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Cas Clinique. Une tamponnade révélant une maladie de Still chez un jeune adulte: une association rare à propos d’un cas.

 

Clinical Report. Tamponade revealing Adult-Onset Still's Disease:

 a rare association about a case report.

 

M NDIAYE1, M DIENG2, M SOW2, M T DIOUF1, Y DIOUF1, M KA1, I KOUAMÉ1, F AW3,

A.A NGAÏDE1, M DIOUM4, S.A SARR3, A MBAYE1.

.

RESUME

La maladie de Still de l’adulte est une maladie systémique inflammatoire, de cause inconnue. La péricardite est l’atteinte cardiaque la plus fréquente mais la tamponnade est exceptionnelle. Nous rapportons une tamponnade révélant une maladie de Still chez un adulte jeune de 22 ans. Il a été hospitalisé pour une dyspnée, une douleur thoracique aigue et hypotension artérielle sur un fond d’arthralgies diffuses et de fièvre évoluant depuis un mois. L’échocardiographie confirma un épanchement péricardique avec collapsus de l’oreillette droite. La maladie de Still de l’adulte a été retenue sur les critères de Yamaguchi. L’évolution fut favorable après ponction péricardique et traitement par corticoïdes.

 

MOTS CLES

 

Maladie de still ; péricardite ; tamponnade, Afrique.

 

SUMMARY

 

Adult-Onset Still's Diseaseis a systemic inflammatory disorder of unknown cause. Pericarditis is the most frequent cardiac involvement but tamponade is exceptional. We report tamponade revealing Still's disease in a young adult of 22 years old. He was hospitalized for dyspnea, acute chest pain and hypotension associated with diffuse arthralgias and fever lasting for a month. Echocardiography confirmed pericardial effusion with collapse of the right atrium. Adult-Onset Still's Diseasewas retained according to Yamaguchi criteria. Evolution was favorable after pericardiocentesis and corticosteroids therapy.

 

KEY WORDS

 

Still’s disease; pericarditis; tamponade, Africa.

 

1: Service de cardiologie, hôpital général de Grand-Yoff, Sénégal.

2: Service de Médecine interne, hôpital Aristide-Le-Dantec, Sénégal.

3: Service de cardiologie, hôpital Aristide-Le-Dantec, Senegal.

4: Service de cardiologie, hôpital de Fann, Sénégal.

Adresse pour correspondance 

Dr Malick Ndiaye,

Service de Cardiologie, Hôpital Général de Grand Yoff, BP: 3270 - Dakar, Sénégal

E-mail: This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.

Mobile: 00221 777827634

 Email: This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.

 

INTRODUCTION

 

La maladie de Still de l’adulte est une maladie systémique inflammatoire de cause inconnue, décrite initialement chez l’enfant, à la fin du XIXème siècle. Elle est caractérisée par la  triade non spécifique associant une fièvre hectique élevée, une atteinte articulaire et une éruption cutanée évanescente. Parmi les nombreuses   manifestations  de  la  maladie, l’atteinte cardiaque est l’une des plus fréquentes [1]. Une péricardite est présente dans 40% des cas mais la survenue d’une tamponnade est exceptionnelle [1, 2, 3]. Nous rapportons une observation de tamponnade cardiaque révélant une maladie de Still chez un adulte jeune, noir africain.

 

OBSERVATION

 

 

Il s’agit d’un patient âgé  de 22 ans aux antécédents d’arthralgies des grosses articulations évoluant depuis plusieurs années. Il fut admis en hospitalisation au service de cardiologie de l’hôpital Général de Grand Yoff au mois de Décembre 2014. A son admission, il se plaignait d’une douleur thoracique aigue à type de point de côté aggravée par le décubitus dorsal et calmée par la position assise, buste penché en avant. Il notait également une exacerbation de ses arthralgies ayant débuté un mois plutôt. Elles étaient devenues plus diffuses mais non migratrices, axiales et périphériques, acrales et rhizoméliques intéressant à la fois les grosses et petites articulations incomplètement calmées par les antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. On notait une odynophagie, une altération progressive de l’état général, un amaigrissement d’environ 5 kilos et une fièvre d’environ 39°de plus de 15 jours, hectique avec des pics vespéraux. La fréquence cardiaque était accélérée à 130 battements/minutes, la pression artérielle était basse avec une différentielle pincée (85/70 mmHg). L’examen physique retrouvait une tachycardie auscultatoire régulière, une turgescence des veines jugulaires, une hépatomégalie douloureuse à surface antérieure régulière avec une flèche hépatique à 14 cm, une pâleur cutanéo-muqueuse, des micro-adénopathies axillaires et inguinales bilatérales, indolores et mobiles. L’examen rhumatologique notait une dizaine d’articulation douloureuses spontanément et à la mobilisation (coudes, chevilles, genoux, poignets) sans épanchement articulaire ni synovite. L’examen  ORL était normal. On ne notait pas d’éruption évanescente contemporaine ou non des pics fébriles.

L’électrocardiogramme inscrivait une tachycardie sinusale régulière, une hypertrophie auriculaire gauche, un sous décalage du segment PQ et un sus-décalage diffus et concave en haut du segment ST (figure 1). La radiographie thoracique de face montrait une discrète cardiomégalie à pointe sous-diaphragmatique.

L’échocardiographie objectivait  un épanchement péricardique de grande abondance (environ 17 mm) en regard de la paroi antérieure du ventricule gauche  et de l’oreillette droite (21mm) avec compression importante de l’oreillette droite (figure 2). Les valves étaient fines et par ailleurs, on notait une insuffisance tricuspidienne modérée et une hypertension artérielle pulmonaire à 46 mm Hg.

La ponction péricardique  avait  permis l’évacuation de 110 cc de liquide séro-hématique exsudatif, stérile. L’évolution immédiate  était marquée par une amélioration sur le plan hémodynamique avec une tension artérielle à 110 /80 mm Hg et une fréquence cardiaque à 97 cycles /minutes.

Devant cette péricardite et l’ensemble du tableau clinique associé, plusieurs diagnostics avaient été évoqués : une poussée de rhumatisme articulaire aigu, un lupus systémique à présentation cardiaque, articulaire, un syndrome d’hémophagocytose, une tuberculose multifocale à localisation péricardique, articulaire.

Sur le plan biologique il existait un syndrome inflammatoire biologique non spécifique avec une hyperleucocytose à 55.800 éléments /mm3 à  prédominance neutrophiles (93,3 %), une C-Reactive Protein élevée à 195 mg/L. On notait également une anémie hypochrome microcytaire 7,7 g/dl et une thrombocytose à 427.000 éléments /mm3. Les transaminases hépatiques étaient augmentées à 9 fois la normale pour l’Aspartate Amino Transférase (ASAT) et à 7 fois la normale pour l’Alanine Amino Transférase (ALAT) et il y avait une cholestase hépatique avec une élévation des gamma GT (262 UI/L), des Phosphatases Alcalines (638 UI/L)  et de la bilirubinémie conjuguée à 5 mg/L). Les triglycérides étaient isolément élevées à 1,35 g /L. L’examen cytobactériologique des urines, la goutte épaisse à la recherche de Plasmodium, les sérologies HIV1 et HIV2, l’antigène Hbs et les ASLO étaient négatifs. L’intradermo-réaction à la tuberculine était négative de même que la recherche systématique de bacille de Koch dans le liquide de tubage gastrique. Des hémocultures répétées étaient réalisées et avaient été négatives. Aucun sérodiagnostic n’avait été fait. Le dosage de la procalcitonine n’était pas disponible. La ferritinémie était  très élevée à 44304 ug/L dépassant plus 147 fois la limite supérieure de la normale, associée à un effondrement de sa fraction glycosylée (4% pour une normale supérieure à 50%) les anticorps nucléaires, anti-ADN natifs ainsi que la recherche du facteur rhumatoïde par le  test de Waaler-Rose étaient négatifs.

En l’absence d’arguments en faveur des autres hypothèses diagnostiques, la maladie de Still de l’adulte avait été retenue sur la base de ce faisceau d’arguments, et des critères de classifications proposées par critères de classification proposés par Yamaguchi et al (tableau 1)et beaucoup plus récemment ceux de Fautrel et al  (tableau 2).Une corticothérapie orale prolongée de 1 mg/kg/jour avait été instaurée. Au bout de 10 jours de traitement, l’évolution fut favorable avec une apyrexie stable, une disparition progressive des arthralgies, une nette régression des signes biologiques inflammatoires (globules blancs = 13420 éléments par mm3, granulocytes = 69,5%, CRP = 87,5 mg/L) et la disparition de l’épanchement péricardique.

 

 

 

DISCUSSION

 

 

La maladie de Still a été décrite chez l’enfant à la fin du XIXème siècle. Elle est rarement décrite chez le noir africain [4]. Son acceptation en tant qu’entité indépendante chez l’adulte est en grande partie due à Bywaters au début des années 1970 [5]. Il s’agit d’une maladie rare avec une incidence de 0,16 à 0,4 pour 100000 habitants et une prévalence de 1 à 24 par million d’habitants [6, 7]. Selon les études, l’âge moyen au moment du diagnostic varie de 27 à 36 ans avec des extrêmes de 16 et 83 ans [8, 9].

Au plan physiopathologique la maladie de Still se trouve au carrefour entre les maladies auto-immunes inflammatoires et l’activation lympho-histiocytaire résultant d’une prédisposition multifactorielle : l’association des antigènes HLA classe 1 (HLA-Bw35, -B17, -B18 et -B35)  avec les  antigènes  HLA de classe 2 (HLA-DQ1, -DR2, -DR4, -DR5 et -DRw6) [10]. Plus récemment, l’association avec certains polymorphismes de promoteurs de gènes codant pour l’interleukine-18, le macrophage migration inhibitory factor (MIF) et l’IL-6 a été décrite [11]. Certaines infections virales (rubéole, rougeole, entérovirus, herpes viridae dont CMV, EBV, et HHV-6, influenzae, para-influenza, parvovirus B19, adénovirus, virus des hépatites B et C) peuvent être des facteurs déclenchants. C’est le cas également des bactéries intra-cellulaires (Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, Yersinia enterocolitica, Brucella ou Borrelia burghdorferi) et de certaines affections néoplasiques comme les cancers solides (sein et poumon) ou les lymphomes qui pourraient décompenser une préactivation pathologique ou un défaut de régulation des effecteurs principaux de l’immunité cellulaire [12]. Ceci reflète la place importante de l’immunité innée dans la physiopathologie de la maladie de Still.

La clinique correspond essentiellement à 2 phénotypes actuellement bien individualisés : la forme systémique médiée par l’activation macrophagique prédominante et la forme articulaire chronique plus fréquente chez la femme qui, elle découle de l’activation prédominante des polynucléaires neutrophiles. L’atteinte cardiaque s’intégrant dans la forme systémique pourrait être la conséquence d’un déséquilibre cytokinique majeur en faveur de concentrations élevées d’IL-1beta, d’IL-18 et d’IFN-gamma. Notre patient présentait une forme mixte articulaire et systémique traduite par des arthralgies chroniques, la fièvre, la péricardite séro-hématique et une importante hyperleucocytose à 55800 globules blancs par mm3. Une hépatomégalie clinique, échographique ou tomodensitométrique est présente chez environ un tiers des patients, indolore et modérée sauf exception. Une élévation des aminotransférases est notée chez deux tiers des patients, souvent modérée. Une cholestase, et à fortiori un ictère, sont rares.

Une hépatopathie cytolytique aiguë ou subaiguë, parfois dramatique est possible, liée soit à la maladie soit aux thérapeutiques, et parfois associée à une CIVD ou/et un syndrome d’hémophagocytose. Les manifestations cardiaques fréquentes sont observées chez près d’un malade sur quatre. L’atteinte péricardique est largement dominante, présente dans 40% des cas et peut être possiblement révélatrice dans 10 à 30% [3, 5]. La péricardite peut être asymptomatique, de découverte fortuite à l’électrocardiogramme,  à la radiographie de thorax ou à l’échocardiographie au cours d’une maladie de Still de l’adulte [1]. Lorsqu’elle est symptomatique, on peut noter une douleur thoracique souvent au second plan et facilement contrôlée par les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou la corticothérapie, pouvant s’accompagner d’un épanchement pleural dans 60 à 80% des cas [1]. La péricardite est parfois présente lors de la poussée initiale de la maladie mais peut récidiver ultérieurement et quelques fois évoluer vers la constriction [13, 14]. On ne retrouve pas de facteurs prédictifs ou déterminants de la survenue de péricardite en cas de maladie de Still. La survenue d’une tamponnade lors de la poussée initiale de la maladie de Still de l’adulte comme chez notre patient est en revanche exceptionnelle [3, 6]. Le liquide péricardique est fréquemment séro-hématique, exsudatif et la biopsie péricardique, rarement effectuée ne montre qu’un aspect de péricardite aiguë non spécifique ou une péricardite chronique œdémateuse [1, 15]. Le retentissement sur les cavités cardiaques droites peut nécessiter un drainage péricardique comme chez notre patient. Le diagnostic de maladie de Still de l’adulte reste difficile même devant un tableau classique. Les critères de classification proposés par Yamaguchi et al [16]  (tableau 1) et beaucoup plus récemment ceux de Fautrel et al [17] (tableau 2) en font d’ailleurs un diagnostic d’exclusion. Selon les critères de Yamaguchi, notre patient avait 3 critères majeurs et 4 critères mineurs sans aucun critère d’exclusion. Et selon les critères de Fautrel, notre patient avait 5 critères majeurs et hyperferritinémie avec effondrement de sa fraction glycosylée est d’une aide importante au diagnostic dans certaines présentations comme dans notre observation [16]. Le traitement de la maladie de Still repose sur la corticothérapie et l’adjonction de méthotrexate dans les formes cortico-résistantes ou cortico-dépendantes [9]. Il est rare que les anti-inflammatoires non stéroïdiens, utilisés seuls, soient suffisants pour la contrôler. Les biothérapies occupent une place importante dans le traitement et les anti TNF alpha sont principalement indiqués dans les formes articulaires chroniques, réfractaires. L’Anakinra (anti IL1) du fait de son efficacité rapide est indiqué précocement dans les formes systémiques et le Tociluzimab (anti IL6) semble être efficace sur les formes systémiques et articulaires [9].

 

 

CONCLUSION

 

La maladie de Still de l’adulte est une affection systémique, multigénique, rare et de bon pronostic. Sa pathogénie la situe au carrefour nosologique entre inflammation et activation lympho-histiocytaire. La tamponnade y est une complication exceptionnelle et le plus souvent inaugurale. Dans le contexte tropical, malgré la fréquence des causes infectieuses de péricardite, il ne faut pas perdre de vue la possibilité d’une affection systémique comme la maladie de Still qui répond bien souvent à la corticothérapie.

 

Tableau 2

Score diagnostique proposé dans la maladie de Still selon B Fautrel et al [17]

 

Critères majeurs

Fièvre hectique > 39 °C

Arthralgies


Érythème fugace
                                                    

Pharyngite


Granulocytes neutrophiles > 80 %

 Ferritine glycosylée < 20 %

Critères mineurs

Éruption maculo-papuleuse

Leucocytes > 10000/mm3

Diagnostic retenu en présence d’au moins 4 critères majeurs ou en présence 3 critères majeurs et de 2 critères mineurs

 

Tableau 1 

Critères de Yamaguchi de la maladie de Still de l’adulte [16]

 

Critères majeurs

Fièvre ≥ 39 ◦ C, évoluant depuis 1 semaine ou plus

Arthralgies, évoluant depuis 2 semaines ou plus


Éruption cutanée typique maculeuse ou maculopapuleuse, non prurigineuse, rose-saumonée survenant pendant les pics fébriles


Leucocytose ≥ 10 000/mm3 et polynucléaires
neutrophiles ≥ 80 %

                                                             Critères mineurs

Douleurs pharyngées

Adénopathie et/ou splénomégalie clinique ou échographique

Augmentation des transaminases en dehors d’une toxicité médicamenteuse


Absence de facteur rhumatoïde et d’anticorps antinucléaires

                                                    Critères d’exclusion

Infections, notamment sepsis et mononucléose infectieuse

Affections malignes notamment lymphomes


Pathologies rhumatismales notamment périartérite noueuse et autres vascularites avec signes extra-articulaires

Diagnostic retenu en présence d’au moins 5 critères dont au moins 2 majeurs sans aucun critère d’exclusion

 

 

Figure 1: électrocardiogramme de surface montrant le sous décalage du segment PQ net en inféro-latéral (flèche rouge), associé au sus-décalage diffuse et concave en haut du segment ST (flèche bleue)

 

Figure 2: échocardiographie bidimensionnelle par voie trans-thoracique en coupe apical 4 cavités  montrant un épanchement péricardique en regard du ventricule gauche  et de l’oreillette droite  avec collapsus de l’OD . (flèches)

 

REFERENCES

 

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