Angor stable chez la femme : particularités épidémiologiques, cliniques angiographiques dans une cohorte de patients en Afrique sub-saharienne.
Stable angina in women: epidemiological, clinical, and angiographic particularities in a patient’s cohort in Sub Saharan Africa.
P COFFI HESSOU¹; MABOURY DIAO²; FATOU AW LEYE²; J SALVADOR MINGOU²; MOUHAMADOU BAMBA NDIAYE²; S A SARR ²; MALICK BODIAN² ; PAPA GUIRANE NDIAYE ²; BOUNA DIACK ³; ALASSANE MBAYE ³; ALIOU ALASSANE NGAÏDE ³
RESUME
Introduction : Les différences entre les sexes jouent un rôle essentiel dans la prévention et la prise en charge des maladies cardiovasculaires. Cependant, en Afrique subsaharienne, la manière dont l’angor stable se manifeste en fonction du genre reste mal documentée. Cette étude vise à analyser les spécificités épidémiologiques, cliniques et angiographiques de l’angor stable chez la femme au sein d’une cohorte de patients ambulatoires à Dakar.
Patients et Méthodes : Cette étude prospective, descriptive et analytique a été menée auprès de patients admis en coronarographie pour angor stable, avec ou sans angioplastie, entre le 1er mars 2019 et le 31 décembre 2020, dans les services de cardiologie de l’Hôpital Général Idrissa Pouye (HOGIP) et du Centre National Hospitalier Universitaire Aristide Le Dantec . Les variables d’étude étaient : les données démographiques (l’âge et le genre), les données cliniques et paracliniques (symptômes, facteurs de risque cardiovasculaire, résultats des examens non invasifs, paramètres biologiques) et les données angiographiques. Nous avons procédé à une comparaison entre les hommes et les femmes pour toutes les variables à l’étude.
Résultats : Notre échantillon d’étude était composé de 47 femmes (32,87%) et 96 hommes (67,13%), soit un sex ratio H/F de 2,04. L’âge moyen des femmes était de 61,40 ± 10,72 ans vs 60,67±10,56 ans pour les hommes. La différence d’âge entre les deux sexes n’était pas statistiquement significative (p=0,69). La symptomatologie chez la femme était dominée par la douleur atypique (66% vs. 41,7% p=0,006). Les femmes étaient plus susceptibles d'être hypertendues (74,5% vs. 54,20% ; p =0,019 ;) et obèses que les hommes (19,10% vs. 6,2% ; p=0,038). Le tabac était exclusivement rapporté chez les hommes (7,3% vs. 0%) et aucune différence significative n’a été observée entre les deux sexes avec le diabète, l’hérédité, la dyslipidémie et la sédentarité. Les femmes présentaient plus fréquemment une coronarographie normale (55,3% contre 34,4% ; p=0,04) et une atteinte monotronculaire (23,4% contre 16,7%), bien que cette dernière différence ne soit pas statistiquement significative (p=0,33).
Conclusion :
Mots-clés:
Angor stable, genre, facteurs de risque cardiovasculaire, angiographie
SUMMARY
Introduction: Gender differences are an important factor in the prevention and management of cardiovascular disease. However, in sub-Saharan Africa, the gender-specific presentation of stable angina remains poorly documented. This study aims to analyze the epidemiological, clinical and angiographic specificities of stable angina in women in a cohort of outpatients in Dakar.
Methods: This prospective, descriptive and analytical study was conducted on patients admitted for coronary angiography due to stable angina, with or without angioplasty, between March 1, 2019 and December 31, 2020, at the Cardiology Department of Idrissa Pouye General Hospital and Aristide Le Dantec University Hospital Center. The studied variables were: demographic characteristics (age and gender), clinical and paraclinical data (symptoms, cardiovascular risk factors, results of noninvasive tests, biological parameters), and angiographic data. All studied variables were compared between men and women.
Results: In our study sample we had 47 women (32.87%) and 96 men (67.13%), with a sex ratio M / F of 2.04. The mean age of women was 61.40 ± 10.72 years and. 60.67±10.56 years for men. The age difference between the two sexes was not significant (p = 0.69). Symptoms in women were dominated by atypical pain (66% vs. 41.7% p = 0.006). Women were more likely to be hypertensive (74.5% vs. 54.20%; p = 0.019) and obese than men (19.10% vs. 6.2%; p = 0.038); Smoking was reported exclusively in men (7.3% vs.0%). For the other risk factors as diabetes, dyslipidemia, family history and physical inactivity, we did not find difference between men and women. Women were more likely to have normal coronary angiography (55.3% vs. 34.4%; p=0.04) and single-vessel disease (23.4% vs. 16.7%), although the latter difference was not statistically significant (p=0.33).
Conclusion: In Dakar, stable angina in women is characterized by a relatively early onset, atypical symptomatology and a high prevalence of hypertension and obesity. Coronary angiography revealed a predominance of single-vessel disease, a higher proportion of normal coronary angiography and a lower rate of revascularization by angioplasty.
Key Words
Stable angina pectoris, gender characteristics, cardiovascular risk factors, coronary angiography, Dakar
1-Université Cheick Anta Diop de Dakar/ Ecole Doctorale des Sciences de la Vie, de la Santé et de l’Environnement (ED-SEV)
2-Service de Cardiologie CNHU Aristide le Dantec ; Université Cheick Anta Diop (Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie), Dakar (SENEGAL)
3-Service de Cardiologie HOGIP ; Université Cheick Anta Diop (Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie), Dakar (SENEGAL)
Adresse pour correspondance
Paul Coffi HESSOU
Tel : +221780191283
BP 1539 Dakar/Sénégal
E-mail : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.
INTRODUCTION
La coronaropathie est le type de cardiopathie le plus souvent rencontrée à l’échelle mondiale chez les hommes et les femmes avec une mortalité plus élevée et un pronostic plus défavorable dans la population féminine [1,2]. De plus en plus de preuves soutiennent que la coronaropathie peut se présenter différemment chez les femmes et les hommes, allant de la présentation clinique, du diagnostic et de la prise en charge de la maladie aux différences sous-jacentes dans les mécanismes biologiques et physiopathologiques [10]. En effet des études s’intéressent davantage aux différences liées au sexe et touchant le tableau clinique, le pronostic et la prise en charge de la coronaropathie [1,2 ]. Ces études montrent que chez les patients souffrant d’angor stable, les femmes atteintes de coronaropathie ont tendance à présenter des douleurs atypiques, à être plus âgées et avec plus de comorbidités telles que l’hypertension, le diabète, la dyslipidémie, sauf le tabagisme [1, 3, 10]. La littérature met en évidence dans la population féminine un profil angiographique caractéristique avec une maladie coronaire moins étendue et la fréquence d’une ischémie avec des artères coronaires angiographiquement normales, désignée sous l’acronyme INOCA (Ischemia with No Obstructive Coronary Artery). Dans certaines études, cette proportion atteint 70 % ou plus [11]. Mais d’importants travaux de recherche ont montré que cette pathologie était associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires (CV), et à un pronostic presque aussi sombre que celui des sujets atteints de coronaropathie obstructive [10, 11]. Au Sénégal, et de manière générale en Afrique subsaharienne, la plupart des études rapportant des différences entre les sexes dans la présentation des symptômes et le fardeau des facteurs de risque ont surtout examiné des populations souffrant de douleurs thoraciques aiguës, de syndrome coronarien aigu (SCA) ou de revascularisation. Elles ne fournissent pas le plus souvent d'indications concernant les différences dans la présentation d’un angor stable. Mais il est important de comprendre ces différences clés entre les sexes pour permettre d’adapter les stratégies de diagnostic et de traitement et de fournir des soins équitables et optimaux aux hommes et aux femmes. L’objectif général de notre travail était donc d’étudier les différences entre les sexes dans la présentation de l’angor stable dans une cohorte référée en salle de coronarographie dans deux structures hospitalières de Dakar. De façon spécifique, il s’agissait d’une part de décrire les caractéristiques épidémiologiques et cliniques des patients ayant bénéficié d’une coronarographie pour angor stable ; et d’autre part d’apprécier les résultats de l’angiographie coronaire en fonction du genre.
METHODOLOGIE
Population et conception de l’étude : Il s'agissait d'une étude observationnelle, descriptive et analytique qui avait colligé l43 patients en ambulatoire référés dans les services de cardiologie de l’Hôpital Général Idrissa Pouye et du Centre National Hospitalier Aristide Le Dantec de Dakar pour une angiographie coronarienne, avec ou sans angioplastie, entre le 1er Mars 2019 et le 31 Décembre 2020. Nous avions inclus les patients suspects d’un angor stable ou équivalent ischémique (dyspnée, palpitations, blockpnée …) après un examen non invasif et référés pour une angiographie coronarienne. Les patients avec des antécédents coronaires ou déjà revascularisés n’étaient pas inclus dans l’étude. Cette étude a été approuvée par le Comité d’Ethique de la Recherche (CER) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Numéro de Protocole 0407/2019/CER/UCAD). Un consentement éclairé écrit a été obtenu de tous les patients inclus dans l’étude.
Collecte de données et variables de l’étude Les informations sur les caractéristiques démographiques, les facteurs de risque cardiovasculaire, les symptômes et les résultats des tests non invasifs avaient été collectées sur une fiche d’enquête pour tous les patients avant la réalisation de l'angiographie coronarienne. Les symptômes ont été classés en angor typique, douleur thoracique atypique, équivalent ischémique ou absence de symptôme. L'angor typique a été défini comme (1) une douleur thoracique ou une gêne rétro-sternale qui est (2) causée par un effort ou un stress émotionnel et (3) soulagée par le repos et/ou la nitroglycérine. Les douleurs thoraciques atypiques comprenaient les patients présentant un angor atypique (seulement deux des critères ci-dessus) et ceux présentant une douleur thoracique non angineuse (un ou aucun des critères ci-dessus). Les équivalents ischémiques étaient considérés comme tout ensemble de signes cliniques (dyspnée, vertiges, arythmies, blockpnée). La suspicion d'une maladie coronarienne était basée sur la présence et les caractéristiques des symptômes de la douleur thoracique et sur les résultats des tests non invasifs (ECG, ECG d'effort, échocardiographie, échocardiographie d’effort). Les données angiographiques avaient été relevées à partir du compte rendu électronique de la coronarographie. Certains patients avaient été contactés pour des informations complémentaires.
Evaluation de la maladie coronaire obstructive : Tous les patients avaient subi un cathétérisme et une angiographie coronaire selon la technique standard de Judkin. Les angiogrammes avaient été évalués en projections multiples par deux opérateurs expérimentés. L’angiographie coronaire invasive avait été réalisée via l'artère fémorale ou radiale en utilisant un protocole standard. Le pourcentage de sténose de l'artère coronaire a été déterminé par le rapport entre le diamètre de la lésion sténosée et le site normal juste à proximité de la lésion. Nous avons considéré comme lésion non significative une plaque laissant une lumière artérielle supérieure à 50% du lit d’aval ; une lésion significative, une plaque occupant entre 50- 70% de la lumière artérielle et comme lésion serrée, une sténose de 70-90 % de la lumière [4].
Analyse statistique : Le logiciel SPSS 16.0 avait été utilisé pour l’analyse statistique des données. Les variables quantitatives ont été présentées sous forme de moyennes et d’écarts types et les variables qualitatives par les fréquences et les proportions. Nous avons apprécié les différences entre les sexes à l’aide du test t de Student pour les variables quantitatives et le test de Khi 2 pour les variables qualitatives avec un seuil de significativité définie pour une valeur de p ≤ 0,05. Nous avons par ailleurs cherché à déterminer entre les deux groupes les paramètres associés à la présence d’une lésion sténosante.
RESULTATS
Au cours de la période d'étude, un total de 143 patients répondant à nos critères d’inclusion, ont été sélectionnés dont 96 (67,13%) hommes et 47 (32,87%) femmes ; soit une prédominance masculine avec un sex ratio de 2,04. L’âge moyen des femmes était de 61,40±10,72 ans contre 60,67±10,56 ans pour les hommes. Il n’y avait pas de différence statistique entre les deux sexes (p=0,69). Nous avons constaté que la douleur thoracique typique était prédominante chez l’homme (44,8% vs. 23,40% ; p=0,013). Mais la douleur atypique était plus fréquente chez les femmes (66% vs 41,7% ; p=0,006). La dyspnée d’effort, n’avait pas de différence significative entre les femmes (8,5%) et les hommes (11,5%) ; p=0,77. Une différence significative a été observée dans la présentation de certains facteurs de risque de coronaropathie en fonction du genre. En effet les taux de prévalence de l’obésité (19,1%vs 6,2% ; p=0,038), et de l'hypertension (74,5% vs 54,2% ; p=0,019) étaient significativement plus élevés chez les femmes que chez les hommes. Par contre, le tabac était retrouvé uniquement chez les hommes (7,3% vs. 0%). Les proportions du diabète, de la sédentarité et de la dyslipidémie n’avaient pas montré de différences significatives selon le genre. Les caractéristiques démographiques et cliniques en fonction du genre sont présentées dans le tableau 1 . En considérant les anomalies des examens non invasifs, nous avons observé que 16 patientes (34, 04%) avaient un sous- décalage de ST ; 11 patientes (23,4%) des ondes T négatives et 4 patientes (8,5%) une onde Q de nécrose. A l’exception du sous-décalage, les troubles de la repolarisation n’avaient pas montré de différence significative entre les hommes et les femmes. Nous n’avons pas relevé de particularités par rapport aux données échocardiographiques, mais la proportion de femmes avec des anomalies à l’échocardiographie d’effort était plus importante (21,3% vs. 4,2% ; p=0,004). Les résultats des examens non invasifs sont présentés dans le tableau 2. Les paramètres biologiques n’ont pas révélé de différence significative entre les deux sexes, à l’exception de la créatinémie avec une moyenne masculine légèrement supérieure ; 11,70 ± 2,40 vs. 10,71 ± 22,59 ; p=0,03 (tableau 3 ). Sur les 143 patients de notre série, 84 patients avaient des lésions coronaires et 59 avaient des artères indemnes de lésions ou des artères avec lésions non significatives. La figure 1 résume les résultats de la coronarographie en fonction du genre. Les hommes étaient plus susceptibles d'avoir une atteinte bitronculaire (24% vs.10, 6% ; p=0,05) et tritronculaire (25% vs. 10,5% ; p =0,04) par rapport aux femmes. Par contre celles-ci étaient plus susceptibles d'avoir une coronarographie normale (55,3% vs. 34,4% ; p=0,04). Dans notre étude, l’hypertension était le seul facteur de risque corrélé à la présence de lésions sténosantes chez la femme (81%vs.55, 6% ; p=0,04). Le tableau 4 montre l’incidence des facteurs de risque traditionnels sur la présence de lésions sténosantes en fonction du genre. La distribution de la sténose dans différentes artères coronaires avait été aussi comparée chez les deux sexes. L’artère interventriculaire antérieure (IVA) était la plus touchée dans les deux sexes ; suivie de la Coronaire droite (CD) et de la Circonflexe (Cx). Une sténose de l’IVA avait été observée chez 59 hommes (61,45%) contre 17 femmes (36,20%) ; 1a sténose de l'artère coronaire droite était présente chez 50 hommes (53,76%) contre 18 femmes (38,3%). Au niveau de la Circonflexe, une sténose a été observée chez 49 hommes (51,04%) contre 13 femmes (27,66%). Par rapport au degré d’obstruction des artères, nous avions observé que les lésions serrées (52,1% vs. 25,5% ; p=0,003) étaient plus retrouvées chez les hommes. Les résultats des données angiographiques sont résumés dans le tableau 5. Après l’évaluation angiographique, les hommes avaient plus bénéficié d’une revascularisation par angioplastie que les femmes avec les proportions respectives de 33,34% (n=32) contre 10,64% (n=5) des cas, p=0,02. Par contre les femmes avaient été plus recommandées pour un traitement médical : 89,36% (n=42) contre 66,66% (n=64).
DISCUSSION
A notre connaissance il s’agissait de la première étude à Dakar, au Sénégal pour déterminer les différences entre les sexes dans la présentation et l'évaluation des patients ambulatoires avec angor stable. Notre étude a montré les résultats suivants : 1/les femmes avaient tendance à être plus âgées ; 2/ avec une prédominance de la douleur atypique ; 3/ et une tendance à être plus sujettes à l’hypertension et à l’obésité. Il y avait un équilibre entre les deux sexes pour les autres facteurs de risques, à l’exception du tabagisme ; 4/ enfin au niveau angiographique les femmes avaient majoritairement une coronarographie normale et étaient moins susceptibles de revascularisation. Nonobstant ces résultats, notre étude comporte quelques limites :
• La proportion de femmes dans notre échantillon étude était relativement faible que celle des hommes. Ce qui suggère une possibilité de biais dans la relation entre les variables de l’étude et la maladie coronaire chez les femmes. Une étude avec une cohorte plus importante impliquant tous les différents Services de Cardiologie du Sénégal et dotés d’une salle d’angiographie coronaire est indispensable.
• Bien que les femmes aient présenté plus souvent des coronaires indemnes de lésions, l’absence de tests de provocation (comme l’administration de méthylergovine) n’a pas permis d’évaluer d’éventuelles causes sous-jacentes, telles que l’ischémie fonctionnelle ou le dysfonctionnement microvasculaire.
Données épidémiologiques et cliniques : Durant la période d’étude, nous avons colligé 143 patients dont 96 hommes (67,34%) et 47 femmes (32,86%), soit une prédominance masculine avec un sex ratio de 2,04. L’âge moyen des femmes était de 61,40±10,72 ans contre 60,67±10,56 ans pour les hommes. Les données d’autres études rapportent des résultats similaires : chez les patients souffrant d’angor stable, les femmes ont tendance à être plus âgées que les hommes [3, 5, 6, 7, 8] . Les maladies cardiovasculaires présentent en effet une corrélation significative avec l'âge, mais varient selon le sexe. Chez les hommes, le profil de risque des maladies cardiovasculaires augmente linéairement avec le temps et le processus athérosclérotique est en constante évolution. À l'inverse, comme les œstrogènes ont un effet bénéfique sur le système cardiovasculaire, la prévalence de la coronaropathie obstructive chez les femmes est relativement faible avant la ménopause [2,7] . Les résultats de l’étude WISE (Women’s Ischemia Syndrome Evaluation) suggèrent que la carence en œstrogène, liée à la ménopause, pourrait être un puissant facteur de risque de coronaropathie car les changements hormonaux après la ménopause entraînent des perturbations de la fonction endothéliale avec un rôle important pour l’inflammation par rapport aux hommes [2, 7, 9]. Les femmes et les hommes partagent la plupart des facteurs de risque classiques, mais l'importance et la pondération relative de ces facteurs est différente. Notre étude avait montré une prévalence plus élevée de l’hypertension chez la femme souffrant d’angor stable. Cette tendance est rapportée par d’autres études et s’explique par les effets de l’âge et de la ménopause [3, 5, 8]. Dans notre étude, le tabagisme était absent de la population féminine. Cela pourrait s’expliquer par des pesanteurs culturelles et religieuses qui influent sur la consommation de tabac par ladite population. La plupart des études s’accordent par contre sur la prévalence élevée du tabac chez les hommes par rapport aux femmes avec néanmoins des proportions variables selon les pays [3, 5, 6, 7]. L’obésité retrouvée au niveau de la femme pourrait se comprendre à partir de deux facteurs : la sédentarité et des considérations sociologiques et culturelles qui semblent valoriser davantage les femmes de forte corpulence sous les Tropiques. Au niveau des autres facteurs de risque tels que le diabète, la dyslipidémie et la sédentarité, notre étude n’a pas montré de différence significative entre les deux sexes. Nos résultats avaient montré que la douleur thoracique atypique était prédominante chez la femme souffrant d’un angor stable. Ce résultat s’accorde avec les travaux d’autres auteurs et les données de la littérature [1, 8, 10,11].
Données angiographiques de l’angor stable : L’angiographie coronaire avait révélé que 26 femmes (55,3%) et 33 hommes (34,4%) présentaient une coronaropathie non obstructive. Ces données confirment que chez la femme, l’angiographie coronaire a une valeur prédictive plus faible de lésions coronaires significatives au niveau des artères. Selon les résultats rapportés par certains auteurs, les femmes suspectées d’ischémie et référées pour une angiographie, étaient cinq fois plus susceptibles de présenter des artères coronaires normales par rapport aux hommes [12]. Dans l’angiographie et l’angioplastie coronaire Swedish Register, près de 80% des femmes et 40% des hommes, de moins de 60 ans, et souffrant d’angor stable avaient des résultats presque normaux [9,13 ]. Cela montre bien que des différences existent entre les hommes et les femmes dans l’étiologie sous-jacente à l’ischémie myocardique. Des études menées au cours des deux dernières décennies ont mis en évidence que chez les femmes d’âge moyen symptomatique à risque intermédiaire, la cardiopathie ischémique est souvent causée par une combinaison de syndrome coronaire avec remodelage extérieur et altération fonctionnelle due à un dysfonctionnement microvasculaire et /ou à un dysfonctionnement vasculaire épicardique [9, 13,14, 15]. Par contre chez les femmes vieillissantes, la fonction endothéliale se détériore plus rapidement après la ménopause avec un rôle relativement plus important pour l’inflammation par rapport aux hommes de même âge [9]. L’étude WISE (Women’s Ischemia Syndrome Evaluation) a d’ailleurs montré que le dysfonctionnement microvasculaire coronaire (DMC) était plus fréquent chez la femme en périménopause et ménopause, mettant ainsi en évidence l’œstrogène comme un facteur de DMC [ 16, 17 ]. Les données de ces études pourraient expliquer la différence observée dans le groupe des femmes en ménopause dans notre étude avec notamment la prédominance de patientes ayant des coronaires angiographiquement saines. L’hypertension était le seul facteur de risque cardiovasculaire traditionnel corrélé à la présence de lésions sténosantes chez la femme selon nos résultats. Une tendance similaire est rapportée par une étude coréenne [6]. Mais selon d’autres auteurs, le diabète et le tabagisme ont un effet important sur le risque d’athérosclérose chez la femme par rapport aux hommes [2,18] . L’hypertension, la dyslipidémie, l’obésité et la sédentarité affectaient le risque de manière égale dans les deux sexes [1]. Parmi les patients souffrants d’angor stable et présentant une coronaropathie obstructive, des différences selon le genre existent dans l’étendue et la gravité de la maladie, les femmes étant moins susceptibles d’avoir une maladie obstructive pluritronculaire. Nos résultats s’accordent avec les données de certaines études . Les femmes présentent en général un profil angiographie caractérisé par une coronarographie normale et une atteinte monotronculaire [8,17, 19,20]. La distribution des lésions selon le degré d’obstruction des artères avait montré une différence significative entre les sexes seulement au niveau avec les lésions serrées. Certains auteurs rapportent pareillement un faible taux de sténoses sévères chez la femme, et un nombre de sténoses intermédiaires plus élevé chez celle-ci par rapport à l’homme [12]. Après l’évaluation angiographique, les hommes avaient plus bénéficié d’un traitement par angioplastie, alors qu'un suivi médical était plus recommandé aux femmes. Cela pourrait s’expliquer par deux facteurs : la proportion des sténoses susceptibles de revascularisation était plus élevée chez les hommes et la fréquence de coronaropathie à coronaires angiographiquement saines chez les femmes. Les données de la littérature rapportent également une revascularisation plus faible chez la femme. Dans la cohorte de l’Euro Heart Survey, les femmes bénéficiaient de 3 fois moins de revascularisation percutanée ou chirurgicale [10,19].
CONCLUSION
Tableau 1 : Répartition selon la symptomatologie et les facteurs de risque
Tableau 2 : Résultats des examens non invasifs en fonction du genre
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Tableau 3 : Les paramètres biologiques de notre population d’étude
Tableau 4 : Incidence des facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels sur la présence de lésions sténosantes en fonction du genre
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Tableau 5 : les données angiographiques en fonction du genre
p*-value : Nous avons apprécié les différences entre les sexes pour toutes les variables à l’étude à l’aide du test de Student pour les variables quantitatives et le test de Khi 2 pour les variables qualitatives avec un seuil de significativité définie pour une valeur de p ≤ 0,05. |
Figure 1 : Résultats de la coronarographie selon le genre
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