardisation en vue d’un dépistage notamment dans le cadre d’enquêtes épidémiologiques.

 

Ils tiennent compte de la morphologie des valves, de l’appareil sous valvulaire et de l’étude Doppler. Les paramètres échographiques doivent être analysés en fonction du contexte (âge, données cliniques et socio-démographiques).


 

Tableau 1 

Caractéristiques morphologiques d’une valvulopathie rhumatismale.

Valve aortique

Valve mitrale

1. Défaut de coaptation

2. Epaississement irrégulier ou focal (appréciation visuelle)

3. Mouvement restrictif de la valve

4. Prolapsus de la valve

1. Epaississement de la grande valve ≥ 3 mm

2. Epaississement d’un cordage (appréciation visuelle)

3. Restriction du jeu de la grande valve ou de la petite valve mitrale

4. Mouvement excessif du feuillet en systole du fait d’une mauvaise coaptation

 

 

Tableau 2

                                                Caractéristiques d’une régurgitation pathologique

Fuite mitrale (tous les 4 critères doivent être respectés)

Fuite aortique (tous les 4 critères doivent être respectés)

1.Fuite vue sur 2 incidences

2.Longueur du jet ≥ 2 cm dans au moins une incidence

3.Vitesse maximale ≥ 3 m/sec

4.Flux holosystolique sur au moins une enveloppe

 

1. Fuite vue sur 2 incidences

2. Longueur du jet ≥ 1 cm sur au moins une incidence

3. Vitesse maximale protodiastolique ≥ 3 m/sec

4. Flux holodiastolique sur au moins une enveloppe

 


Tableau 3 

Critères diagnostiques d’une valvulopathie rhumatismale confirmée

chez les sujets âgés de moins de 20 ans

Critères

Description des critères

Critère A

Insuffisance mitrale pathologique avec au moins 2 anomalies morphologiques rhumatismales de la valve mitrale

Critère B

Rétrécissement mitral avec un gradient transmitral ≥ 4 mm Hg et au moins 2 anomalies morphologiques de la valve (après avoir exclu une malformation congénitale et une calcification de l’anneau mitral chez les sujets > 50 ans)

Critère C

Insuffisance aortique pathologique  avec au moins 2 anomalies morphologiques rhumatismales de la valve aortique (exclure bicuspidie, anomalie de la racine de l’aorte, lupus, SPA)

Critère D

Atteinte modérée des 2 valves mitrale et aortique


 

Tableau 4 

Critères diagnostiques d’une valvulopathie rhumatismale

confirmée chez les sujets âgés de plus de 20 ans.

Critères

Description des critères

Critère A

Insuffisance mitrale pathologique avec au moins 2 anomalies morphologiques rhumatismales de la valve mitrale

Critère B

Rétrécissement mitral avec un gradient transmitral ≥ 4 mm Hg (après avoir exclu une malformation congénitale et une calcification de l’anneau mitral chez les sujets > 50 ans)

Critère C

Insuffisance aortique pathologique  avec au moins 2 anomalies morphologiques rhumatismales de la valve aortique (valable pour les sujets < 35 ans) 

 

Critère D

Insuffisance aortique pathologique avec au moins 2 anomalies morphologiques de la valve mitrale (en l’absence de diagnostic alternatif)

 

 


Tableau 5

Critères diagnostiques d’une forme limite ou « borderline » de valvulopathie

rhumatismale chez les sujets âgés de moins de 20 ans

Critères

Description des critères

Critère A

Présence d’au moins 2 anomalies morphologiques évocatrices de valvulopathie rhumatismale sans fuite mitrale pathologique ou rétrécissement mitral

 

Critère B

Insuffisance mitrale pathologique

 

Critère C

Insuffisance aortique pathologique                          

 


Tableau 6

Critères d’un examen échographique normal (valvulopathie rhumatismale exclue) .

Critères

Description des critères

Critère A

Fuite mitrale physiologique (ne répondant pas à tous les 4 critères Doppler)

Critère B

Fuite aortique physiologique (ne répondant pas à tous les 4 critères Doppler)

Critère C

Une anomalie morphologique isolée de la valve mitrale ou aortique (exemple : épaississement valvulaire), sans sténose ou régurgitation pathologique         

 

R      E      F      E      R      E      N      C      E      S

Reményi B, Wilson N, Steer A et al. World Heart Federation criteria for echocardiographic diagnosis of rheumatic heart disease – an evidence-based guideline. Nat Rev Cardiol, 2012; 9 : 297-309.