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Cardiomyopathie du péripartum au service de cardiologie du CNHU-HKM, Cotonou, Bénin.

 

Peripartum cardiomyopathy at cardiology department of CNHU-HKM, Cotonou, Benin.

 

ADJAGBA PM1, VLAVONOU MID1, CODJO L2, SONOU A3, HOUNKPONOU AMOUSSOU-GUENOU M1, BOGNON R1, ASSANI MOUTAÏROU S1,TCHABI Y1, HOUÉNASSI MD1

.

RESUME

La cardiomyopathie du péripartum(CMPP) est une pathologie rare, responsable d’insuffisance cardiaque.

Objectif : Décrire les aspects cliniques, thérapeutiques et évolutifs de la cardiomyopathie du péripartum au service de cardiologie du CNHU-HKM de Cotonou.

Méthodes : Etude rétrospective transversale descriptive d’octobre 2011 à avril 2016.Les données sociodémographiques, cliniques, échocardiographiques, thérapeutiques et évolutives ont été dépouillées à partir des dossiers médicaux. Pour évaluer le devenir, les patientes ont été invitées par téléphone pour une réévaluation clinique et celles qui ne disposaient pas d’échocardiographie de suivi en ont bénéficié dans le même temps. L’analyse des données a été faite avec le logiciel Epi-data 3.1.

Résultats : Au terme la période d’étude, 38 patientes ont été incluses sur 1754 patients hospitalisés. La CMPP représentait donc 2,2% de l’ensemble des hospitalisations en cardiologie. Elle comptait pour 4,2% des causes d’hospitalisation de la femme et était responsable de 12,8% cas d’insuffisance cardiaque chez la femme. L'âge moyen des patientes était de 28,8 ± 6,6 ans. Les multipares représentaient 55,3% avec une parité moyenne de 2,5±1,6 enfants. L'insuffisance cardiaque globale était l’expression clinique dans 84,2% des cas. A l’échocardiographie, toutes les patientes présentaient une cardiomyopathie dilatée (DTDVG moyen de 35,2 ± 3,5 mm/m²) avec une altération de la fonction systolique du ventricule gauche (FEVG moyenne de 25,7 ± 8,4%). Le traitement était essentiellement fait de diurétiques et d’inhibiteur de l’enzyme de conversion. La durée moyenne d’hospitalisation était de 8,5 ± 5,6 jours. La mortalité globale était de 15,8%(6/38). Au bout d’une évolution moyenne de 21 ± 16,4 mois sous traitement médical, à l’évaluation clinique, 12(31,6%) patientes ne présentaient plus de signes congestifs.Le DTDVG a régressé significativement chez 14(36,8%) patientes (p= 0,006) et la fonction systolique du ventricule gauche était devenue normale chez 12(31,6%) autres. Il n’y avait aucun lien statistiquement significatif entre d’une part la FEVG initiale et la récupération de la fonction systolique et d’autre part entre la durée du traitement et la récupération de la fonction systolique du ventricule gauche.

Conclusion : La cardiomyopathie du péripartum est une cause de cardiomyopathie dilatée survenant au cours de la grossesse. Elle est un motif relativement fréquent d’hospitalisation dans le service de cardiologie du CNHU-HKM de Cotonou. Elle survient préférentiellement dans le postpartum quel que soit l’âge maternel. Le tableau clinique est celui d'une insuffisance globale. Dans notre série, son évolution s’est faite assez souvent vers la guérison sous traitement mais avec une mortalité importante.

 

MOTS CLES

Insuffisance cardiaque - grossesse - cardiomyopathie – postpartum - Bénin

 

SUMMARY

Background: Peripartum cardiomyopathy (PPCM) is a rare cause of heart failure.

Objectives: Describe the clinical, therapeutic and progressive aspects of cardiomyopathy.

Methods: Descriptive and retrospective cross-sectional study from October 2011 to April 2016. Sociodemographic, clinical, echocardiographic, therapeutic and outcome data were analyzed from medical records. Patients were contacted by telephone and those who did not have follow-up echocardiography were convened for this purpose. Data analysis was done with Epi-data 3.1 software.

Results: At the end of the study period, 38 patients were included out of 1754 hospitalized patients. The PPCM accounted for 2.2% of all hospitalizations in cardiology and for 4.2% of women's hospitalization causes and was responsible for 12.8% of heart failure in women. The mean age of the patients was 28.8 ± 6.6 years. Multiparas accounted for 55.3% with an average parity of 2.5 ± 1.6. Overall heart failure was clinical expression in 84.2%.On echocardiography, all patients had dilated cardiomyopathy (mean LVEDD 35.2 ± 3.5 mm /m²) with impaired left ventricular systolic function (mean LVEF 25.7 ± 8.4%).The treatment consisted mainly of diuretics, angiotensin converting enzyme inhibitor. The mean duration of hospitalization was 8.5 ± 5.6 days. Overall mortality was 15.8% (6/38). After an average evolution of 21 ± 16.4 months under medical treatment, at clinical evaluation, 12 (31.6%) patients had no congestive signs, LVEDD declined significantly in 14(36,8%)patients (p = 0.006) and left ventricular systolic function went back to normal normal in 12 (31,6%). There was no statistically significant relationship between baseline LVEF, duration of treatment, and recovery of left ventricular systolic function.

Conclusion: Peripartum cardiomyopathy is a cause of dilated cardiomyopathy occurring during pregnancy. It is a relatively frequent reason for hospitalization in the cardiology department of the CNHU-HKM of Cotonou. It occurs preferentially in the postpartum whatever the maternal age. Heart failure was the most common clinical presentation of PPCM. In our serie,  complete restitution of the LV function was observed under medical treatment despite high a mortality rate.

 

KEY WORDS

Heart failure, pregnancy, cardiomyopathy, postpartum, Benin.

 

 

1.Service de Cardiologie, CNHU-HKM, Cotonou, Université d'Abomey-Calavi (UAC), Bénin,

2.Centre Hospitalier Universitaire Départemental du Borgou et de l'Alibori, Parakou, Université de Parakou (UP), Bénin,

3. Centre Hospitalier Universitaire Départemental de l'Ouémé et du Plateau, Porto-Novo, Université d'Abomey-Calavi (UAC), Bénin.

Adresse pour correspondance

Dr. Philippe Mahouna Adjagba

Téléphone : +22997243282.

 Email : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.

 

INTRODUCTION

 

La cardiomyopathie du péripartum (CMPP) ou maladie de MEADOWS est une pathologie rare responsable d’insuffisance cardiaque. Elle est définie comme une cardiomyopathie dilatée survenant le dernier mois de la grossesse ou les 5 premiers mois du postpartum [1, 2]. Son incidence globale est estimée à 1/3000 à 1/4000 naissances avec une grande variété géographique [3]. Elle serait plus fréquente chez les femmes noires [4].Pourtant les études disponibles en Afrique noire, concernent de petits effectifs et ne permettent pas d’avoir des données épidémiologiques solides concernant cette affection. Ngamami et al. au Congo en 2014 avaient recensé 42 cas en 4 ans dans le service de cardiologie et de médecine interne du CHU de Brazzaville (Congo) [7], Pio et al. en 2014 au Togo avaient rapporté 41 cas en 27 mois dans le service de cardiologie du CHU Sylvanus Olympio de Lomé [9], et 5 cas sont rapportés par MANDJI LJM et al. sur 1 an à l’hôpital d’instruction des armées Omar BONGO ONDIMBA de Libreville [19].

Au Bénin, dans le service de cardiologie du Centre National Hospitalier et Universitaire-Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM) de Cotonou, en 2011, Eyissè a rapporté 21 patientes sur 5 ans [6].

Par ailleurs peu d’études réalisées en Afrique noire, se sont penchées sur le devenir à long terme des patientes ayant présenté une cardiomyopathie du péripartum.

Le but de ce travail était de décrire les aspects cliniques, thérapeutiques et évolutifs des CMPP chez les femmes suivies dans le service de cardiologie du Centre National Hospitalier et Universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM) de Cotonou.

PATIENTES ET METHODES

 

Il s’agit d’une étude rétrospective transversale descriptive ayant porté sur la période d’octobre 2011 à avril 2016 soit 4 ans et 7 mois. Nous avons inclus de façon exhaustive, les patientes hospitalisées pour CMPP après exclusion des causes de cardiomyopathie secondaire à l’aide des données cliniques et de l’échocardiographie. Tous  les dossiers médicaux devaient comporter un compte rendu d’échocardiographie confirmant le diagnostic initial. Le diagnostic de CMPP était retenu lorsque les patientes répondaient aux 4 critères diagnostiques du National Heart Blood and Lung Institute (NHBLI) [2] :

-          survenue d’une insuffisance cardiaque congestive dans le mois précédent ou dans les 5 mois suivant l’accouchement,

-          absence d’étiologie retrouvée à la cardiomyopathie malgré un bilan exhaustif,

-          absence de cardiopathie connue avant l’apparition des symptômes,

-          signes échographiques attestant de la dysfonction ventriculaire gauche avec FEVG <45% et/ou une fraction de raccourcissement <30% et/ou une dilatation cavitaire avec un diamètre télédiastolique ventriculaire > 2.7cm/m2de surface corporelle (SC).

Les données sociodémographiques, cliniques, échocardiographiques, thérapeutiques et évolutives ont été dépouillées à partir des dossiers médicaux. Pour évaluer le devenir, les patientes ont été invitées par téléphone pour une réévaluation clinique et celles qui ne disposaient pas d’échocardiographie de suivi en ont bénéficié dans le même temps. Les patientes non joignables ou qui ne disposaient plus d’information de suivi dans les dossiers médicaux étaient considérées comme perdues de vue. Les patientes décédées étaient celles pour lesquelles cette information était disponible dans leur dossier médical ou rapportée par les parents lors de l’appel téléphonique.

L’échocardiographie de réévaluation a été réalisée par un opérateur expérimenté, selon les recommandations de l’ASE [5] à l’aide de l’échographe HP HEWLETI Sono 2000.

Les paramètres suivants ont été recueillis :

-          diamètre télédiastolique du ventricule gauche (DTDVG) en incidence parasternale gauche long axe au niveau des cordages mitraux, en mode Time Motion (TM) guidé par l’examen bidimensionnel selon la méthode Teicholtz ;

-          la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) par mode TM en incidence parasternale gauche long axe au niveau des cordages mitraux ;

-          la présence ou non d’un contraste spontané ou d’un thrombus intracavitaire ;

-          la présence ou non d’un épanchement péricardique.

La fraction d’éjection du ventricule gauche à l’évaluation échocardiographique a été jugée normalisée lorsqu’elle était supérieure ou égale à 55%et non normalisée lorsqu’elle restait en dessous de 55%.

Le diagnostic d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) était retenu, lorsque la pression artérielle pulmonaire systolique mesurée à l’échocardiographie Döppler était supérieure ou égale à 35 mmHg. La mesure de la pression artérielle pulmonaire systolique était obtenue en additionnant le gradient de pression VD/OD (ventricule droit/ oreillette droite) obtenu par Döppler continu sur le flux de l’insuffisance tricuspide en incidence apicale des 4 cavités, à la valeur estimée de la pression de l’oreillette droite à partir des variations respiratoires de la veine cave inférieure.

La saisie et l’analyse des données ont été faites grâce au logiciel Epi-data version 3.1. Les données quantitatives ont été exprimées en moyenne ± déviation standard et les données qualitatives en pourcentage. Le test exact de Fisher a été utilisé pour tester d’une part l’existence d’un lien entre la FEVG initiale et la normalisation de la fonction systolique du ventricule gauche à la réévaluation et pour tester d’autre part l’existence d’un lien entre la durée du traitement et la normalisation de la fonction systolique du ventricule gauche à la réévaluation. Le test de Student pour séries appariées a été utilisé pour comparer le DTDVG initial et le DTDVG à la réévaluation d’une part et la FEVG initiale et la FEVG à la réévaluation d’autre part. Une valeur de p< 0,05 a été considérée comme statistiquement significative.

 

 

RESULTATS

 

 

Au cours de la période d’étude, 1754 patients ont été hospitalisés dans le service dont 914 femmes parmi lesquelles 296 cas d’insuffisance cardiaque. Parmi les 43 patientes hospitalisées pour cardiomyopathie du péripartum, nous en avons exclu 05 : 03 pour dossiers incomplets (absence d’échocardiographie de diagnostic initial) et 02 dont les symptômes ont débuté avant le dernier mois de grossesse. Nous avons inclus 38 patientes dans l’étude. La CMPP représentait 2,2% de l’ensemble des hospitalisations en cardiologie. Elle comptait pour 4,2% des causes d’hospitalisation de la femme et pour 12,8% des causes d’insuffisance cardiaque chez la femme.

 

Caractéristiques sociodémographiques, parité, gémelliparité et HTA gravidique

 

L’âge moyen des patientes était de  28,8 ± 6,5 ans, les extrêmes étant 18 et 44 ans. Dans 50% des cas, les patientes étaient âgées de 30 ans et plus.

Le tableau 1 résume, les caractéristiques sociodémographiques des patientes, leur parité, la gémelliparité et l’existence ou non d’une HTA gravidique ou une pré-éclampsie.

Présentation clinique

Les symptômes étaient apparus dans le postpartum chez 87,9% des patientes. La dyspnée était le symptôme le plus fréquemment rapporté. Le tableau 2, présente la répartition des symptômes et la présentation clinique à l’admission.

 

 

Données échocardiographiques

 

Lors du diagnostic initial, le diamètre télédiastolique moyen du ventricule gauche (DTDVG) indexé était de 35,2 ± 3,5 mm/m2(29-43 mm/m2). Les patientes dont le DTDVG indexé était supérieur à 32 mm/mm2 représentaient 75% de l’échantillon. Une hypokinésie globale du ventricule gauche était présente chez toutes les patientes. La fraction d’éjection moyenne du ventricule gauche (FEVG) était de 25,7 ± 8,4% (12-38%). La FEVG était abaissée, inférieure à 30% chez 50% des patientes. Les autres anomalies échocardiographiques étaient : une dilatation ventriculaire droite (26,3%), une hypertension artérielle pulmonaire (76,3%), un thrombus ou un contraste intracavitaire cardiaque (26,3%) et la présence d’un épanchement péricardique minime (50%).

 

Aspects thérapeutiques

 

Les médicaments les plus utilisés chez les patientes en phase aiguë, étaient : les diurétiques de type furosémide et spironolactone (respectivement 100% et 60,5% des patientes) et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (94,7%). La dobutamine a été utilisée chez 4 patientes en choc cardiogénique. Les bêtabloqueurs (bisoprolol), étaient utilisés chez 2 patientes. La bromocriptine, inhibiteur de la prolactine a été utilisée chez 2 patientes. L’anticoagulation à dose curative par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) a été faite en cours d’hospitalisation chez 5 (13,2%) patientes qui présentaient un thrombus intracavitaire. Toutes ces patientes ont bénéficié d’un relais par anti-vitamine K (AVK).

La planification familiale n’a été abordée que chez 50% des patientes avant leur sortie d’hospitalisation. Elle a été effective seulement chez 3 patientes (2 patientes ont bénéficié de stérilet et une de la mise en place de norplant).

 

Aspects évolutifs

 

Evolution en cours d’hospitalisation

 

Sur l’ensemble des patientes, 37 patientes étaient sorties au bout d’un séjour moyen de 8,5 ± 5,6 jours (3 - 25 jours).Une patiente est décédée en cours d’hospitalisation soit une mortalité intrahospitalière de 2,6%. Les complications sont survenues en cours d’hospitalisation chez 21,0 % : 4 cas (10,5%) de choc cardiogénique, 3 cas (7,9%) de complications thrombo-emboliques (01 embolie pulmonaire et 2 cas d’accident vasculaire cérébral ischémique sur thrombus intraventriculaire gauche).

 

Devenir post-hospitalisation

 

Sur les 37 patientes sorties d’hospitalisation, 17 (46,0%) ont été perdues de vue et 5 patientes sont décédées portant la moralité globale à 15,8% de l’échantillon.

Seules 15 patientes ont été revues pour la réévaluation clinique et échocardiographique.

A l’évaluation clinique réalisée après une durée moyenne d’évolution de 21 ± 16,4 mois (5 à 52 mois), 12 patientes (31,6%) ne présentaient plus de signes d’insuffisance cardiaque contre 3 (7,9%) qui gardaient encore des signes congestifs résiduels. Parmi les patientes revues pour réévaluation, seules 5 avaient poursuivi le traitement institué au-delà de 6 mois après l’hospitalisation.

A la réévaluation échocardiographique réalisée chez 15 patientes au bout d’un délai moyen de 21 ± 16,4 mois (5-52 mois), le DTDVG a régressé significativement (p= 0,006), chez 14 patientes (36,8%) tandis que la FEVG a augmenté, mais de façon non significative (p>0,05), chez 13 patientes (34,2%). La fonction systolique du ventricule gauche est devenue normale chez 12patientes (31,6%) alors que 3 patientes (7,9%) gardaient encore une dysfonction systolique.

Il n’y avait aucun lien statistiquement significatif entre d’une part la FEVG initiale et la récupération de la fonction systolique et d’autre part entre la durée du traitement et la récupération de la fonction systolique du ventricule gauche (tableau 3).

 

 

DISCUSSION

 

Aspects épidémiologiques de la CMPP

 

Selon les estimations l’incidence de la cardiomyopathie du péripartum varie de 1/ 4000 à 1/3000 naissances [3]. Bien qu’ayant une incidence faible, la CMPP semble plus fréquente chez les femmes de race noire, comme le montraient Brar SS et al. quirapportaient une prévalence 2,9 fois plus élevée chez les patientes noires américaines que chez celles de race blanche et 7 fois plus que chez les hispaniques [4].

La CMPP représentait 2,2% des hospitalisations et 4,2% des causes d’hospitalisation des femmes dans le service de cardiologie du CNHU-HKM de Cotonou. Elle représentait 2,2% des causes d’hospitalisation des femmes dans le même service en 2011 [6]. Ngamami SF et al. ont rapporté une fréquence hospitalière de 2,7% chez les femmes hospitalisées dans le service de cardiologie et de médecine interne du CHU de Brazzaville au Congo sur 42 cas en 4 ans [7].

Dans notre étude, la CMPP comptait pour 12,8% des causes d’insuffisance cardiaque chez la femme. En 2015, Codjo L et al. ont noté que la CMPP représentait 84% des causes d’insuffisance cardiaque au cours de la grossesse et en post-partum au CHUD de Parakou [8]. 

L’âge moyen des patientes était de 28,8 ± 6,6 ans. Ngamami S.F et al. ont rapporté un âge moyen de 30,8 ± 6,5 ans au CHU de Brazzaville [7]. Pio M et al. au Togo ont rapporté un âge moyen de 31,47 ans avec 60,97% de patientes âgées de 30 ans et plus [9]. Aux Etats-Unis, Sliwa K et al. ont rapporté un âge moyen de 30,7ans [10]. La CMPP peut survenir à tout  âge chez une femme en âge de procréer comme le montrent les données disponibles dans la littérature mais avec une fréquence accrue après 30 ans contrairement à nos résultats. L’âge maternel de plus de 30 ans est considéré comme un facteur de risque [10].

En dehors de l’âge, plusieurs facteurs de risque de la CMPP, ont été identifiés dans la littérature : il s’agit de la multiparité, de la gémelliparité, de l’HTA gravidique ou de la prééclampsie dont les fréquences étaient respectivement de 55,3%, 23,1%, et de 21,1% dans notre série. La multiparité rapportée, variait de 2,1 à 3,2 selon les séries [11, 9, 7,12].

Aspects cliniques

Dans 87,8% des cas, les symptômes étaient apparus dans le postpartum. Plusieurs auteurs ont rapporté des données similaires avec les symptômes apparaissant dans le postpartum chez 76 à 90% des patientes [6, 11, 7].  La dyspnée était le symptôme le plus fréquent chez nos patientes, comme retrouvée dans plusieurs séries [13, 9, 6, 7, 14].  Le tableau clinique était l’insuffisance cardiaque globale chez 84,2% de nos patientes. Ces données sont proches de celles rapportées par plusieurs auteurs [9, 7, 15]. Ces données expliquent une évolution progressive du tableau clinique d’insuffisance cardiaque gauche vers une insuffisance cardiaque globale, les patientes étant rarement vues au début de la symptomatologie.

 

Aspects échocardiographiques

 

La dilatation ventriculaire gauche était importante chez les patientes avec un DTDVG indexé de 35,2 ±3,5 mm/m2. Cette dilatation ventriculaire gauche importante avec un DTVG indexé supérieur à 32 mm/m2, est rapportée dans d’autres séries [9, 6, 7, 16]. Les patientes de notre étude avaient une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) moyenne de 25,7 ± 8,4%. La dysfonction systolique était sévère chez 50% des patientes avec une FEVG inférieure à 30%. Diverses valeurs moyennes de la FEVG ont été rapportées avec comme constance une altération sévère de la fonction systolique: Eyissè (24,4%  ± 6,4% à Cotonou, Bénin) [6], Fett JD et al. (24%à Haïti) [17], Sorel G et al.(28 ± 10% à Los Angeles aux USA) [16], et Chappa et al. (17,3 ±7% à Chicago aux USA) [14].

 

Aspects thérapeutiques et pronostiques

 

Le traitement en phase aiguë est dominé par l’utilisation des diurétiques (furosémide et spironolactone). Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion venaient en 2ème rang des médicaments les plus utilisés chez les patientes de l’étude. Cette attitude thérapeutique recommandée est retrouvée dans plusieurs études [18,19, 7]. Par contre la bromocriptine, un inhibiteur de la prolactine qui a fait la preuve de son efficacité dans un essai randomisé contrôlé [20], est peu utilisée chez les patientes.

Le pronostic de la CMPP est essentiellement lié à trois facteurs : la gravité de la défaillance hémodynamique initiale et sa réponse aux mesures thérapeutiques, les complications thrombo-emboliques et la récupération de la FEVG à distance de l’épisode aigu. La mortalité en phase aiguë est de l’ordre de 10 à 15% [4]. La mortalité globale dans notre étude était de 15,79%.Cette mortalité globale mérite d’être considérée avec un peu de réserve au regard de la proportion non négligeable de perdues de vue dans notre étude (45,95%). Dans la série prospective rapportée par Fet JD et al. à propos de 98 patientes, la mortalité globale était de 15,3% après un suivi moyen de 2.2 ans (1 mois- 5 ans) [17]. La mortalité rapportée dans les séries américaines sur la CMPP varie de 0 à 19% [21].

La proportion de patientes ayant récupéré une fonction systolique normale au bout d’une évolution moyenne de 21 ± 16,4 mois était de 31,6%. Cette proportion de récupération est conforme aux données de la littérature. La restitution ad integrum est observée chez la moitié des patientes (40 à 75% selon les études) et une stabilité  des  lésions  dans  un  tiers  des cas. Chez un petit nombre de patientes, la cardiomyopathie va s’aggraver progressivement conduisant à une insuffisance cardiaque réfractaire et au décès en l’absence d’assistance circulatoire ou de une transplantation cardiaque [17, 2, 22]. On considère qu’en l’absence de récupération au bout de 3 mois (6 mois pour NHLBI) les lésions sont irréversibles.

 

 

CONCLUSION

 

 

La cardiomyopathie du péripartum est une cause de cardiomyopathie dilatée survenant au cours de la grossesse. Elle est un motif relativement fréquent d’hospitalisation dans le service de cardiologie du CNHU-HKM de Cotonou. Elle survient préférentiellement dans le postpartum quel que soit l’âge maternel. Le tableau clinique est celui d'une insuffisance globale. Dans notre série, son évolution s’est faite assez souvent vers la guérison sous traitement mais avec une mortalité importante.

 

Tableau 1

Caractéristiques sociodémographiques des patientes

 

 

Effectif

%

Age (années)

<20      

20-29   

30-39  

≥ 40    

  1

18

16

  3

  2,6

47,4

42,1

  7,9

Parité

   

        Primipare

17

44,7

        Multipare

21

55,3

Gémelliparité

  9

23,7

HTA gravidique/Pré-éclampsie

  8

21,1

 

Tableau 2

Fréquence des principaux symptômes et des types d’insuffisance cardiaque observés.

 

 

Effectif

%

Symptômes

   

             Dyspnée

38

100,0

             Toux

26

68,4

             OMI

23

60,5

             Palpitations

  9

23,7

             Douleur thoracique

  9

23,7

Tableau clinique

   

             IC globale

32

84,2

             IC gauche

  6

15,6

IC : Insuffisance cardiaque ; OMI : œdème des membres inférieurs

 

Tableau 3

Répartition des patientes porteuses de CMPP, ayant normalisé ou non leur fonction systolique ventriculaire gauche en fonction de la FEVG initiale et de la durée du traitement.

 

 

Fonction systolique du VG normalisée

Fonction systolique du VG non normalisée

p

FEVG initiale

   

0,48

<30%

9

3

        30-44%

3

0

Durée du traitement

   

0,74

< 6 mois

8

2

>6 mois

4

1

                                                   FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; VG : ventricule gauche 

 

REFERENCES

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