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Manifestations cardiovasculaires des envenimations scorpioniques à l’Hôpital Militaire niveau 2 (HN2) du Togo à Kidal au Mali : étude prospective.

 

Cardiovascular manifestations of scorpion envenomation at Togo's level 2 (HN2) Military Hospital in Kidal, Mali: a prospective study.

 

 

 

M PIO 1,a#, M POKO 3,a#, YM AFASSINOU 2,a, S PESSINABA 2,a , H SAMA 3,a#, WD-DKAZIGA2,a ,

 YG AKALA3,a#  ,P N’GASSIBOU 2,a.

 

 

 

 

RESUME

 

Introduction : les envenimations scorpioniques sont des accidents fréquents et mortels en Afrique, surtout en zone rurale par des complications cardiovasculaires. 

Objectif : décrire les manifestations cardiovasculaires  des envenimations scorpioniques à Kidal au nord  du Mali et en dégager les facteurs favorisants.

 

Matériel et Méthode : il s’agit d’une étude prospective réalisée du 1 er Mars au 30 Novembre 2020 (9 mois) à l’HN2 du Togo à Kidal au Mali. Etaient inclus tous les patients admis à l’HN2-Togo pour piqûre de scorpion durant la période d’étude.

Résultats : nous avons enregistré 19 victimes de piqûres de scorpion qui étaient admises aux urgences de l’HN2-Togo soit 2,38% des urgences médicales. L’âge moyen des victimes était de 31, 1 ± 4,72 ans. Les manifestations cardiovasculaires étaient : la tachycardie (52,6%) ; l’œdème aigu du poumon (OAP) (31,6%) ; la poussée hypertensive (26,3%) ; le choc cardiogénique (21,1%) et le priapisme (15,8%). Les tableaux cliniques étaient polymorphes avec des associations de détresses vitales : OAP + choc cardiogénique (21,1%) ; OAP + coma (10,5%) ; coma + choc cardiogénique (10,5%) ; OAP + choc cardiogénique + coma (10,5%). Le diagnostic lésionnel des chocs cardiogéniques était une cardiomyopathie dilatée. Une évolution favorable était observée dans 79% des cas sur place à Kidal.  Le scorpion de type Leiurus quinquestriatus  et un TPP1 (délai entre la piqûre et le premier contact médical)  ou TPP2 ≥ 60mn (délai entre la piqûre et l’admission de la victime à l’HN2) étaient les facteurs favorisant la survenue des complications cardiovasculaires

Conclusion : Les envenimations scorpioniques sont fréquentes, graves et mortelles en Afrique sub-saharienne. La cardiomyopathie scorpionique c’est une cardiomyopathie dilatée soudaine, imprévisible et qui conditionne le pronostic vital des victimes.

 

 

MOTS CLES

Scorpionisme, manifestations cardiovasculaires, Afrique sub-saharienne, Kidal.

 

 

SUMMARY

 

 

Introduction:  scorpion envenomations are frequent and fatal accidents in Africa, especially in rural areas due to cardiovascular complications.

Purpose: to describe the cardiovascular manifestations of scorpion envenomations in Kidal in northern Mali and identify its contributing factors.

Methods: this is a prospective study carried out from March 1 to November 30, 2020 (9 months) at the HL2 of Togo in Kidal in Mali. All patients admitted to HL2-Togo for scorpion sting during the study period were included in the study.

Results: We recorded 19 victims of scorpion stings who were admitted to the emergency rooms of HL2-Togo that is 2.38% of medical emergencies. The average age of the victims was 31.1 ± 4.72 years. The cardiovascular manifestations were: tachycardia (52.6%); acute pulmonary oedema (31.6%); hypertensive surge (26.3%); cardiogenic shock (21.1%) and priapism (15.8%). The clinical pictures were polymorphic with associations of vital distress: acute pulmonary oedema + cardiogenic shock (21.1%); acute pulmonary oedema + coma (10.5%); coma + cardiogenic shock (10.5%); acute pulmonary oedema + cardiogenic shock + coma (10.5%). The lesion diagnosis of cardiogenic shock was hypokinetic dilated cardiomyopathy. A favorable outcome was noted in 79% of cases on site in Kidal. The Leiurus quinquestriatus scorpion and a TPP1 or TPP2 ≥ 60 mn were the factors favoring the onset of cardiovascular complications.

Conclusion: Scorpion envenomations are frequent, serious and fatal in sub-Saharan Africa. Scorpionic cardiomyopathy is a sudden dilated cardiomyopathy, unpredictable and life-threatening.

 

 

KEY WORDS

Scorpionism, cardiovascular manifestations, Sub-Saharan Africa, Kidal.

 

                                                                                                          

1  Unité d’Enseignement et de Recherche en Cardiologie et Maladies Vasculaires, Université de Kara, Togo

2 Unité d’Enseignement et de Recherche en Cardiologie et Maladies Vasculaires, Université de Lomé, Togo.

3 Unité d’Enseignement et de Recherche en Anesthésie et Réanimation, Université de Lomé, Togo.

a  Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio (CHU-SO), Lomé, Togo.

b  Centre Hospitalier Universitaire de Kara (CHU Kara), Kara, Togo.

Adresse pour correspondance 

PIO Machihude,

UER de Cardiologie et Maladies vasculaires, Université de Kara, Togo.

Téléphone : 00228 90 95 59 94.

E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

 

INTRODUCTION

 

Chaque année, on enregistre plus d'un million de piqûres de scorpion ou scorpionisme avec plus de 3250 décès dans le monde entier [1, 2]. En Afrique subsaharienne, les piqûres de scorpions compliquées d’envenimations sont fréquentes mais sous-estimées car survenant dans les populations rurales et démunies surtout dans la bande sahélo-saharienne [3, 4]. Les militaires et les missionnaires déployés dans ces régions sont aussi exposés au  même titre que les populations locales. Le scorpionisme présente une mortalité de 1 à 2% essentiellement par défaillance cardio-respiratoire en l'absence de traitement [5–7].Il s'agit d'une urgence médicale mettant en jeu le pronostic vital de la victime à court terme [5–7]. Les objectifs  de cette étude étaient de décrire les différentes complications cardiovasculaires et ses facteurs favorisants des envenimations scorpioniques à l’hôpital niveau 2 du Togo à Kidal (HN2-Togo)  au Mali, dans le cadre de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA).


 

METHODE

 

 

Cadre et période de l’étude 

 

 Il s’agissait d’une étude prospective qui s’est déroulée sur 9 mois, du 1er Mars 2020 au 30 Novembre 2020à l’hôpital HN2-Togo de Kidal au Mali.

 

Cadre d´étude

 

La collecte des données a été réalisée au niveau des services de consultation, des urgences, de la réanimation, d’hospitalisations et des évacuations sanitaires de l’HN2-Togo renseignés conformément au manuel Contingent Own of Equipment (COE) des nations Unies [8].

 

 

 

Population d’étude, critères d’inclusion, et d’exclusion

 

Nous avons inclus tous les patients admis à l’hôpital niveau 2 de Kidal pour piqûre de scorpion durant la période d’étude. N’ont pas été inclus les cas douteux de piqûre au scorpion. Les cas douteux représentent des cas de piqûre sans la mise en évidence du scorpion et sans manifestations typiques de piqûres de scorpion.

 

Collecte des données 

 

La collecte a été réalisée par les médecins formés à cet effet. Pour chaque patient inclus, les données cliniques (sociodémographiques, antécédents médicaux, les circonstances de la piqure, l’examen locorégional et systémique), les examens complémentaires et le pronostic ont été évalués. Lors de l’examen clinique, les données sociodémographiques (l’âge, le sexe, le statut militaire ou civil, le lieu de résidence) et les antécédents médicaux (diabète, hypertension artérielle, tabagisme, éthylisme) ont été recueillies. De même les circonstances de la piqûre (heure, date, lieu, saison, siège, nombre de  piqûres), la couleur et la nature  du scorpion en cause,  le délai de prise en charge étaient reportées. Les signes locorégionaux (douleur, rougeur, œdème, paresthésies), et les signes systémiques (digestifs, respiratoires, neurologiques, cardiovasculaires, végétatifs) ont été consignés. Les examens complémentaires : l’ECG, la radiographie du thorax, l’échodoppler cardiaque, la numération formule sanguine, la créatininémie, la glycémie, l’ionogramme sanguin, le taux de troponine Ic et les transaminases hépatiques, étaient systématiques chez toutes les victimes. Pour étudier le pronostic, la prise en charge, l’évolution clinique et la durée d’hospitalisation ont été évaluées.

 

Variables étudiées 

 

Définition des paramètres 

 

-        La tachycardie a été définie par une fréquence cardiaque supérieure à 100 battements par minute.

-        L’altération de l’état de conscience était définie par un score de Glasgow inférieur ou égal à 12.

-        La poussée hypertensive a été définie par une tension artérielle supérieure ou égale à 140/90 mmHg au repos pendant 15mn chez les patients antérieurement non hypertendus.

Nous avons classé les victimes en trois grades de sévérité de l'envenimation à l’admission à l’HN2 [5] :

Grade I : caractérisé par la présence exclusive d’un ou plusieurs signes locaux (douleur, rougeur, œdème, paresthésies) sans aucun signe général.

Grade II : caractérisé par la présence d’un ou plusieurs signes généraux (fièvre, sueurs, agitation modérée), associés à des manifestations digestives (nausée, vomissements, diarrhée, douleurs abdominale), une poussée hypertensive, ou un priapisme.

Grade III : caractérisé par la présence d’un ou de plusieurs signes suivants :

-        Signes  cardiocirculatoires : une cyanose,  une hypotension artérielle, des troubles de rythme cardiaque, un œdème aigu du poumon et un choc cardiogénique ;

-        Signes respiratoires : difficultés respiratoires avec polypnée ou bradypnée, un encombrement trachéo- bronchique et des râles crépitants ou sibilants ;

-        Signes  neurologiques : des agitations, des fasciculations, des convulsions, une obnubilation voire un coma.

Le TPP1 : correspondait au délai (en minute) entre la piqûre et le premier contact médical.

Le TPP2 : correspondait au délai (en minute) entre la piqûre et l’admission de la victime à l’HN2.

 

Ethique

 

Étant donné que des règles éthiques et déontologiques régissent les recherches scientifiques, nous avons gardé l’anonymat des patients dans les fiches d’exploitation pour respecter le secret médical dans le cadre de notre étude. L’auteur principal de cet article était le Directeur de l’HN2 pendant la période de l’étude.

 

Collecte et analyse des données 

 

L’ensemble des données ont été initialement recueillies sur une fiche standardisée et anonymisée puis saisies ultérieurement dans un tableur Excel (Microsoft® Redmond, USA). L’analyse a été faite à l’aide du logiciel Epi info 7. Les variables qualitatives étaient exprimées sous forme de fréquences absolues et relatives et les variables quantitatives sous forme de moyenne ± ecart-type. Le test de Student a été utilisé pour comparer les moyennes. Le seuil de significativité était fixée à5 %.Cette étude a été conduite dans le respect des règles éthiques et de l'accord d'Helsinki.


 

 

 

RESULTATS

 

 

Données épidémiologiques

 

Données épidémiologiques

 

Au cours de la période d’étude (09 mois), les urgences de l’HN2-Togo ont reçu 797 patients tous diagnostics confondus, parmi lesquelles19 victimes de piqûres de scorpion soit 2,1±1,77 victimes par mois. La prévalence des piqûres de scorpion représentaient 2,4% des urgences médicales. Sur 21 cas de piqûre de scorpion nous avons donc retenu 19 patients qui répondaient à nos critères d’inclusion.

L’âge moyen des patients était de 31,1±4,72 ans avec des extrêmes de 23 et 40 ans. La tranche d’âge la plus représentée était celle de 25 à 34 ans (68,4%). Le sexe ratio était 17/2 soit 17 hommes pour 2 femmes. Aucun patient n’était hypertendu ni diabétique.

Durant la période d’étude, 57,9% des victimes de piqûres de scorpion ont été admises entre juillet et septembre (correspondant à la saison chaude et pluvieuse).

La piqûre siégeait aux membres chez 84,2% (n=16) des victimes  et 89,5% (n=17) des piqûres étaient survenues pendant la nuit. Le nombre de piqûres de scorpion était unique chez 84,2% (n=16) des patients. Le scorpion a été retrouvé chez 89,5 %(n=17) des victimes et tous ces scorpions étaient jaunes de type Leiurusquinquestriatus(Figure1).

Le TPP1 moyen était de 61±119,16 mn avec des extrêmes de 0 et 540 min. Les patients ayant eu le premier contact médical après plus de 60 min représentaient 26,3% des victimes.

Le TPP2 moyen était de 102,51±138,87 mn avec des extrêmes de 0 et 600 min. Chez 42,1% des victimes,  le TPP2 était supérieur à 60 min.

Dans cette étude, 31,6% des victimes de piqûre de scorpion étaient classées grade III à l’admission.

 

Manifestations cardiovasculaires des envenimations scorpioniques

 

Les manifestations cardiovasculaires étaient présentes chez 11 victimes  (57,9%) de piqûres de scorpion.

Sur les 19 victimes, il existait une tachycardie chez 10 victimes (52,6%) [avec des extrêmes entre 102 et 151 batts/mn] ; un œdème aigu du poumon (OAP) était présent chez 6 victimes (31,6%) ; une poussée hypertensive chez 26,3% avec des extrêmes  de 155 et 275mmHg pour la PAS et de 95 et 140mmHg pour la PAD. Nous avons enregistré un état de choc cardiogénique chez 4(21,1%) et un priapisme chez 3 victimes (15,8%)  (Figure 2).

 

Association des détresses vitales                   

 

Chez 6 victimes (31,6%), le tableau clinique était polymorphe. L’association de détresse vitale la plus fréquente était l’OAP et  l’état de choc cardiogénique (Tableau 1).        

A l’électrocardiogramme (ECG), nous avions une tachycardie sinusale chez 47,4% des victimes, une tachysystolie chez une victime.

À la radiographie du thorax, on notait des opacités alvéolaires typiques d’un OAP chez 31,6% (n=6) des victimes.

A l’échodoppler cardiaque les victimes ayant présenté un choc cardiogénique avaient une hypokinésie pariétale globale sévère et une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) ≤ 35%. Le ventricule gauche était dilaté chez 4 victimes et  une victime avait présenté une dilatation biventriculaire. Toutes les victimes ayant présenté un OAP avaient un flux mitral restrictif.

Nous avons noté une élévation du taux sanguin de troponine Ic chez 26,3% (n=5) des victimes ayant présenté une dyskinésie pariétale et chez un patient ayant présenté un OAP sans trouble de la cinétique pariétale. 

 

Caractéristiques épidémiologiques des victimes ayant présenté des manifestations cardiovasculaires

 

Il s’agissait des sujets jeunes sans antécédents de pathologies cardiovasculaires connues. Les caractéristiques épidémiologiques des victimes ayant présenté les complications cardiovasculaires sont consignées dans le tableau II.

Il n’existe pas d’association statistiquement significative entre les caractéristiques épidémiologiques (âge, tabagisme, TPP1, TPP2) des victimes et la survenue de la tachycardie, de la poussée hypertensive et du priapisme. Par contre il existe une association statistiquement significative entre un  TPP1 supérieur ou égal à 60 min et la survenue d’un OAP  (p=0,030)  et entre un TPP1 supérieur ou égale à 60 min et la survenue d’un choc cardiogénique (p=0,03) chez les victimes. Plus les TPP2 étaient longs supérieurs à 60mn plus grande était la  probabilité de survenue de choc cardiogénique (p= 0,02).

 

Données thérapeutiques  et évolutives

 

Toutes les victimes de grades II et III (n=11) ont bénéficié des mesures de réanimation. La dobutamine avait été nécessaire chez 21,1% (n=4) des victimes, et la nicardipine injectable chez 26,3% des victimes et le furosémide chez 31,1% des victimes. Le reste du traitement symptomatique comportait des antalgiques  à base du paracétamol, du néfopam et de morphiniques, des anti-inflammatoires non stéroïdiens et stéroïdiens.

Le sérum antivenimeux a été administré chez toutes les victimes parmi lesquelles 42,1% (n=8) avaient reçu 02 doses.

La durée moyenne d’hospitalisation était de 1,35 ± 0,46 jours avec des extrêmes de 0 et 3 Jours. L’évolution sur place à Kidal était favorable chez 78,9% (n=15) des victimes. Les autres victimes ont été évacuées vers un hôpital de niveau supérieur à l’HN3 de Dakar au Sénégal pour persistance de l’instabilité hémodynamique. Leur évolution était favorable en 48h-72heures après leur admission à l’HN3.


 

 

DISCUSSION

 

 

Données épidémiologiques

 

Le scorpionisme est une situation fréquente dans les zones tropicales telles que le nord du Mali. Dans notre étude, les victimes de piqûres de scorpion représentaient 2,4% des urgences médicales. Ces résultats sont similaires à ceux d’Aicha BO [2]  et al qui ont trouvé à l’hôpital de Faouar en Tunie  un taux de 2,3% des urgences médicales.  Ceci fait du scorpionisme un problème de santé publique dans la bande sahelo-saharienne [1, 2, 7].  

Durant la période d’étude, 57,9% des victimes de piqûres de scorpion ont été admises pendant la saison chaude et pluvieuse. Ces résultats s’expliqueraient par la nature des scorpions qui sont des arthropodes thermophiles qui entrent en hibernation dès le début de l’automne.  Les piqûres peuvent survenir à toute heure de la journée, mais elles sont plus fréquentes en fin de journée et durant la nuit, du fait de l’activité nocturne des scorpions [9].

Le scorpion a été identifié chez 89,5% des victimes et il s’agissait du Leiurusquinquestriatus de couleur jaunâtre. Ce dernier avait déjà été identifié par Goyffon M et al  en 2012 à Gao [10]. Il s’agit alors du scorpion le plus fréquemment impliqué dans les envenimations sur cette bande du Sahel. Ailleurs le scorpion le plus dangereux pour l’homme rapporté était de type noir Androctonusmauritanicus au Maroc [11].

 

Manifestations cardiovasculaires des envenimations scorpioniques

 

L’atteinte cardiovasculaire demeure la principale cause de la mortalité dans l'envenimation scorpionique [2, 3, 7, 10]. Le mécanisme de l’atteinte cardiaque dans l’envenimation scorpionique est lié à l’effet du venin sur le système nerveux sympathique et la sécrétion de catécholamines surrénales ainsi qu’à l'effet direct du venin sur le myocarde [10-13].

Dans cette étude la tachycardie représentait 52,6% de l’ensemble des victimes. La survenue de tachycardie chez les victimes ne dépend ni de l’âge, ni du sexe, ni du tabagisme et ni du délai de prise en charge (TPP1, TPP2), il s’agirait d’une susceptibilité individuelle. Cette tachycardie peut être multifactorielle : la sensation douloureuse, l’effet des catécholamines secondaire au venin du scorpion et à la peur. C’est pourquoi il faut rapidement calmer la douleur et rassurer ces victimes afin de faire la part entre une tachycardie psychogène et organique. Cette dernière fait craindre un stade autre que le grade 1. Cette tachycardie peut être annonciatrice d’une atteinte myocardique surtout si elle est associée à d’autres signes comme une élévation de la tension artérielle.

Chez nos victimes, la survenue de poussée hypertensive n’était liée à aucun paramètre épidémiologique (sexe, âge, tabagisme, TPP1, TPP2) ; il s’agirait d’une susceptibilité individuelle. Elle est secondaire à l'action des catécholamines sur les récepteurs alpha-adrénergiques d'une part, sur les récepteurs bêta-adrénergiques augmentant la contractilité myocardique d'autre part ; une hypersécrétion de rénine peut y contribuer également. Cette hypertension peut être sévère et durer plusieurs heures [13]. La baisse médicamenteuse de cette poussée hypertensive doit être très prudente et différente des protocoles habituels de gestion des urgences hypertensives. En effet cette poussée hypertensive fait rapidement et spontanément place à une hypotension et à un choc cardiogénique.

Nous avons retrouvé un OAP chez 31,6% des victimes. Bahloul M et al [12] ont retrouvé en Tunisie un taux d’OAP de 61,5%. L’OAP peut être mixte : cardiogénique et lesionnel. Les mécanismes en cause dans l’OAP cardiogénique sont multiples: augmentation de la pression artérielle systémique et des résistances vasculaires périphériques (RVP) dans les premières 120 min suivant la piqûre, une baisse de la compliance ventriculaire gauche [13] et par une élevation brutale des pressions télédiastoliques du ventricule gauche comme témoignent les flux restrictifs de remplissage chez cetaines de nos victimes.

L’OAP lesionnel est en rapport avec une action directe du venin au niveau pulmonaire entrainant l’inflammation et l’hyperpermeabilité capillaire pulmonaire [1]. C’est pour cette raison et pour minimiser les effets secondaires du Sérum Anti Scorpionique (SAS) que nous avons ajouté une corticothérapie dans la prise en charge des victimes.

Le priapisme est une complication souvent rapportée dans les envenimations scorpioniques. Il était présent chez 15,8% (n=3) de nos victimes.  Khaled S et al rapportaient une proportion de 48,2% en Egypte en 2017 [14]. Ces proportions sont probablement sous estimées car au stade d’OAP et surtout de choc cardiogénique le priapisme passe en second plan du tableau clinique ou simplement disparait par déficit du débit sanguin.

L’état de choc cardiogénique était présent chez 21,1% (n=4) de nos victimes. Goyffon avait rapporté 20,5%  dans ses études à Gao [5,10]. La survenue du choc cardiogénique chez les victimes significativement liée à l’intervalle de temps entre la piqûre et le premier contact médical (TPP1) (p=0,03) et au délai d’admission à l’HN2-Togo (TPP2) (p=0,02). Ce qui montre que la prise en charge lors d’une piqûre scorpionique doit être rapide sans délai avec une surveillance médicale sur au moins 24 heures. Un TPP1 ou un TPP2  égal à zéro dans notre étude était au faite qu’il y avait une victime de piqûre de scorpion  au sein de l’HN2 même.   La défaillance cardiovasculaire résulte de 3 grands mécanismes. la myocardite adrénergique survenant sous l’effet d’une décharge massive et soudaine de catécholamines[5,16],la myocardite toxique provoquée par action directe du venin sur le tissu myocardique et l’ischémie myocardique due non seulement à la décharge des catécholamines mais aussi à l’action des cytokines et/ou du neuropeptide Y sur les vaisseaux coronaires [16].

D’autres mécanismes aggravants peuvent être en cause, notamment l’action nocive de l’hyperglycémie, fréquente au cours des envenimations scorpioniques, par le biais de 3 mécanismes : sécrétion importante des hormones hyperglycémiantes, une insulinorésistance et une glycogénolyse [6].

Nos patients ayant présenté un tableau de choc cardiogénique avaient au moins deux des trois caractéristiques  des cardiomyopathies scorpioniques qui en font l’originalité : la sévérité (une profonde altération de la fonction cardiaque), l’atteinte biventriculaire, et  la réversibilité [11, 12, 16]. Ce caractère accroît les similitudes entre la cardiomyopathie scorpionique et la cardiomyopathie de stress ayant comme dénomnateur commun, la décharge intense de catécholamines.

Les complications cardiovasculaires des envenimations scorpioniques sont imprévisibles. En  plus  les  frontières entre le  grade II et III  ne sont pas aussi évidentes. Il faut neutraliser le venin avant sa fixation sur les récepteurs de la victime. En opération militaire et dans un endroit isolé et éloigné comme Kidal les pertes de temps seront fatales au patient. C’est pourquoi, toutes les victimes avaient bénéficié du sérum antiscorpionique à l’HN2. Le protocole de l’hôpital niveau1 du Service de Santé des Armées Françaises préconise l’administration systématique du  SAS quel que soit le grade de l’envenimation [7].

 

 

 

CONCLUSION

 

 

Les envenimations scorpioniques constituent un problème de santé publique dans la bande sahélo-saharienne. Les complications cardiovasculaires de ces envenimations scorpioniques sont la poussée hypertensive,  l’œdème aigu du poumon et le choc cardiogénique. Ces complications cardiovasculaires présentent dans plus de la moitié des cas dans cette étude conditionnent le pronostic vital des victimes. La cardiomyopathie scorpionique est sévère et imprévisible. La prise en charge curative associe un traitement symptomatique, des mesures de réanimation cardiovasculaire et l’immunothérapie spécifique. L’évolution favorable dépend de  la prise en charge rapide et adaptée. 

 

 

Tableau 1

Répartition des victimes selon l’association des détresses vitales

 

Effectif (n)

Pourcentage (%)

OAP + choc cardiogénique

04

21,1

OAP+ choc cardiogénique+ priapisme

03

15,8

OAP + coma

02

10,5

OAP + Coma +Choc cardiogénique 

02

10,5

Choc cardiogénique + Coma

02

10,5

 

Tableau 2

 Caractéristiques épidémiologiques des victimes atteintes de complications cardiovasculaires

 

Tachycardie

Poussée HTA

Choc cardiogénique

OAP

Priapisme

Age moyen (ans)

29,2

31,8

               24,2

   27,8

26

Tabagiques(n)

         05

           01

               00

      01

01

TPP1 (Moyen, min)

96,6

54,6

65,7

125,4

   45,7

TPP2 (Moyen, min)

       155,8

         126

              119

189,9

      175

TPP1 : délai (en minute) entre la piqûre et le premier contact médical.

 TPP2 : délai (en minute) entre la piqûre et l’admission de la victime à l’hôpital.

 

Figure 1 : répartition des victimes selon les complications cardiovasculaires

 

      Figure 2 : Scorpion (Leiurus quinquestriatus) ayant piqué la victime du mois de Juin.

 

 

REFERENCES

1. Chippaux JP, Goyffon M. Epidemiology of scorpionism: a global appraisal. Acta Trop 2008 ; 107 :71–9.

2. Aicha BO, Naima B A, Moncef B A. L’envenimation scorpionique au niveau de la région de Faouar-Kebili en 2010-2012 : étude de 421 cas. Tunis Med 2016 ; 94 (2) : 102-6.

3. Chippaux JP, Akaffou M, Allali B, Dosso M, Massougbodji A. La 6e Conférence Internationale sur les envenimations par morsures de serpent et piqûres de scorpion en Afrique : un tournant décisif dans la prise en charge des envenimations. Med Santé Trop 2016 ; 26(1) : 8-9.

4. Dabo A, Golou G, Diarra N, et al. Scorpion envenoming in the North of Mali (West Africa): Epidemiological, clinical and therapeutic aspects. Toxicon 2011; 58:154–8.

5. Goyffon M, Billiald P. Envenimation VI- Le scorpionisme en Afrique. Med Trop 2007, 67:439-46.

6. Murthy KR, hase MK. Scorpion envenomation and the role of insulin. Toxicon 1994 ; 10 :41-4.

7. Dewar C, Meusnier J-G, Larréché S. Envenimation scorpionique chez des militaires français en poste isolé au Nord Mali : à propos de cinq cas. Ann Fr Med Urg 2016; 6:431-4.

8. Organisation des Nations Unies. Contingent Own Equipment. New York. ONU. 2017.

9. Coulibaly SK. Problématique des piqûres scorpioniques dans les zones sanitaires de Gao au Mali. Reseach fr 2014; 1:628.

10. Goyffon M, Dabo A, Coulibaly SK, Togo G, Chippaux JP. Dangerous scorpion fauna of Mali. The Journal of Venomous Animals and Toxins including. Trop Dis 2012; 18(4): 361-8.

11. Hmimou R, Soulaymani A, Mokhtari A, Arfaoui A, El Oufir R, Semlali I et al: Risk factors caused by scorpion stings and envenomation in the province of Kelaa Des Sraghna (Morocco).J VenomAnimToxinsincl Trop Dis 2008; 14(4): 628-40.

12. Bahloul M, Regaieg K, Chabchoub I, Kammoun M, Chtara K, Bouaziz M. Les envenimations scorpioniques graves : physiopathologie et rôle de l’inflammation dans la défaillance multiviscérale. Med Sante Trop 2017; 27: 214-21.

13. Mousli M, Billiald P. Production and characterisation of a bivalent single chain Fv/alkaline phosphatase conjugate specific for the hemocyanin of the scorpion Androctonusaustralis. Bioch BiophysActa. 1998; 1425 348-60.

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