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Cardiomyopathie du peripartum : aspects épidémiologique, diagnostique, thérapeutique et évolutif en milieu cardiologique à Parakou de 2012 à 2019.

 

Peripartum cardiomyopathy : epidemiological, diagnostic, therapeutic and out come aspects in a cardiology setting at Parakou from 2012 to 2019.

 

HL CODJO 1*, SHM DOHOU 1, PM ADJAGBA 2, A MINHOU 1, HN AMEGAN 3, COA BIAOU 4, I SIDI 1, A SONOU 2, A ALASSANI 5, M HOUENASSI 2.

 

 

RESUME

 

Introduction : La cardiomyopathie du péripartum (CMPP) est une complication grave de la grossesse. Cependant son épidémiologie est encore mal connue au Bénin.

Objectif : Ce travail vise à décrire les aspects épidémiologique, diagnostique, thérapeutique et évolutif  de la CMPP en milieu cardiologique à Parakou de 2012 à 2019.

Méthodes : L’étude était rétrospective,  descriptive et porte sur la période du 1er avril 2012 au 1er avril 2019. Les données ont été obtenues par dépouillement des dossiers de toutes les  patientes reçues en consultation ou en hospitalisation dans les services de cardiologie de la ville de Parakou pour insuffisance cardiaque (IC). La CMPP a été définie selon les critères du National Heart Blood and Lung Institute (NHBLI). Le logiciel Epi Info7.2.3 a été utilisé pour l’analyse des données.

Résultats : Au total, 113 cas de CMPP ont été recensés sur les 5520 dossiers de patientes reçues (2,04%). Seuls 74 dossiers étaient exploitables. L’âge moyen était de 30 ± 2,8 ans avec des extrêmes de 18 et 44 ans. Les symptômes apparaissaient en post partum dans 95,95% des cas. Il s’agissait principalement de l’insuffisance cardiaque globale (81,08%).  Le ventricule gauche (VG) était dilaté chez 48 patientes (82,76%). Sa fraction d’éjection (FEVG) moyenne était de 26,39 ± 2,60% (10% à 44%). Le traitement reçu était celui de l’insuffisance cardiaque. L’allaitement a été arrêté chez toutes les nourrices. La bromocriptine avait été prescrite dans 4,05% des cas. A six mois, une régression totale de l’IC a été observée chez 64 patientes (86,48%) et la mortalité était de 9,5%.

Conclusion : La CMPP est une affection fréquente en milieu cardiologique à Parakou. Elle se révèle souvent en postpartum et se manifeste par l’insuffisance cardiaque. Elle est potentiellement grave et mortelle.

 

 

MOTS CLES

 

Epidémiologie ; Insuffisance cardiaque ; Cardiomyopathie du péripartum;  Parakou.

 

 

SUMMARY

 

Introduction: Peripartum cardiomyopathy (PPCP) is a serious complication of pregnancy. However, its epidemiology is still poorly known in Benin.

Objective : This work aims at studying the epidemiological, diagnostic, therapeutic and evolutionary aspects of CMPP in a cardiological setting in Parakou from 2012 to 2019.

Méthods : The study was retrospective, cross-sectional and descriptive from April 1, 2012 to April 1, 2019. Data were obtained by reviewing the records of all women received in consultation or hospitalization in the cardiology departments of the city of Parakou for heart failure (HF). The PPCM was defined according to the criteria of the National Heart Blood and Lung Institute (NHBLI). Epi Info 7.2.3 software was used to process the data.

Results : A total of 113 cases of CMPP were identified out of the 5520 patients' records received during the study period, representing a hospital prevalence of 2.04%. Only 74 records were usable. The mean age was 30 ± 2.8 years with extremes of 18 and 44 years. Multiparous women represented 67.74% of cases and symptoms occurred in postpartum in 95.95% of cases. Dyspnea was observed in 73 cases (98.65%) and 60 (81.08%) were in congestive heart failure. The left ventricle (LV) was dilated in 48 patients (82.76%) with a mean telediastolic diameter of 67.90 ± 4.81mm (58mm to 89mm). The mean ejection fraction (LVEF) was 26.39 ± 2.60% (10% to 44%). The treatment received was for heart failure. Breastfeeding was stopped in all mothers. Bromocriptine was prescribed in 4.05% of cases. The mean duration of hospitalization was 5.68 ± 0.63 days with extremes of 01 to 14 days. At six months, a total regression of HF signs was observed in 64 patients (86.48%) and five deaths were recorded (05.41%).

Conclusion : PPCM is a common condition in cardiology settings in Parakou. It is often revealed in postpartum and presents as heart failure. It is potentially severe and lethal.

 

 

KEY WORDS

Peripartum Cardiomyopathy; Heart failure; Epidemiology; Parakou.

 

 

1.Unité d’Enseignement et de Recherche en Cardiologie, Faculté de Médecine, Université de Parakou, Bénin.

2.Clinique Universitaire de Cardiologie, Faculté des Sciences de la Santé, Université d’Abomey-Calavi, Bénin

3.Ecole Doctorale des Sciences de la Santé, Université d’Abomey-Calavi, Bénin.

4.Institut Régional de Santé Publique, Université d’Abomey-Calavi, Bénin.

5.Unité d’Enseignement et de Recherche en Médecine Interne, Faculté de Médecine, Université de Parakou, Bénin.

 

Adresse pour correspondance 

CODJO H. Léopold,

BP : 123 Parakou,

Tél. : 00229 66 24 50 71,

 Email : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

Décrite pour la première fois depuis 1937 par Gouley et al [1], la cardiomyopathie du péripartum (CMPP) ou syndrome de MEADOWS est une insuffisance cardiaque (IC) qui survient dans le dernier mois de la grossesse ou les cinq mois qui suivent le l’accouchement. Elle est l’expression d’une dysfonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 45%) avec ou sans dilatation ventriculaire gauche, sans aucune cause identifiable [2,3].

La CMPP, qui a suscité de nombreuses recherches ces dernières décennies reste peu comprise surtout en ce qui concerne son épidémiologie, son étiopathogénie, ses manifestations cliniques et sa thérapeutique [1,4–7]. Elle est considérée comme une affection idiopathique dont les facteurs de risque sont multiples notamment l’âge maternel supérieur à 30ans, la multiparité, la multigestité, les grossesses multiples, la préeclampsie, la tocolyse prolongée, la race noire africaine, le bas niveau socioéconomique et la malnutrition, certaines pratiques coutumières comme les ablutions à l’eau chaude, l’anémie et les déficits en sélénium [8–10]. Ces facteurs de risque expliquent en partie la disparité géographique de l’épidémiologie de la CMPP. En effet, si la CMPP semble rare en Corée du Sud (1 cas pour 1741 naissances) [11], en Taiwan (1 cas pour 3790 naissances) [12] et aux Etats Unis d’Amérique (1 cas pour 3189 naissances) [13], elle apparait épidémique en Afrique du Sud (1 cas pour 1000 naissances) [14], au Sudan (1 cas pour 662 accouchements) [15] et au Nigéria (1 cas pour 100 naissances) [16]. A Parakou (Bénin) en 2015, nous avions noté que la CMPP représentait 84% des causes d’insuffisance   cardiaque   au   cours   de       la  grossesse et en post-partum [17]. Dans le service de cardiologie du Centre National Hospitalier et Universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM) de Cotonou en 2016, Adjagba et al. ont rapporté une fréquence de 2.2% [18].

Selon Demakis, la CMPP se manifeste surtout dans le premier mois du postpartum par des symptômes variés [6]. Dans la série de Adjagba et al. les symptômes étaient apparus dans le postpartum chez 87,9% des patientes et la dyspnée était le symptôme le plus fréquemment rapporté [18]. Aussi, avait-il rapporté qu’au bout d’une évolution moyenne de 21 ± 16,4 mois, la proportion de patientes ayant récupéré une fonction systolique normale était de 31,6% et la mortalité globale était de 15,79%.  Ces données hospitalières béninoises bien que très précieuses se limitent à un seul service médical du sud du pays. Afin de compléter les caractéristiques de la CMPP au Bénin, nous présentons dans cet article les données multicentriques d’une ville du septentrion.

 

 

METHODES

 

Cadre, type et période 

 

Il s’est agi d’une étude multicentrique rétrospective, transversale et descriptive menée dans les trois services de cardiologie de la ville Parakou : le Centre Hospitalier Universitaire et Départemental du Borgou/Alibori (CHUD-B/A), l’Hôpital d’Instruction des Armées-Centre Hospitalier Universitaire (HIA-CHU) et la Clinique Cardiologique du Septentrion.  Elle a couvert les admissions du 1er Avril 2012 au 1er avril 2019.

 

Population d’étude 

 

L’étude a porté sur l’ensemble des patientes admises dans les services sus cités. Nous avons recensé tous les dossiers des patientes hospitalisées et/ou reçues en consultation pour CMPP durant la période d’étude.

La CMPP a été définie selon les critères du National Heart Blood and Lung Institute (NHBLI) [2]. Ces critères sont :  

-        survenue d’une insuffisance cardiaque congestive dans le mois précédent ou dans les 5 mois suivant l’accouchement ;

-        signes échographiques attestant de la dysfonction ventriculaire gauche avec FEVG <45% et/ou une fraction de raccourcissement <30%.

-        absence d’étiologie retrouvée à la cardiomyopathie malgré un bilan exhaustif ou de  cardiopathie connue avant l’apparition des symptômes.

Nous avons exclu ;

-        les femmes enceintes ou accouchées ayant une cardiopathie antérieure connue ;

-        les femmes enceintes ou accouchées ayant une cardiopathie apparue hors du délai allant d’un mois avant l’accouchement à cinq mois après l’accouchement ;

-        les patientes ayant des anomalies valvulaires ou des malformations à l’échocardiographie.

 

Collecte des données 

 

Après l’obtention des différentes autorisations administratives, nous avons repéré les dossiers des patientes admises pour insuffisance cardiaque à partir des registres d’admission de chaque service de cardiologie.Les dossiers des cas d’insuffisance cardiaque qui répondaient aux critères diagnostiques de la CMPP ont été systématiquement dépouillés. Les données recueillies étaient épidémiologiques (âge, ethnie, religion, profession, situation matrimoniale, zone de résidence, antécédents obstétricaux), cliniques (période d’apparition des signes, signes fonctionnels, signes généraux à l’admission, signes physiques, type d’insuffisance cardiaque), paracliniques (anomalies électrocardiogramme, anomalies radiographiques, échographiques et biologiques), thérapeutiques (mesures hygiéno-diététiques, traitement médica-menteux, planification familiale à la sortie) et évolutives (durée d’hospitalisation, évolution en cours d’hospitalisation et en post hospitalisation). L’évolution en post hospitalisation des patientes a été évaluée par contact téléphonique. Cette évaluation a porté sur la régression ou de la persistance des symptômes d’insuffisance cardiaque, la réhospitalisation pour récidive d’insuffisance cardiaque et la survie des patientes. Les patientes non joignables ou qui ne disposaient pas d’informations de suivi dans les dossiers médicaux ont été considérées comme perdues de vue. Les patientes décédées étaient celles pour lesquelles cette information était disponible dans leur dossier médical ou rapportée par les parents lors de l’appel téléphonique. L’ensemble de ces données a été collectée par une équipe préalablement formée sur les objectifs de l’étude. Elle était composée d’un étudiant en 7ème année de médecine générale et d’un épidémiologiste sous la supervision d’un médecin cardiologue.

 

Analyse statistiques 

 

Les données recueillies ont été saisies avec le logiciel Epidata 3.1.Fr,  et analysées à l’aide du logiciel Epi info version 7.2.3. Les variables quantitatives ont été exprimées sous forme de moyenne plus ou moins écart type ; les variables qualitatives ont été exprimées par simple dénombrement et en pourcentage. Le test exact de Fisher a été utilisé pour analyser les facteurs associés à l’évolution de la CMPP et le seuil de significativité était p<5%.

 

Considérations éthiques 

 

Cette étude a été menée conformément aux principes de la déclaration d’Helsinki [19]. En effet, toutes les autorisations administratives ont été obtenues avant l’accès aux dossiers médicaux des patientes. Les données ont été traitées dans l’anonymat, de façon confidentielle et n’ont été utilisées que dans le cadre de cette étude. L’accord du Comité Local d’Ethique pour la Recherche Biomédicale de l’Université de Parakou a été obtenu sous la référence 0269/CLERB-UP/P/SP/R/SA. Les principales trouvailles de cette étude ont été communiquées aux différents centres participants pour exploitation.

 

 

RESULTATS

 

 

Aspect épidémiologique

 

Pendant la période d’étude, 5520 patientes ont été admises en milieu cardiologique dont 1179 cas d’insuffisance cardiaque. Le diagnostic de CMPP a été retenu chez 113 patientes soit une fréquence hospitalière de 2,04%. La CMPP représentait donc 9,58% des cas d’insuffisance cardiaque à Parakou. L’analyse a porté sur 74 patientes dont les dossiers médicaux étaient accessibles et exploitables (figure 1). L’âge moyen des patientes était de 30 ± 2,80 ans avec les extrêmes de 18 ans et 44 ans. Le tableau 1 présente les caractéristiques épidémiologiques et les antécédents des patientes.

 

Signes cliniques

 

L’apparition des signes d’insuffisance cardiaque (IC) s’est faite après l’accouchement dans 95,95% des cas. Les signes fonctionnels étaient représentés par la dyspnée (98,65%), la toux (75,68%), l’hémoptysie (13,51%) et la douleur thoracique (64,86%). La pression artérielle (TA) était basse (<90mmHg) chez 15 patientes (20,27%). Une hépatomégalie (66,22%), des œdèmes des membres inférieurs (62,16%), un bruit de galop (59,46%), une turgescence des jugulaires (54,93%), des râles crépitants (48,65%), un reflux hépato-jugulaire (41,89%) ont été objectivés à l’examen physique. L’insuffisance cardiaque était globale chez 60 patientes (81,08%) et gauche chez 14 patientes (18,92). Selon la sévérité des symptômes, les patientes se répartissaient en insuffisance cardiaque stade 1 (01,37%), stade 2 (47,94%), stade 3 (39,73%) et stade 4 (10,96%) de la New York Heart Association.

 

Signes paracliniques

 

A l’électrocardiogramme (ECG) réalisée chez 47 patientes, une tachycardie a été constatée chez 93,62% des patientes. Les autres anomalies étaient représentées par la déviation de l’axe QRS (34,04%), l’hypertrophie ventriculaire gauche (61,70%), les troubles de la repolarisation (29,79%) et la fibrillation auriculaire (2,13%).

Sur les cinq patientes chez lesquelles une radiographie pulmonaire était disponible, il y avait une cardiomégalie dans trois cas.

A l’échographie cardiaque disponible chez 58 patientes, le diamètre télé diastolique moyen du ventricule gauche (DTDVG) était de 67,90±4,81mm (58 à 89mm). La FEVG était de 26,39 ± 2,60% (20 à 44%). Les différentes anomalies échocardiographiques  et biologiques sont présentées respectivement dans les tableaux 2 et 3.

 

Traitement

 

Les mesures hygiéno-diététiques (MHD) et la planification familiale à la sortie ont été prescrites et consignées dans les dossiers respectivement dans 35 (47,30%) et 5 (7,25%) cas.

Un traitement médicamenteux a été prescrit chez toutes les patientes. Il était dominé par les diurétiques (97,30%). Le tableau 4 présente les différentes classes pharmacologiques proposées aux patientes victimes de CMPP à Parakou.

 

Evolution

 

La durée moyenne d’hospitalisation a été de 5,68 ± 0,63 jours avec les extrêmes de 01 et 14 jours. L’évolution en cours d’hospitalisation était favorable dans 86,48% des cas. Il y avait eu quatre décès pendant la phase hospitalière. La mortalité intra-hospitalière était donc de 5,41%. Les causes de décès étaient le choc cardiogénique (2 cas) et les accidents vasculaires cérébraux (2 cas).

Dans les six mois suivant l’hospitalisation index, seules 24 patientes ont pu être jointes au téléphone. Il a été constaté une régression totale des signes d’insuffisance cardiaque chez 18(75%) d’entre elles et un décès a été déclaré. Ainsi, à 6 mois, cinq décès ont été enregistrés sur les 74 patientes suivies pour CMPP soit une mortalité globale de 6,76%. Aucune patiente n’a pu bénéficier d’une réévaluation échocardiographie durant le suivi du fait d’une inaccessibilité matérielle.

 

 

 

DISCUSSION

 

Nous avons, à travers ce travail, étudié les aspects épidémiologique, diagnostique, thérapeutique et évolutif  de la CMPP dans les services de cardiologie à Parakou. Ce premier travail sur la CMPP dans la zone nord du Bénin vise, non seulement à completer les données nationales existantes [17, 18,20], mais aussi à produire des informations de base pour la conception d’autres études prospectives sur cette pathologie relativement fréquente au Bénin.

Nous avons retrouvé une fréquence hospitalière de la CMPP de 2,04%. Cette fréquence est similaire à celles retrouvées par Adjagba et al. (2,40%) à Cotonou en 2016 [18]  et Ngamami et al. (2,70%) à Brazzaville en 2014 [21]. Ces fréquences élevées de CMPP rapportées par ces études, reflètent bien les fortes incidences observées dans la plupart des pays africains [14–16]. Selon la métaanalyse de Isogai et al, l'incidence de la CMPP varie sensiblement entre pays, zones et races [22]. Pour Gentry et al [23], les femmes d’origine afro-américaine ont seize fois de risque de développer la CMPP comparativement aux autres races. Cette prédominance de la maladie chez les femmes de race noire semble être soutenue par une prédisposition génétique [24–26]. Cependant, certaines pratiques coutumières comme les ablutions à l’eau chaude, la consommation excessive de sel dans la période du post partum, le climat chaud et humide [27], l’anémie et les déficits en sélénium [8–10] doivent être prises en considération comme facteurs de risque spécifiques au milieu africain.

La période d’apparition des symptômes dans cette étude était de 95,95% en post partum. Ce résultat corrobore ceux d’autres séries africaines où les proportions d’apparition en post partum varient entre 89,70% et 91,00% [18,28–30]. Cependant dans le registre Eur Observational Research Programme, 1/3 des cas de CMPP ont été diagnostiqués avant l’accouchement [31]. Ceci est probablement en rapport avec le suivi de la grossesse et la détection précoce des situations pathologiques.

La dyspnée était le maître symptôme dans les autres études africaines[8,29,30,32]. Dans notre étude, sa fréquence étaitde 98,65%. A Cotonou, toutes les patientes de la série de Adjagba et al. [18] avaient eu la dyspnée et Sliwa et al. [33] avaient rapporté la dyspnée chez 92,6% des patientes. Le tableau d’IC globale est classique et fréquent au cours de la CMPP dans plusieurs études [21,29] comme la  nôtre.

A l’ECG, une tachycardie sinusale était constante (93,62%). Ce chiffre est semblable à ceux retrouvés dans plusieurs travaux [21, 30, 34,35]. Ce signe peu spécifique devrait toujours attirer l’attention des soignants et imposer une recherche étiologique.

L’échodoppler cardiaque nous a permis de retenir que la principale caractéristique échographique de la CMPP est une dilatation ventriculaire gauche avec une hypokinésie globale, dysfonction systolique et une insuffisance mitrale fonctionnelle. Cela a été confirmé dans les résultats d’autres séries africaines et occidentales [18,21,36,37].

Le traitement était représenté principalement par les diurétiques, les bêtabloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2, les antiagrégants plaquettaires et les digitaliques. Cependant la bromocriptine est encore faiblement instituée (4,05%). Cela pourrait s’expliquer non seulement par la non disponibilité fréquente de ce produit en pharmacie au Bénin, mais aussi par le fait de leur insertion récente dans l’arsenal thérapeutique de la CMPP [38–40]. Toutefois plusieurs autres études de grande envergure sont souhaitées pour affiner les recommandations sur son utilisation. La planification familiale était faiblement prescrite dans notre étude par rapport à la série de Adjagba et al. [18]. Or, la plupart des recommandations sur la CMPP déconseillent les grossesses ultérieures en cas de CMPP à cause du haut risque de récidive [38]. La contraception est ainsi hautement conseillée chez les victimes. Le non-respect de cette mesure dans notre série constitue un problème qui mérite d’être résolu en tenant compte des représentations socioculturelles locales.

La durée moyenne d’hospitalisation dans notre série (5,68 ± 0,63 jours) diverge selon les séries. Nkoua et al. a rapporté une moyenne de 23 jours [41], Pio et al., une moyenne de 16 jours [30]. L’évolution pendant l’hospitalisation a été favorable dans 86,48% des cas.

En post hospitalisation, 78,26% des patientes présentaient une régression des signes congestifs. Cela est nettement supérieur à la proportion retrouvée par Adjagba et al. [18]. Cette différence s’explique par le fait que dans notre étude les patientes ont été jointes par téléphone et qu’une échographie de contrôle n’ait pas été réalisée pour réévaluer la fonction systolique ; une patiente pouvant ne présenter aucun signe congestif malgré une fonction systolique altérée. Le taux de récupération est donc surestimé dans notre étude. Des 35 patients qui ont eu un suivi échographique à 3 mois puis à 6 mois au Zimbabwe, il n’a pas été objectivé une différence significative entre les diamètres ventriculaires gauches. Toutefois 16 patientes soit 45,7% ont eu une remarquable amélioration de leur fraction d’éjection ventriculaire gauche [36].

La létalité à 6 mois était de 9,5%. Ce chiffre varie d’une étude à une autre dans les séries africaines [21,41]. Dans la série zimbabwéenne suivie sur 6 mois, le taux de mortalité enregistré était de 11,6% [36].

 

Limites de l’étude

 

Le caractère retrospectif de ce travail en a constitué une limité importante avec de nombreuses données manquantes. Ces données manquantes concernaient surtout l’échocardiographie et l’évolution post hospitalisation chez certaines patientes. En effet sur les 74 patientes répérées dans les dossiers, seuls 24 ont pu etre jointes. Ainsi le taux de reponse est très faible (32.43%) et les données évolutives révélées par notre études doivent etre prises avec prudence.
 
 
 

CONCLUSION

 

La CMPP est une cause importante d’insuffisance cardiaque chez la femme à Parakou. Elle est fréquente, grave et mortelle.  Des études sont nécessaires pour rechercher les facteurs de risque et pronostiques spécifiques cette affection en milieu noir africain afin d’en améliorer la prise en charge.

 

 

Figure 1 : Diagramme de flux montrant la sélection des patientes pour l’étude des aspects épidémiologique, diagnostique, thérapeutique et évolutif de la cardio-myopathie du péripartum en milieu cardiologique à Parakou de 2012 à 2019.

 

 

Tableau 1 

 Caractéristiques épidémiologiques et antécédents des patientes victimes de cardiomyopathie du péripartum prises en charge en milieu cardiologique à Parakou de 2012 à 2019 (n=74).

 

Fréquence

Pourcentage

Age

    <25 ans

    [25 – 35 ans [

    ≥35 ans

 

15

37

22

 

20,27

50,00

29,73

Profession

    Femme au foyer

    Vendeuse/artisane

    Apprenante

    Fonctionnaire

 

36

28

04

06

 

48,65

37,84

05,40

08,11

Situation matrimoniale

    Mariée

    Concubine

    Célibataire

 

33

40

01

 

44,60

54,05

01,35

Zone de résidence

    Urbaine

    Rurale

 

32

42

 

43,24

56,76

Gestité

    <3

    ≥3

 

46

28

 

62,16

37,84

Parité

    <3

    ≥3

 

45

29

 

60,81

39,19

Gémellarité

    Oui

    Non

 

22

52

 

29,73

70,27

Hypertension artérielle sur grossesse

    Oui

    Non

 

27

47

 

36,49

63,51

 

Tableau 2 

Fréquence des anomalies échocardiographies observées chez les patientes victimes de cardiomyopathie du péripartum prises en charge en milieu cardiologique à Parakou de 2012 à 2019 (n=58).

 

 

Fréquence

Pourcentage

Dilatation ventriculaire gauche

48

82,76

Hypertrophie ventriculaire gauche

09

15,52

Dilatation atriale gauche

03

05,17

Insuffisance mitrale fonctionnelle

34

58,62

Hypertension artérielle pulmonaire

17

29,31

Thrombus intracavitaire

02

03,45

Hydropéricarde

01

01,72

 

Tableau 3

Fréquence des anomalies biologiques observées chez les patientes victimes de cardiomyopathie du péripartum prises en charge en milieu cardiologique à Parakou de 2012 à 2019.

 

 

Total

Fréquence

Pourcentage

Taux d’hémoglobine < 11,5g/dL

28

12

42,86

Leucocyte>8G/L

28

07

           25

Plaquettes <150G/L

28

04

14,29

C-Réactive Protein > 6 mg/L

11

02

18,18

Glycémie à jeun >1,10g/L

26

03

11,54

Créatininémie > 14mg/L

34

11

32,35

Uricémie > 60 mg/L

34

05

14,71

TGO ≥ 45 UI/L

17

05

29,41

TGP ≥ 49 UI/L

17

04

23,53

Natrémie < 135mEq/L

32

04

12,50

Kaliémie < 3,5mEq/L

32

07

21,88

 

Tableau 4 

Classes pharmacologiques prescrites aux patientes victimes de cardiomyopathie du péripartum prises en charge en milieu cardiologique à Parakou de 2012 à 2019 (n=74).

 

Fréquence

Pourcentage

Diurétique de l’anse (Furosémide )

67

90,54

Epargneur potassique (Spironolactone)

22

29,73

Thiazidiques (Hydrochlorothiazide )

02

02,70

Inhibiteur de l’enzyme de conversion ou antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2

30

40,54

Digitalique (digoxine)

07

09,46

Antivitamine K

02

02,70

Anti-agrégant plaquettaire

27

36,49

Dérivé nitré

11

14,86

Cardiotonique (dopamine et/ou dobutamine)

05

06,76

Bêta-bloquant

39

52,70

Bromocriptine

03

04,05

Inhibiteur calcique

08

10,81

 

 

REFERENCES

 

1. Gouley BA, McMillan TM, Bellet S. Idiopathic myocardial degeneration associated with pregnancy and especially the puerperium. Am J Med Sci. 1937;18599.

2. Pearson GD, Veille JC, Rahimtoola S et al. Peripartum cardiomyopathy: National Heart, Lung, and Blood Institute and Office of Rare Diseases (National Institutes of Health) workshop recommendations and review. JAMA. 2000;283(9):11838.

3. Hibbard JU, Lindheimer M, Lang RM. A modified definition for peripartum cardiomyopathy and prognosis based on echocardiography. Obstet Gynecol. 1999;94(2):3116.

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