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Evolution et facteurs pronostiques des cardiomyopathies du péripartum à Lomé.

  Evolution and prognostic factors of peripartum cardiomyopathy in Lome.  

PIO M1, AFASSINOU Y1,ATTA B1, KOUDEMA B M1, ,BARAGOU S., PESSINABA S,

SIMWETARE M, D’ALMEIDA K Y1, EHLAN K1,  GOEH-AKUE E1, DAMOROU F2.

.RESUME

Introduction et Objectif : la cardiomyopathie du péripartum (CMPP) est une affection grave et  plus fréquente chez la femme de race noire. Son évolution reste imprévisible.

Matériels et méthodes : Il s’est agi d’une étude transversale et descriptive sur une période  allant du 1er  janvier 2010 au 30 Septembre 2014. Elle a porté sur les patientes hospitalisées dans le service de cardiologie du CHU Sylvanus Olympio de Lomé pour CMPP. Ces patientes ont été suivies pendant  6  à 57 mois. L’évolution défavorable ou non de la CMPP était prononcée après 6 à12 mois de traitement. 

Résultats : L’âge moyen des patientes était de 31,1 ± 5,9 ans avec des extrêmes de 24 et 44 ans.  La parité moyenne était de 3,0 ± 1,6. Les multipares représentaient 80% des patientes. Vingt-trois patientes (47,9%) étaient en insuffisance cardiaque globale. Le délai moyen d’évolution des symptômes avant le diagnostic était de 31,6 jours (extrêmes de 6 et 90 jours). Le diagnostic a été fait chez 43 patientes (91,7%) après l’accouchement. La dilatation ventriculaire gauche (VG) était retrouvée chez 28 patientes (93,3%). La fraction d’éjection ventriculaire gauche moyenne était de 31,0 ± 8,1. L’évolution était marquée par 8,3% de décès (4 cas) et 39,6% de guérison (19 patientes).L’âge, la gestité, la parité, le délai symptômes-diagnostic, les diamètres du VG, la pression artérielle pulmonaire systolique et la durée d’hospitalisation étaient plus élevés chez les patientes non guéries que chez les guéries. La normalisation des paramètres échocardiographique a concerné plus rapidement la fonction systolique du VG que le volume ventriculaire.

L’évolution défavorable dépend surtout de la sévérité des lésions myocardiques initiales.

Conclusion : La cardiomyopathie du péripartum est une affection grave, mortelle mais guérissable.

MOTS CLES

Cardiomyopathie, péripartum, évolution, Lomé.

SUMMARY

Introduction and Objective: peripartum cardiomyopathy is a serious and common condition in the Black woman. Its evolution is unpredictable.
Materials and Methods: Cross sectional and descriptive study conducted from 1st January 2010 to 30th September 2014. It focused on patients hospitalized in the cardiology department of Sylvanus Olympio Teaching Hospital of Lome. These patients were followed for 6 to 57 months. The favorableevolution or not of the peripartum cardiomyopathy was pronounced after 6 to 12 months of treatment.
Results: The mean age of patients was 31.1 ± 5.9 years, ranging from 24 to 44 years. The mean parity was 3.0 ± 1.6. Multiparous represented 80% of patients. Twenty-three patients (47.9%) were in congestive heart failure. The average time to progression of symptoms before diagnosis was 31.6 days (range 6 to 90 days). The diagnosis was made in 43 patients (91.7%) after delivery. Left ventricular dilatation (VG) was found in 28 patients (93.3%). The average left ventricular ejection fraction was 31.0 ± 8.1. The evolution was marked by 8.3% of deaths (4 cases) and 39.6% cure rate (19 patients). Age, gravidity, parity, symptoms to diagnosis time, the diameters of the left ventricular, systolic pulmonary arterial pressure and length of hospital stay were higher in unhealed patients than among healed. Standardization of echocardiographic parameters concerned faster left ventricular systolic function than the ventricular volume. The unfavorable development mainly depends on the severity of the initial myocardial injury.
Conclusion: Peripartum cardiomyopathy is a serious, deadly disease but curable

KEY WORDS

Cardiomyopathy, peripartum, evolution, Lome.

 

1- Service de Cardiologie. Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio (CHU SO) de Lomé.

2- Service de Médecine Interne. Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio de Lomé.

Adresse pour correspondance :

Dr PIO Machihude

 Maître-Assistant. Service de Cardiologie du CHU Sylvanus Olympio de Lomé.

 BP : 14148 - Lomé-Togo.

Email : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.

 

INTRODUCTION

La cardiomyopathie du péripartum (CMPP) est plus fréquente chez les femmes de race noire [1-4]. Au Togo en 2012, la fréquence de la CMPP était de 1/362 accouchements et elle représentait 12,65% de l’ensemble des insuffisances cardiaques en milieu hospitalier [2, 3]. Pathologie hautement emboligène [1, 3-5], la CMPP peut évoluer vers des complications thromboemboliques, rythmiques avec  un risque de mort subite à tous les stades de la maladie. L’évolution peut également se faire vers une insuffisance cardiaque (IC) chronique réfractaire. Sous traitement bien conduit, l’évolution peut se faire vers la guérison complète [3- 6]. Au Togo, des études portant sur la CMPP [2, 3] ont été effectuées mais le profil évolutif de cette affection demeure encore mal connu. Nous avons donc effectué cette étude avec pour objectifs spécifiques d’évaluer les complications, les taux de guérison et de décès, les facteurs  pronostiques de la CMPP au Centre Hospitalier et Universitaire Sylvanus Olympio (CHU SO) de Lomé.

 

METHODOLOGIE

Cette étude s’est déroulée dans le service de cardiologie du CHU SO de Lomé au Togo. Il s’agit d’une étude transversale et descriptive allant du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2014.

Etaient inclus dans l’étude tous les dossiers des patientes hospitalisées chez qui le diagnostic de la CMPP a été posé. Le critère clinique principal de diagnostic de la CMPP était la survenue d’une  insuffisance cardiaque entre le huitième mois de la grossesse et  les cinq premiers mois  du post partum sans cause évidente.

L’échoDöppler cardiaque était indispensable pour retenir le diagnostic de la CMPP. A l’échoDöppler cardiaque, une FEVG inférieure à 55% et un diamètre télédiastolique ventriculaire gauche(DTDVG) supérieur à 55mmétaient considérés pathologiques. Les volumes cavitaires n’étaient pas indexés chez toutes les patientes. Les patientes devaient être suivies au minimum 6 mois après leur hospitalisation. Les diagnostics lésionnels inscrits dans les dossiers étaient respectés et retenus comme tels.

Protocole de l’étude

L’étude s’est déroulée en deux phases:

La première phase a consisté en la sélection des dossiers de CMPP  hospitalisées du 1er janvier 2010 au 30 avril 2014. Au cours de cette phase nous avons relevé les données concernant :

-          les aspects épidémiologiques: l’année de survenue de la CMPP, l’âge, la profession, la parité et la gestité de la patiente.

-          les aspects cliniques : nous nous sommes intéressés aux signes fonctionnels, aux circonstances de découverte, au mode de décompensation de l’IC, à la chronologie des signes par rapport à l’accouchement, à la durée des symptômes avant le diagnostic, au traitement institué et à son observance.

-          la radiographie du thorax: nous avons relevé le rapport cardio-thoracique et les anomalies pleuro-pulmonaires associées.

l’électrocardiogramme (ECG): nous avons noté les signes d’hypertrophie/dilatation cavitaire, les troubles de la repolarisation, les troubles de rythme et de la conduction.

-          l’échocardiographie-Doppler: Nous avons relevé la taille des cavités, les fractions d’éjection et de raccourcissement du ventricule gauche (VG), la cinétique des parois ventriculaires, la présence ou non de thrombus intracavitaire,  la présence ou non d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP).

La deuxième phase a duré 3 mois. Elle avait consisté en une convocation par voie téléphonique des patientes dont les dossiers avaient été sélectionnés. Nos critères de sélection nous ont permis de retenir 48 dossiers de patientes parmi lesquelles 4 étaient décédées et trois perdues de vue. Donc 41 patientes ont fait l’objet de la réévaluation. Les parents des patientes décédées en dehors du service de cardiologie  nous avaient fourni les circonstances, les dates et le lieu des décès. Chaque patiente vivante a fait l’objet d’un examen clinique surtout cardiovasculaire et a réalisé un ECG, une radiographie thoracique de face, une échocardiographie doppler.

L’interrogatoire recherchait le mode d’évolution des signes fonctionnels de la CMPP. Elle a enquêté aussi sur la survenue d’éventuelles complications, de récidives, sur l’observance thérapeutique, sur le revenu mensuel du foyer et sur la vie gynéco-obstétricale depuis le diagnostic de la CMPP.

                L’examen physique surtout cardiovasculaire a constitué en la recherche des signes physiques d’IC, des troubles rythmiques et d’éventuelles complications extracardiaques.

                Les ECG, les radiographies du thorax, les échocardiographies doppler étaient comparées aux premières explorations de diagnostic de la CMPP chez chaque patiente.

                L’évolution était appréciée sur des éléments cliniques et échocardio-graphiques. Elle se résumait en trois modalités : la guérison complète,  l’absence de guérison et le décès. La guérison complète était définie par la régression complète des signes d’IC associée à une fraction d’éjection ventriculaire gauche supérieure ou égale à 55%.A partir de l’aspect évolutif, nous avons regroupé les patientes en deux entités :les patientes guéries complètement (G1) et les patientes 

non guéries ou les patientes décédées (G2).Nous avons comparé les deux groupes G1 et G2 à partir des éléments épidémiologiques, cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutifs.

Les données ont été recueillies suivant une fiche d’enquête préétablie. La saisie et l’analyse des données ont été effectuées sur un microordinateur à l’aide du logiciel Epi Info version 3.5.4Les variables quantitatives sont présentées sous la forme de moyenne +/- écart-type. Elles ont été comparées par le test d’ANOVA. Les variables qualitatives sont présentées sous forme de nombres et de pourcentages. Elles ont été comparées par le test de Chi-2 de Mantel-Haenszel ou par le test exact de Fischer pour les effectifs inferieurs à 5.Le seuil de significativité statistique retenu dans notre étude est p< 0,05.

 

RESULTATS

Aspects épidémiologiques

Nous avons dénombré  48 cas de CMPP sur 4 ans soit une  moyenne  de 12 cas par an.Dans notre étude la CMPP représente 12,7% des ICet 22,7% des IC chez les femmes dans  le service.L’âge moyen des patientes  était de 31,1 ± 5,9 ans avec des extrêmes de 24 et 44 ans. La gestité moyenne des patientes était de 3,3 ± 1,8 (extrêmes 1 et 7). La parité moyenne était de 3,0 ± 1,6 (extrêmes 1 et 6).Cinq patientes (10,4%) avaient une grossesse gémellaire.Les multipares représentaient 80% des patientes. La prééclampsie était retrouvée chez cinq patientes (10,4%)(Et les circonstances des accouchements et de la délivrance ? non évoquées du tout). Dans cette étude, 70% des patientes vivaient dans un foyer dont le revenu mensuel était inférieur au salaire mensuel interprofessionnel garanti SMIG.

 

Aspects cliniques initiaux

 

Toutes nos patientes étaient symptomatiques (100%). La dyspnée était constante. Vingt patientes (41,7%) avaient une dyspnée stade III et 13 patientes (27,1%) avaient une dyspnée stade IV au moment du diagnostic. Le délai moyen d’évolution des symptômes avant le diagnostic était de 31,6 ± 25,6 jours (extrêmes 6à 90 jours).Le diagnostic a été fait chez 43 patientes (89,6%) après l’accouchement. Vingt-cinq patientes (52,1%) étaient en IC gauche et 23(47,9%) étaient en IC globale.

Toutes les patientes avaient une cardiomégalie à la radiographie du thorax et à l’ECG une hypertrophie ventriculaire gauche. L’hypokinésie pariétale globale et l’altération de la fonction systolique du ventricule gauche étaient constantes (tableau 1).

Les patientes avaient reçu un traitement composé: des mesures hygiéno-diététiques, de diurétiques de l’anse (furosémide), d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou d’un antagoniste des récepteurs l’angiotensine II, de bétabloquant de l’insuffisance cardiaque et d’une anti-aldostérone en fonction du partum, des données cliniques et échocardio-graphiques. L’anticoagulation curative était systématique chez toutes les patientes.

 

Aspects évolutifs

 

La durée moyenne d’hospitalisation était de 8,3 ± 2,9 jours avec des extrêmes de 4 et 15jours. Le délai moyen entre le diagnostic et l’évaluation était de 32,7 ± 16,1 mois(extrêmes  5 à 63 mois).En hospitalisation, nous avons retrouvé un cas d’embolie pulmonaire  et quatre cas de thrombus intraventriculaire gauche en apical.

Nous avons noté cinq cas de réhospitalisation pour nouvelle décompensation d’IC (en dehors d’une nouvelle grossesse) et pour une complication thromboembolique ; il s’était agi d’une embolie pulmonaire avec thrombose veineuse profonde étendue du membre inférieur droit. L’évolution clinique  a été favorable sous traitement.

L’évolution était marquée par 8,3% de décès (4 cas) et 39,6% de guérison (19 patientes). Parmi les quatre patientes décédées, nous avons retrouvé trois cas de mort subite à domicile et un cas d’IC réfractaire en hospitalisation.

Parmi nos patientes déclarées guéries et désirant fortement une autre grossesse, nous avons observé six nouvelles grossesses. Toutes ont décompensé leur insuffisance cardiaque au troisième trimestre. Une  a accouché prématurément d’un fœtus non viable à 7 mois. Cinq ont accouché par césarienne prophylactique. Une de ces 5 patientes est décédée en post-partum subitement. L’évolution a été rapidement favorable chez les autres sous traitement symptomatique de l’IC.

 

Comparaison des paramètres échocardiographiques

 

Quarante-une patientes ont été réévaluées. Dix-neuf (19) patientes (46,3%) n’ont pas normalisé leur diamètre télédiastolique du ventricule gauche (DTVG). Le diamètre télédiastolique moyen du VG à la réévaluation échocardiographique était de 55,0 mm ± 7,6  soit une amélioration de 10,4%.Trois patientes (7,3%) ont vu leur DTVG augmenter. Onze (26,8%) patientes ont eu un retour à la normale de leur DTVG.

La fraction d’éjection  du ventricule gauche (FEVG) moyenne était de 0,48 ± 0,15 (extrêmes de 0,14 et 0,67) soit une amélioration de 49,6%. La FEVG s’était normalisée chez 19 patientes (46,3%).Vingt-cinq patientes (61%) avaient amélioré leur FEVG. Six patientes (14,6%) n’ont pas amélioré leur FEVG. Trois patientes (7,3%) ont vu leur FEVG détériorée. Nous avons retrouvé un nouveau cas de thrombus intraventriculaire gauche. A la réévaluation échocardiographique, nous avons noté la disparition sous traitement anticoagulant des thrombi intracavitaires identifiés initialement.

 

Etude analytique de l’évolution des groupes de patientes guéries et non guéries.

 

Les patientes  guéries étaient au nombre de 19 (39,6%) et les patientes non guéries étaient au nombre de 22. La comparaison des deux groupes(G1)(G2) de patientes en fonction des paramètres épidémiologiques, cliniques, paracliniques, thérapeutiques et de l’évolution  a été résumée dans le  tableau 2. Les patientes non guéries avaient une parité, une gestité et un âge significativement plus élevées. Le délai symptômes-diagnostic était significativement plus élevé chez les patientes non guéries. Les patientes non guéries avaient un ventricule gauche significativement plus dilaté et une fraction d’éjection ventriculaire gauche significativement plus abaissée. Elles avaient une pression artérielle pulmonaire significativement plus élevée. Les patientes guéries avaient une meilleure observance thérapeutique et une durée d’hospitalisation plus courte.

 

DISCUSSION

 

Données épidémiologiques

 

L’âge moyen de nos patientes (31,1± 6,0ans) est proche de celui rapporté dans la littérature. Goeh-Akue au Togo [2], Somjot [7] aux Etats-Unis avaient respectivement rapporté un âge moyen de 30ans et de33ans. Dans la littérature la CMPP survient avec prédilection chez des femmes au-delà de 30ans. De même la gestité et la parité sont en moyenne respectivement de 3,3et3 [1-5, 8]. Même si la CMPP est décrite chez la primipare, elle est plus fréquente chez la multipare. Et un niveau socioéconomique faible est retrouvé dans la plupart des études africaines  consacrées à la CMPP [1-5].

 

Données cliniques

 

Toutes nos patientes étaient symptomatiques et la dyspnée était constante. Mais le diagnostic de la CMPP était posé à un stade avancé dû au retard de diagnostic. Le délai  moyen d’évolution des symptômes avant le diagnostic atteignait 90 jours. Modi [8] aux USA avait trouvé une durée moyenne d’évolution de 4,7 ± 7,9 semaines. La CMPP parait peu connue des médecins généralistes, des gynécologues et des sages-femmes au Togo comme dans nos pays d’Afrique noire. Les délais de diagnostic de la CMPP sont identiques aux nôtres [1-5]et le tableau de décompensation est souvent celui d’IC globale[1-5]. Aussi il serait intéressant de vulgariser cet adage lors des campagnes de sensibilisation dans nos pays : « la survenue d’une dyspnée chez une accouchée est un signe grave ».Médicalement il pourrait s’agir d’une anémie, d’une CMPP ou d’une embolie pulmonaire ou la décompensation d’une cardiopathie préexistante jusqu’alors compensée. Il faut signaler qu’il est plus difficile de poser le diagnostic de la CMPP en prépartum [8]. La dyspnée et les œdèmes des membres inférieurs  pourraient être confondus à l’asthénie et aux œdèmes des membres inférieurs de fin de grossesse.

 

Données paracliniques

 

Les signes radiographiques du thorax et électrocardiographiques n’ont pas de particularité dans cette étude. Il s’agit des signes habituels comme la cardiomégalie,  la tachycardie sinusale, les signes d’hypertrophie cavitaire [1-5].A l’échoDoppler cardiaque, les anomalies de la cinétique pariétale sont constantes dans toutes les séries comme dans notre étude.  Il s’agit  d’une hypokinésie pariétale globale [1, 3-5]. La dilatation des cavités cardiaques bien que fréquente n’est pas constante [1-3]. Il faut signaler que les premières définitions de la CMPP mettaient  l’accent sur la dilatation cavitaire: « Insuffisance cardiaque à cœur dilaté » [9-11]. Dans ce cas il faut indexer la taille à la surface corporelle. La taille du VG ne peut pas être identique chez des femmes ayant 1,5m2, 1,7m2, 1,9m2 de surface corporelle par exemple. D’où la nécessité d’indexer la taille ventriculaire gauche à la surface corporelle. Ceci ne fait pas partie des pratiques courantes. C’est pourquoi il vaut mieux se fier à la dysfonction systolique du VG qu’à la dilatation de ce dernier. La dysfonction ventriculaire gauche est l’élément fondamental du diagnostic de la CMPP [1, 2].

 

Données du traitement

 

Les traitements reçus par les patientes nous paraissent justifiés et adaptés à nos réalités et aux recommandations internationales [12, 13]. La CMPP demeure une maladie sujette à plusieurs hypothèses étiopathogéniques. De même la conduite à tenir est laissée l’appréciation du cardiologue et au consentement de la femme en ce qui concerne les grossesses ultérieures lorsque cette dernière est déclarée guérie du premier épisode. Donc chaque région doit avoir des expériences à travers un suivi à long terme pour apprécier les aspects évolutifs et pronostiques de la CMPP. Un recul de  2 ans minimum  nous parait tout à fait justifié puisque les guérisons sont normalement prononcées entre 6 à 12 mois suivant le diagnostic [12-14].

Aspects évolutifs et pronostiques

 

Le délai moyen entre le diagnostic et l’évaluation des patientes dans notre étude était de 32,7 ± 16,1 mois. L’évolution était marquée par 39,6%  de guérison dans notre étude.  Kane et al [1] en 2001 pour une durée de suivi de 1 à 18 mois de 26 patientes avaient obtenu un taux de guérison complète de 42,3%. C’est une preuve que la CMPP est une cardiomyopathie dilatée guérissable. Parmi les facteurs de mauvais pronostic dans notre étude, l’inobservance thérapeutique a été très déterminante. Les raisons sont dominées par la pauvreté. Le retard de consultation a été préjudiciable aussi pour les patientes. C’est l’occasion de rappeler que la CMPP fait partie de l’une des rares cardiomyopathies dilatées dont on peut guérir à condition d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge adaptée. Ces délais  de diagnostic longs expliquent la sévérité des lésions myocardiques constatées à l’échoDöppler cardiaque.

                Les facteurs de mauvais pronostiques échocardiographiques sont un DTDVG supérieur à 60mm ou une FEVG inférieure à 30% [15]. Parmi les 19 patientes déclarées guéries dans notre étude, 11(57,9%) patientes avaient leur VG toujours dilaté mais avec un retour à la normale de la FEVG. Les mêmes constats ont été faits par Mishra [16] et Sliwa [6]. Il se peut que le retour à la normale de la taille du VG nécessite plus du temps. Nous pensons réévaluer cette cohorte à cet effet.

Ankie  [17] aux USA sur une durée moyenne de suivi de 43mois avaient noté une amélioration de la FEVG chez 62% des patientes et une détérioration chez 4% des patientes. Dans notre étude le taux de récupération de la FEVG était à 46,3%contre 7,3% (3 patientes) de détérioration de la FEVG. Kane  [1] au Sénégal et Sliwa  [6] en Afrique du Sud  ont rapporté respectivement une récupération de la FEVG de 42,3% et 34%. Il apparait que la récupération porte d’abord sur les performances myocardiques que sur les tailles des cavités. Dans notre étude les améliorations et la normalisation étaient  nettement significatives par rapport à la FEVG qu’au DTDVG.

Les 4 cas de thrombus intracavitaire de notre série, ont évolué favorablement sous anticoagulation avec disparition de ces thrombi. Nous avions noté un nouveau cas de thrombus intracavitaire gauche chez une patiente non observant du traitement anticoagulant. Kane et al [4] avait aussi noté une disparition du thrombus et du contraste spontané après la mise sous traitement anticoagulant. Il n’avait pas noté de complication thromboembolique après la mise sous traitement anticoagulant. La présence de thrombus n’est pas associée au mauvais pronostic dans notre étude. Par contre une HTAP importante est significativement associée à un mauvais pronostic. D’après ce qui précède, un compte rendu échocardiographique d’une CMPP doit au minimum comporter la taille indexée des cavités, les indices de performance myocardique, le niveau des pressions pulmonaires, la présence ou non d’un thrombus.

                Outre les paramètres échocardiographiques, l’inobservance thérapeutique et les retards de diagnostic d’une part, l’âge avancé des patientes, la gestité élevée, et  la multiparité d’autre part, ont été les facteurs de mauvais pronostic. Les autres facteurs pronostiques rapportés dans la littérature sont: les complications thromboemboliques, la survenue des troubles du rythme, l’appartenance à la race noire [1-6].

                Le taux de décès dans notre étude était de 8,3%. Les taux de décès rapportés dans la littérature depuis 2000 sont inférieurs à 20% [1 –5]. Les études des années 80 et d’avant ont rapporté des taux de mortalité très élevés de 85% [9-10] donc 9 à 10 fois les taux de décès actuel. La baisse significative du taux de mortalité aujourd’hui peut s’expliquer par une meilleure connaissance de la maladie, les campagnes de sensibilisation et surtout les progrès thérapeutiques. L’utilisation des IEC et des bétabloquants ont amélioré le profil évolutif des cardiomyopathies dilatées et donc des CMPP. Etant donné que la guérison complète soit possible dans plus de 50% des cas des CMPP vues tôt et bien traitées, il convient de sensibiliser nos populations et tous les agents médicaux et paramédicaux pour des diagnostics précoces. Le véritable problème aujourd’hui devrait être celui des femmes désireuses d’avoir une autre grossesse lorsque la CMPP est déclarée guérie. Notre expérience nous a permis d’être plus optimistes chez les femmes guéries. Nous pensons qu’il faut donner une chance aux primipares guéries et chez qui le désir d’avoir un second enfant est très fort. Ces femmes feront l’objet d’une surveillance particulière et vont subir une césarienne prophylactique. Mais la grossesse doit être totalement déconseillée chez les multipares et chez les femmes ayant plus de 30ans. Rappelons que le pronostic obstétrical est médiocre. Une défaillance cardiaque survient dans 50 à 80% des cas lors des grossesses ultérieures, avec une mortalité qui peut atteindre 60% [18, 19].

 

Tableau 1

 

Données échocardiographiques initiales.

 

 

Moyennes ± Ecart-types

Extrêmes

DTDVG (mm)

62,4 ± 5,5

52-75

DTSVG (mm)

52,6 ± 7,1

32-62

DOG (mm)

42,1 ± 6,4

31-52

FEVG (%)

31,0 ± 8,1

15-50

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DTDVG : Diamètre Télédiastolique du Ventricule Gauche ; DTSVG : Diamètre Télésystolique du Ventricule Gauche ; DOG : Diamètre télésystolique de l’Oreillette Gauche ; FEVG : Fraction d’Ejection du Ventricule gauche

 

CONCLUSION

 

La cardiomyopathie du péripartum est ubiquitaire  mais reste plus fréquente chez la femme de race noire.  Elle survient préférentiellement en post-partum. L’évolution  peut être  favorable avec guérison complète de la patiente après six mois de traitement bien conduit. Les facteurs de mauvais pronostic retrouvés dans cette étude sont dominés par le retard diagnostique, la sévérité des lésions myocardiques au moment du diagnostic et la mauvaise observance thérapeutique. Les récidives lors d’une nouvelle grossesse sont fréquentes et imprévisibles chez des patientes antérieurement déclarées guéries. Les nouvelles grossesses sont contre-indiquées chez les femmes non guéries et fortement déconseillées chez les multipares guéries.

Tableau 2

 

Analyse comparative des groupes des patientes guéries et non guéries

 sur le plan épidémiologique, clinique, paraclinique et évolutif.

 

 

G1

G2

   P

Age (ans)

32,1 ±  5,4

37,1 ± 6,0

0,0450

Gestité

2,7 ±   1,5

4,4 ± 2,1

0,0301

Parité

2,4 ±  1,3

3,9 ± 1 ,7

0,0310

IC gauche

8

14

0,4400

IC globale

6

13

0,2077

Diagnostic postpartum

9

13

0,1748

Délaisymptômes-diagnostic

17,89 ± 11,13

42,44 ± 30,27

0,0291

Insuffisance rénale modérée

-

3

-

Troubles de repolarisation

10

15

0,8784

Tachycardie

11

17

0,5328

DVG diastolique (mm)

58,0 ± 2,2

64,4 ± 6,1

0,0068

DVG systolique (mm)

49,2 ± 6,3

55,4 ± 5,4

0,0172

FEVG

37,1 ± 9,2

28,0 ± 6,4

0,0082

Thrombus

-

4

-

PAPS

31,1±18,1

54,7±18,6

0,0090

Durée d’hospitalisation (jour)

5,9 ± 1,1

9,4 ± 3,0

0,0030

CTE

-

5

-

Bonne observance

24

17

0,0149

 

REFERENCES

1-Kane A, Dia AA, Diouf A, Dia D, Diop IB, Faye EO. La myocardiopathie idiopathique du peripartum. Etude prospective échographique. Ann CardiolAngeiol 2001; 50:305-11.

2-GoehAkue KE, Assou K, Kossidze K, Akpadza K. Peripartummyocardiopathy in Lome (Togo). Int J Cardiol 2012; 157: 12-3.

3-Pio M, Afassinou Y, Baragou S, GoehAkue E, Pessinaba S, Atta B, Ehlan K, Alate A, Damorou F. Particularités de la cardiomyopathie du péripartum en Afrique : cas du Togo sur une étude prospective de 41 cas au Centre Hospitalier et Universitaire SylvanusOlympio de Lomé. Pan Afr Med J 2014 ; 17: 245.

4-Kane A, Mbaye M, Ndiaye MB, Diao M, et al. Évolution et complications thromboemboliques de la myocardiopathie idiopathique du péripartum au CHU de Dakar: étude prospective à propos de 33 cas. Journal de Gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction 2010; 39: 484-9.

5-Zabsonre, P, Bamouni J. et al. Facteurs étiologiques et pronostiques des cardiomyopathies du post-partum. Cardiol trop 2000; 26 : 75-7.

6-Sliwa K, SkudickyD, BergmannA, Candy G, PurenA, Sareli P. Peripartum cardiomyopathy: analysis of clinical outcome, left ventricular function, plasma levels of cytokines and Fas/APO-1. J Am collcardiol 2000; 35: 701-5.

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