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Particularités épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives des syndromes coronaires aigus à Libreville, Gabon, 2013-2019.

 

Epidemiological, clinical, therapeutic and outcome particularities of acute coronary syndrome in Libreville, Gabon, 2013-2019.

 

 

E AYO BIVIGOU1,2 ,C ALLOGNON MAHUTONDJ 1,2 , F MOUBAMBA1,,JB MIPINDA1,2 , F NDOUME1,2,

C AKAGHA KONDÉ1,2, L NDJIBAH ALAKOUA1,.

 

 

RESUME

 

 

Contexte : Les données publiées sur les syndromes coronaires aigus (SCA) au Gabon sont rares.

Objectif : l’objectif de ce travail était d'étudier les particularités épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives des SCA dans le service de cardiologie du Centre Hospitalier Universitaire de Libreville.

Patients et méthode : Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive, à visée analytique, menée de janvier 2013 à décembre 2019. Elle portait sur l’ensemble des dossiers de patients avec un diagnostic de SCA.

Résultats : Au total, 75 (2,2%) cas ont été relevés sur les 3352 patients admis. L'âge moyen était de 54,4 ± 10,7 ans. Les facteurs de risque cardiovasculaire modifiables étaient dominés par l'hypertension artérielle (70,7 %). Le délai moyen entre l’apparition des premiers signes cliniques et la prise en charge en cardiologie était de 78,5 ± 62,4 heures. Le diagnostic était un SCA avec un sus-décalage du segment ST dans 53,3 % (n=40) des cas. L’insuffisance cardiaque était la principale complication relevée dans 40% des cas. Deux patients avaient été thrombolysés et une angioplastie tardive avait été réalisée chez 23 (30,7 %) autres patients. La mortalité était plus élevée chez les patients diabétiques (23,3 %) comparés aux non diabétiques (4,4 %) (p = 0,02).

Conclusion : Les patients présentant un SCA étaient relativement jeunes. Les longs délais de prise en charge expliquent les taux élevés de létalité et d'insuffisance cardiaque. Des mesures importantes doivent être mises en œuvre pour une prise en charge optimale de cette pathologie.

 

 

MOTS CLES

Syndrome coronarien aigu, épidémiologie, traitement, évolution.

 

 

SUMMARY

 

 

Background: Data on the presentation and management of acute coronary syndrome (ACS) in Gabon are scarce.

Aim: Our purpose was to assess epidemiological, clinical, therapeutic, and outcome aspects of ACS in the department of cardiology at the University Hospital Center of Libreville. Patients and method: This is a descriptive and retrospective study conducted from January 2013 to December 2019. The study focused on the analysis of all 75 files of patients hospitalized for acute coronary syndrome.

Results: A total of 75 (2.2%) cases were identified among the 3352 patients admitted. Their average age was 54.4 ± 10.7 years. Modifiable cardiovascular risk factors were dominated by high blood pressure (70.7%). The average time from the onset of the first clinical signs to admission in cardiology was 78.5 ± 62.4 hours. The diagnosis was an acute coronary syndrome with a ST-segment elevation in 53.3% (n=40). The most common complication observed was heart failure (40%). Two patients underwent thrombolysis and late angioplasty was performed in 23 (30.7%) others patients. Mortality was higher in diabetic patients (23.3 %) compared to non-diabetics (4.4%) (p = 0.02).

Conclusion: Patients with ACS were quite young, but the delay for management is extremely long. This explains high rates of mortality and heart failure. Important measures need to be implemented for optimal management of this pathology.

 

 

KEY WORDS

Acute coronary syndrome, epidemiology, treatment, outcome.

 

 

 

1. Service de cardiologie, Centre Hospitalier Universitaire de Libreville (CHUL).

2. Département de Médecine Interne et Spécialités Médicales, Faculté de Médecine de Libreville.

 

Adresse pour correspondance

Elsa AYO BIVIGOU

BP 3125 Libreville/ Gabon

Tel : 00 241 66 30 41 66

Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

L'Organisation mondiale de la santé prévoit que d'ici 2030, la mortalité causée par les maladies neurovasculaires et les cardiopathies ischémiques dépassera celle du VIH/Sida et représentera plus de 20 % du nombre total de décès en Afrique [1,2]. Cette prévision est étayée par la flambée des facteurs de risque cardiovasculaire (FRCVR) traditionnels couplée à celles de facteurs particuliers tels que l’infection à VIH et les effets secondaires du traitement antirétroviral [1-3]. Le syndrome coronarien aigu (SCA) est une des entités de la cardiopathie ischémique largement décrite dans les pays développés et de plus en plus rapportée en Afrique subsaharienne (ASS) [5-12]. Il s’agit d’une urgence vasculaire dont le pronostic dépend principalement de la rapidité de la reperfusion coronaire [13-14]. Alors que la morbi-mortalité des SCA a considérablement diminué dans les pays à revenu élevé, de nombreuses séries hospitalières d’Afrique Sub-sahariennes (ASS) rapportent des difficultés de prise en charge et des taux de létalité particulièrement élevés notamment à Ouagadougou [7,11-12]. Au Gabon, les données sur cette pathologie sont anciennes. Une étude réalisée en 1996 au Centre Hospitalier Universitaire de Libreville (CHUL) rapportait une prévalence hospitalière relativement faible (0,6 %) avec une mortalité de l’ordre de 17 % [15]. Le but de ce travail était de réactualiser les données épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives de cette pathologiedans notre contexte.

 

 

METHODES

 

 

Il s’est agi d’une étude transversale rétrospective à visée analytique menée dans le service de cardiologie du CHUL, hôpital de référence nationale dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires (MCV). Tous les dossiers de patients pour lesquels le diagnostic de SCA a été retenu au cours de la période allant de janvier 2013 à décembre 2019 ont été analysés. Ce diagnostic était confirmé en présence de signes cliniques évocateurs d’ischémie myocardique (douleur d’allure angineuse persistante) et/ ou électrocardiographiques (sus décalage du segment ST, sous décalage du segment ST ou ischémie sous épicardique localisés à un territoire) et-/ou associés ou non à une élévation de la troponinémie. Les dossiers de patients pour lesquels le diagnostic était douteux en l’absence d’électrocardiogramme (ECG) ou de dosage des marqueurs de nécrose myocardique n’avaient pas été inclus. Les données évolutives à trois mois ont été recueillies dans les dossiers de consultation externe du service de cardiologie.

Les variables relevées étaient :

-          cliniques l’âge, le sexe, les FRCV, le délai de prise en charge en unité de soins intensifs de cardiologie, la notion d’errance diagnostique, les antécédents vasculaires personnels de douleur angineuse, de pathologie rétrovirale traitée ou non, le motif de consultation et les trouvailles de l’examen clinique à l’admission

-          biologiques (marqueurs de nécrose myocardique, fonction rénale, taux d’hémoglobine, acide urique, NT-proBNP, glycémie à l’admission, bilan lipidique, transaminases, sérologie VIH, C réactive protéine)

-          électrocardiographiques (troubles de la repolarisation, du rythme et de la conduction) et échocardiographiques (cinétique segmentaire, fraction d’éjection ventriculaire gauche, présence d’un thrombus intracavitaire ou d’un épanchement péricardique) ;

-          thérapeutiques : réalisation d’une thrombolyse, traitement médical conventionnel, angioplastie tardive ;

-          évolutives : complications, décès intra hospitaliers et à 3 mois.

Le délai de prise en charge était défini comme le temps écoulé entre l’apparition des symptômes initiaux et l’administration des soins en cardiologie. Ce délai était considéré comme tardif au-delà de 12 heures. La notion d’errance diagnostique était retenue en présence d’une consultation préalable dans une structure médicale n’ayant pas permis de poser le diagnostic de SCA. L’hyperglycémie était définie par une glycémie à l’admission supérieure à 11 mmol/l .L’anémie était retenue pour un taux d’hémoglobine inférieur à 13 g/dl pour l’homme et 12 g/dl pour la femme.

Les données étaient traitées et analysées à l’aide des logiciels Excel et Statview. Les variables quantitatives et qualitatives étaient présentées sous forme  respectivement de moyenne +/- écart type et d’effectifs et pourcentage. En analyse bivariée, la comparaison entres les variables qualitatives avait été effectuée à l’aide du test de Chi2. Une valeur de p < 0,05 était considérée comme statistiquement significative.

 

 

RESULTATS

 

 

Prévalence  

 

Le diagnostic de SCA avait été retenu chez 75 (2,2%) patients sur les 3352 admis dans le service de cardiologie au cours de la période d’étude. Une augmentation progressive du nombre annuel de cas (Figure 1) a été relevée avec une prévalence passant de 1,3 % en 2013 à 3,4 % en 2019. Les types de SCA les plus fréquemment observés étaient les SCA avec sus-décalage du segment ST (SCA ST+) (n=43, 57,3 %). Les SCA sans sus décalage du segment ST (SCA ST-) se répartissaient en 23 (30,7%) infarctus sans onde Q et 9 (12%) angors instables.

 

Caractéristiques sociodémographiques

 

L'âge moyen des patients était de 54,4 ± 10,7 ans avec des extrêmes de 28 ans et 74 ans. Le sex-ratio H/F était de 2,12. Il n’y avait pas de différence significative entre les types de SCA et en fonction du genre (p= 0,64). Les patients étaient caucasiens dans 9,3% des cas tandis que 2,7% étaient des autochtones.

 

FRCV

 

La distribution des FRCV au sein de la population de patients ayant présenté un SCA figure dans le tableau 1. L’obésité était retrouvée dans 41 (54,7 %) cas. Tous (100 %) les sujets de moins de 40 ans étaient desfumeurs contre 32,5% dans le groupe des patients de plus de 40 ans (p<0,01). La consommation moyenne de cigarettes était de 20 ± 9,3 paquets/an. Le nombre moyen cumulé de FRCV modifiables était de 3,03 ± 1,3. Un cumul d’au moins respectivement 3 et 5 FRCV était retrouvé chez 43(57,3%) et 9 (12%) des patients.

 

Antécédents vasculaires

 

Ils étaient retrouvés chez 13 (17,3%) patients et répartis en sept coronaropathies, quatre accidents vasculaires cérébraux et deux artériopathies oblitérantes des membres inférieurs.

 

Aspects cliniques

 

Une douleur de type angineuse avait été rapporté chez 24 (32%) patients avec une errance diagnostique dans 15 cas (20%). Le délai moyen de prise en charge était de 78,5 ± 62,4 heures, avec des extrêmes allant de 2 heures à 168 heures. Il était considéré comme tardif chez 68 (90,7 %) patients. Ce retard était plus fréquent dans le genre féminin (100 %) comparé au genre masculin (86,3 %) (p = 0,06). Parmi les SCA ST +, 12 (27,9 %) patients ont été pris en charge dans un délai de 6 heures. Le motif de consultation le plus fréquent était une douleur thoracique persistante rapportée dans 68 cas (90,7 %) suivie de la dyspnée (30,7 %). Des douleurs épigastriques et des troubles digestifs (nausées, vomissements) étaient relevés respectivement dans 1(1,3 %) et 6 (8 %) cas. Une poussée hypertensive et un tableau d’insuffisance cardiaque (IC) inaugural étaient objectivés dans respectivement 28 (37,3 %) et 12 (16%) des cas. Un (1,3%) patient  avait été admis dans un tableau de choc cardiogénique.

 

Paramètres biologiques

 

Les caractéristiques biologiques des patients sont présentées dans le tableau 2. Une altération de la fonction rénale avait été relevée dans 19 (25,3 %) cas dont 3 (4 %) avec une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min. Une anémie et une hyperglycémie avaient été identifiées chez respectivement 25 (33,3 %) et 26 (34,7 %) patients. Une sérologie VIH avait été réalisée de façon systématique chez 52 (69,3%) patients dont 4 (7,7%) étaient positives. Trois patients étaient sous traitement antirétroviral (ARV) dont un depuis plus de 10 ans.

 

Paramètres électrocardiographiques et échocardiographiques 

 

 Les anomalies  électrocardiographiques étaient retrouvées dans les territoires suivants : antérieur étendu (n=24, 32,0%), antéroseptal (n=6, 8%), antéroapical (n=3, 4%), apicolatéral (n=11, 14,7%), inférieur (n=26, 34,6%), latéral (n=3, 4,0%) et septal profond  (n=2, 2,7 %). Une onde Q de nécrose et un bloc de branche gauche complet étaient présents à l’admission chez respectivement 18(24%) et 1(1,3%) patients. L’échocardiographie-Doppler était normale dans 16 (13,2%) cas. Les anomalies étaient représentées par une hypokinésie ou akinésie segmentaire, une cardiopathie hypertrophique d’origine hypertensive et une cardiomyopathie dilatée dans respectivement  55(73,3%), 4 (5,3%) et 13 (17,3%) des cas. La FEVG moyenne était de 44,6 +/-12,9 % et une FEVG inférieure ou égale à 35% était retrouvée chez 17 (22,7%) patients.

 

Prise en charge et évolution

 

Parmi les 12 SCA ST+ admis dans un délai de 6 heures, deux (16,6 %) avaient bénéficié d’une thrombolyse, ce qui représentait 4,6 % de l’ensemble des SCA ST+. Sauf contre-indication, tous les patients avaient reçu un traitement médical standard associant un bêtabloquant, une double antiagrégation plaquettaire par clopidogrel et acide acétyl salicylique, une statine, un inhibiteur de l'enzyme de conversion ou un inhibiteur de l'angiotensine II. Une anticoagulation par héparine était également administrée avec un relai par un traitement antivitamine K en cas de thrombus intraventriculaire gauche ou de fibrillation atriale. Le tableau III résume l'évolution intrahospitalière et les causes de décès. La mortalité était significativement plus élevée chez les patients diabétiques (23,3 %) comparés à ceux indemnes de diabète (4,4 %) (p = 0,02) et chez les patients présentant une insuffisance rénale légère à sévère (36,8 %) par rapport à ceux ayant une fonction rénale normale (3,8 %) (p<0,01). Elle n’était pas significativement différente en fonction du genre (p=0,12), de la présence d’une IC (p=0.66) ou d’une anémie (p=0,95). La durée moyenne d'hospitalisation était de 9,1 ± 6,2 jours. En l'absence d’une salle de cathétérisme fonctionnelle à Libreville, 26 (34,7%) patients avaient été évacués secondairement. Une angioplastie tardive a été réalisée chez 23 (88,5) patient et un pontage aorto-coronaire dans un cas (3,8%). La mortalité à 3 mois était de 14,7% et concernait 11 (27,5%) des 40 patients non revascularisés. Neuf patients (12 %) étaient perdus de vue. Tous les patients revascularisés étaient vivants après trois mois de suivi.

 

 

 

DISCUSSION

 

 

La réalisation de ce travail au CHUL a permis de mettre à jour les données hospitalières sur cette urgence vasculaire longtemps considérée comme rare au Gabon. La prévalence du SCA a été multipliée par cinq au cours des 20 dernières années, passant de 0,6 % en 1996 à 3,4 % en 2019 [14]. Cette croissance corrobore les résultats d’autres unités de cardiologie en ASS [6, 7,10-12]. Cependant, la prévalence observée reste nettement inférieure à celle rapportée à Abidjan (13,5%) [7]. La prédominance masculine est constante dans la littérature [1-2,5-7,13,16-17]. L’âge moyen des patients (54,3 ans) est proche de celui rapporté par de nombreuses autres études d’ASS qui varie entre 54.3 ans et 58,4 ans [1,2,5,7,13,16-17]. Cette tranche d’âge diffère des données européennes et d’Afrique du Nord avec un âge moyen constamment supérieur à 60 ans [14-19]. Aussi, la proportion de sujets de moins de 40 ans au CHUL (12 %) était deux fois plus importante que celle rapportée à Dakar (6,8 %) [8]. Ces données témoignent du défi socio-économique que peut représenter cette pathologie touchant les jeunes de Libreville.

Les FRCV modifiables relevés sont ceux couramment décrits dans la littérature [5,7,15,9-11,20]. Le taux de prévalence élevé de l’hypertension artérielle (HTA) rapporté au CHUL (70,7 %) est en concordance avec l’ensemble des études d'ASS qui rapportent des taux constamment supérieurs à 50 % [4,7,8,15,20-21]. Aussi, dans l'étude INTERHEART Africa, ce facteur est le plus fortement corrélé (OR 3,44) au risque de développer un SCA dans la population noire africaine [10]. Ainsi, la lutte contre l'HTA reste l'une des approches majeures pour la prévention du SCA à Libreville. Dans ce travail, la prévalence de l'obésité (54,7 %) était également plus élevée que dans d’autres villes Africaines tel qu’à Shisong et à Cotonou où des taux respectifs de 30,6% et 26,4% sont rapportés [5,20]. Les données publiées sur la prévalence de l’obésité dans la population Gabonaise sont très rares. Néanmoins, une étude réalisée en  2012 à Libreville rapportait un taux de 13 % chez dans une population adulte [22]. Ces données démontrent l'intérêt de sensibiliser les populations sur les risques liés au surpoids. Le taux de dyslipidémie (12 %) était toutefois inférieur à ceux relevés dans d’autres études d’ASS et dans les pays développés avec des prévalences allant respectivement de 20,9 à 56,1 % et de 43 à 50,5 % [7,9,11-12,19-20,23]. Cependant, il est similaire à celui rapporté dans une étude portant sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) à Libreville (10,1 %) [24]. Les habitudes alimentaires au Gabon et/ou une participation génétique peuvent expliquer cette différence avec d’autres régions. Cependant, ces données méritent d'être confirmées par des études plus étendues. Quelques particularités sont également à noter concernant le tabagisme. Sa prévalence (38,7%), plus élevée qu'au Cameroun (4,2%) et en Côte d'Ivoire (29,4%), est proche des données Européennes avec des taux allant de 36% en France à 44,6% en Suisse [25,5,12,15,23]. De même, la proportion de femmes fumeuses chez les patients présentant un SCA au CHUL a quadruplé de 1996 à 2019, passant de 5,2 % à 20,8 %. Aussi, le tabagisme a été retrouvé chez 100 % des patients de moins de 40 ans tandis qu’il est rapporté dans 68 % des cas à Dakar [16-17]. Ces données pourraient être très utiles au Programme National de Lutte contre le tabagisme pour mieux orienter les campagnes de sensibilisation. Ce travail montre l'ampleur du défi de santé publique que constituent le dépistage et le contrôle des FRCV à Libreville.

La majorité (90,7 %) des patients ont été admis au CHUL au-delà du délai recommandé pour permettre une reperfusion coronaire efficace [14]. Les délais moyens rapportés dans les séries d’ASS sont très variables. Au CHUL, il est de 78,5 heures tandis qu'il est respectivement de 44,7 heures, 14,5 heures et 9,6 jours à Abidjan, Dakar et Ouagadougou [7-8,11]. Ces derniers sont encore extrêmement longs comparés à ceux enregistrés en Europe (3,58 heures) [25]. De nombreux facteurs contribuent à ce retard dont l'errance diagnostique retrouvée chez 20 % des patients au CHUL et tel que relevée à Ouagadougou et Dakar [11,16]. Bien que la douleur thoracique persistante soit le motif le plus fréquent de consultation, la localisation épigastrique de cette dernière et les troubles digestifs retrouvés respectivement chez 1,3 % et 8 % des patients dans ce travail peuvent orienter à tort vers une origine digestive comme le suggère Yaméogo [11]. Le corolaire de ce retard de prise en charge est le taux élevé (40 %) d'IC enregistré au CHUL qui est proche de celui rapporté à Cotonou (47,4 %) [20]. A contrario, des taux plus faibles sont rapportés dans certaines régions d’Afrique dotées de salles de cathétérisme cardiaque interventionnel tel qu’à Abidjan (25,5%) et en Afrique du Sud (5,9%) [9,12].

A Libreville, la fibrinolyse est le seul traitement disponible pour assurer une reperfusion coronaire précoce. Néanmoins, la proportion de patients thrombolysés était faible (4,6 %) comparée à d'autres pays ne disposant pas de salle de cathétérisme tel qu’à Cotonou (14,08 %) et à Ouagadougou (7,14 %) [11,20]. Le coût élevé et la disponibilité de ces molécules ont longtemps retardé leur prescription au CHUL. Ce travail permet de sensibiliser les pouvoirs publics et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie sur l’intérêt de les mettre à disposition au sein des structures publiques. Cependant, l'angioplastie primaire reste le traitement de choix dans la prise en charge du SCA [13-14,18]. Elle réduit significativement le risque de mortalité, de récidive d'infarctus et d'IC résiduelle et est réalisée dans plus de 70 % des cas dans les études européennes [12-14, 23]. Des taux plus faibles sont encore retrouvés dans les villes d'ASS disposant de salles de cathétérisme cardiaque tel qu’à Abidjan où elle est réalisée dans 6,6 % à 19,8 % des cas [7,12]. Au CHUL, l'aménagement de la salle de cathétérisme cardiaque interventionnel et la formation de personnel qualifié est une nécessité absolue pour améliorer le pronostic des patients présentant un SCA. Ils permettront aussi de réduire les coûts des évacuations médicales telles que relevées chez 26 patients de cette étude. Bien que la mortalité hospitalière (12 %) soit comparable à celle des autres hôpitaux d'ASS qui varie de 7 % à 15,2 %, elle reste très élevée [7-8,16,11-12,20]. En effet, avec l'efficacité des procédures de revascularisation, la mortalité des SCA est de 2,7 % en France [4]. La surmortalité observée au CHUL chez les patients diabétiques et insuffisants rénaux reflète le pronostic moins favorable du SCA déjà décrit en présence de ces comorbidités [23]. Radovanovic rapporte un risque accru de mortalité hospitalière de 1,35 et 1,84 en cas de diabète et d'insuffisance rénale [23].

Les principales limites de ce travail sont liées au faible effectif et à son caractère monocentrique. Une collaboration entre les différentes formations sanitaires de Libreville avec la mise en place d'un registre permettrait d'avoir une prévalence réelle de cette pathologie. De plus, de nombreux paramètres concernant  la  phase   pré-hospitalière    nécessaires à l’amélioration de la prise en charge manquent. Néanmoins, cette étude a le mérite de démontrer l'urgence d'élaborer une stratégie nationale de prise en charge des SCA au Gabon.

 

 

CONCLUSION

 

 

La prévalence des SCA est croissante au CHUL. Elle concerne une population jeune et cumulant de nombreux FRCV modifiables. Ce travail révèle les problèmes diagnostiques, les longs délais de prise en charge et les difficultés à assurer une reperfusion coronaire précoce. La morbi-mortalité est importante. Une sensibilisation du personnel médical et la vulgarisation des moyens diagnostiques permettront en partie d’en améliorer le pronostic. Aussi, l’accent mérite-t-il d’être mis sur la prévention par le dépistage et la prise en charge précoces des FRCV en particulier l’HTA et le tabagisme.

 

Figure 1: Evolution du nombre annuel de cas de SCA de 2013 à 2019 au CHUL

 


Tableau 2

 Paramètres biologiques de la population d’étude

 

Paramètres biologiques (norme)

Valeurs moyennes +/- écarts types

Extrêmes

Créatinine (µmol/l)

107,8+/- 66,9

35-466

Hémoglobine (g/dl)

12,9 +/- 2,2

7,9-20,3

Glycémie à l’admission (mmol/l)

  9,3 +/- 8,3

0,97-55

Hémoglobine glyquée (%)

  9,7 +/-7,6

3,6-15,2

CRP(mg/l)

57,8 +/- 76,5

2-423

Acide urique (µmol/l)

537 +/- 746

132-4089

Nt- pro BNP (ng/ml)

4495+/- 4204

500-17889

Transaminsases(U/l)

76,2 +/-97,1

13-622

CPK totaux (UI /l)

329,9+/- 435,3

17-1887

CPK MB(UI /l)

95,8+/- 206,7

1,49-1120

Troponine(µg/l)

13,4+/- 12,8

0,04-52,1

Cholestérol total (g/l)

  1,8 +/- 0,54

0,4-8,0

LDL cholestérol (g/l)

  1,2+/-0,4

0,3-2,4

HDL cholesterol (g/l)

  0,5 +/- 0,3

0,1-2,3

Triglycérides (g/l)

  1,3+/- 1,6

0,3-11,5

 

Tableau 3 

Complications et évolution  des SCA au CHUL

 

Type de complication

n (%)

Létalité n (%)

Mortalité n(%)

Insuffisance cardiaque

30 (40,0)

 3 (10)

3 (4)

Killip I

Killip II

Killip III

Killip IV

4 (5,3)

7 (9,3)

18 (24,0)

1 (1,3)

         0 (0)

         0 (0)

   2 (11,1)

  1 (100)

-

-

-

-

Troubles du rythme 

10 (13,3)

   4 (40,0)

 4 (5,3)

Supraventriculaires (FA, flutter)

6 (8,0)

   2 (33.3)

2 (2,7)

Ventriculaires (ESV, TV)

4 (5,3)

2 (50)

2 (2,7)

BAV complet paroxystique

1 (1,3)

0 (0,0)

0 (0,0)

Extension au  VD et  postérieure

2 (2,6)

0 (0,0)

0 (0,0)

Anévrysme apical

Insuffisance mitrale massive

2 (2,6)

1 (1,3)

0 (0,0)

1 (100)

0 (0,0)

1 (1,3)

Thrombus intra ventriculaire gauche

      6 (8)

0 (0,0)

0 (0,0)

Péricardite

2 (2,6)

0 (0,0)

0 (0,0)

Hématurie massive

2 (2,6)

0 (0,0)

0 (0,0)

VD : ventricule droit

 

 

 

REFERENCES

 

 

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