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Cas Clinique. Le cœur sclérodermique à propos d’un cas.

 

Clinical Report. The scleroderma heart about a case.

 

AM BANI1, GSKIMBALLY-KAKY2, AW SAAR3, F NTSIBA1,CAT DABO3, MB YAWENDA1, PE LOLA4.

 

 

RESUME

 

Objectif: Décrire la symptomatologie du cœur sclérodermique. Observation: Madame M. R. 59 ans est hospitalisée pour dyspnée d’effort grade 3 et de repos après fulguration par la foudre. L’examen physique retrouvait une altération de l’état général, une tachycardie à 120 battements par minute, des souffles de régurgitations valvulaires, des signes congestifs d’insuffisance cardiaque, un visage sclérodermique, une atteinte ostéo-articulaire et un phénomène de Raynaud.

La radiographie thoracique de face, l’électrocardiogramme, l’échocardiographie et le scanner thoracique, dépistaient un cœur pulmonaire chronique. Les anticorps antinucléaires Scl 70 étaient positivement élevés. Le traitement de l’insuffisance cardiaque et de l’hypertension artériellepulmonaire était prescrit.

Conclusion: Le cœur sclérodermique à un polymorphisme clinique. Son traitement reste décevant et symptomatique.

 

 

MOTS CLES

 

Défaillance cardiaque, cœur sclérodermique, examens, traitement.

 

 

SUMMARY

 

Objective: Describe the symptomatology of the scleroderma heart.

Observation: Mrs. M. R. 59 years is hospitalized for dyspnoea of stress grade 3 and rest after fulguration by the lightning. Physical examination found an alteration of the general condition, tachycardia at 120 beats per minute, breaths of valve regurgitation, congestive signs of heart failure, a scleroderma face, aosteo-articular and a Raynaud phenomenon. Face chest x-rays, electrocardiograms, echocardiography and chest scans detected a chronic lung heart. Scl 70 antinuclear antibodies were positively elevated. Treatment of heart failure and pulmonary arterial hypertension was prescribed.

Conclusion: The scleroderma heart has a clinical polymorphism. His treatment remains disappointing and symptomatic.

 

 

KEY WORDS

Heart failure, scleroderma heart, further examinations, treatment.

 

 

1.Service de cardiologie et médecine interne. Hôpital général de Loandjili.

2.Service de cardiologie et médecine Interne. CHU de Brazzaville.

3.Unité cardiologique et de médecine interne. Clinique Louise Michel de Pointe-Noire.

4.Service de dermatologie. Hôpital général de Loandjili.

 

Adresse pour correspondance 

Dr Aloïse Macaire BANI

Hôpital Général de Loandjili

Service de cardiologie et médecine interne.

BP 8211. Tél : 00242 05520 54 76

Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

INTRODUCTION

 

 

La sclérodermie systémique est l’une des connectivites qui se caractérise par une fibrose cutanée et viscérale. D’étiologie le plus souvent inconnue, elle peut survenir suite à une exposition aux facteurs environnementaux [1]. En Afrique, cette affection est également présente en milieu dermatologique [2]. Les auteurs présentent un cas clinique d’atteinte cardio-vasculaire rattaché à une sclérodermie systémique. Le but est de décrire la sémiologie du cœur sclérodermique dans notre contexte de travail.

 

OBSERVATION

 

Madame MR, 59 ans sans profession était hospitalisée en cardiologie pour une inhabituelle dyspnée d’effort de grade 3 de la NYHA et de repos évoluant depuis 6 ans accompagnée de douleurs thoraciques d’intensité modérée, intermittentes sans rapport avec les efforts, sans irradiations particulières, associées à des algies abdominales parfois diffuses, tantôt localisées à l’épigastre, puis d’une toux dans un contexte apyrétique.

Elle n’avait aucun antécédent cardiovasculaire, ni de facteur de risque cardiovasculaire, mais elle révélait être victime d’une fulguration par la foudre lors d’une pluie il y’a 7 ans, précédant de quelques semaines la survenue des symptômes anormaux qu’elle décrivait. Aucun antécédent familial notable n’était retrouvé.

La symptomatologie débutait par une toux grasse mucopurulente, une intense asthénie physique, des vertiges et des palpitations. Ce tableau pseudo-grippal avait motivé une consultation dans l’une des structures sanitaires privées. Le traitement à base de Propanolol  40 mg par jour était initié et le profil thyroïdien prescrit revenait dans les limites de la normale. En dépit de cette thérapeutique, la persistance du tableau clinique avait nécessité une hospitalisation dans le service.

A l’examen, on notait une altération de l’état général constituée d’un amaigrissement, d’une asthénie physique, d’une pâleur modérée des conjonctives et muqueuses, sans fièvre ni anorexie. Le cœur était régulier, tachycarde à 120 battements par minute. On percevait à l’auscultation des souffles de régurgitation mitro-aortique et tricuspidienne de 3/6ème. L’auscultation pulmonaire révélait des râles crépitants dans les deux champs pulmonaires. Il y’avait une hépatomégalie douloureuse, ferme, à bord inférieur régulier, à surface antérieure lisse et ferme, avec œdèmes des membres inférieurs gardant l’impression des doigts, un reflux hépato-jugulaire et une turgescence spontanée des veines jugulaires. Les pouls périphériques étaient symétriques et la tension artérielle à 130/80 mm Hg. Des ulcères digitaux bilatéraux touchant les majeurs, les annulaires et les auriculaires étaient retrouvés ainsi qu’une chondrocalcinose touchant exclusivement le majeur droit limitant son extension (figure 1).Une hyper kératite bilatérale siégeait aux orteils était observée, avec des ongles prenant un aspect recourbé. L’examen du visage objectivait une raréfaction des sourcils avec une peau frontale lisse et cireuse, un amincissement du nez et des lèvres, une limitation de l’ouverture buccale, une accentuation des petits plis cutanés autour de la bouche (figure 2).Une tache maculaire brillante endurée blanchâtre au centre occupait la face antéro-supérieure droite du thorax et l’on notait une atrophie musculaire brachiale bilatérale (figure 3).

La radiographie thoracique de face montrait une cardiomégalie globale avec un rapport cardio-thoracique à 0,66, un débord droit avec double contour, une dilatation hilaire des artères pulmonaires estimée à 18 mm et des micros opacités bilatéraux parenchymateux pulmonaires moyens et inférieurs (figure 4).

L’électrocardiogramme en rythme sinusal avec une tachycardie sinusale à 120 bat/min, un segment PR à 130 ms, un axe des QRS droit à + 105°, objectivait une hypertrophie auriculaire et ventriculaire droite (figure 5).

Nous avons conclu à une défaillance cardiaque globale, congestive à prédominance droite rattachée à une sclérodermie systémique. Le diagnostic de la sclérodermie repose sur la mise en évidence d’un phénomène de Raynaud et d’une atteinte cutanée évocatrice (œdème des doigts ou sclérose de la peau) éventuellement associée à une atteinte de certains organes parmi lesquels le cœur, ainsi que sur la réalisation d’examens complémentaires simples comme la capillaroscopie.

Les différentes échocardiographies trans thoracique réalisées étaient concordantes, et illustraient une dilatation des cavités droites (oreillettes droite à 29,09 cm2, ventricule droit à 24 mm), une épaisseur libre du ventricule droit à 6,5 mm, un septum inter ventriculaire paradoxal, une insuffisance tricuspidienne avec une vélocité maximale de 4,33 m/s, des calcifications mitro- aortiques avec fuite de grade 1 et une dilatation de la veine cave inférieure à 24 mm . Les cavités cardiaques gauches étaient de dimensions normales, le péricarde était sans épanchement, concluant ainsi à un cœur pulmonaire chronique (figure 6).Le scanner thoracique réalisé sans et avec injection de produit de contraste, montrait une dilatation des cavités cardiaques, un syndrome interstitiel bilatéral constitué d’opacités diffuses en verre dépoli, donnant l’aspect de poumons sales. Ces aspects tomodensitométriques étaient évocateurs d’un cœur pulmonaire chronique (figure 7).

La biologie objectivait une créatininémie à 11,03 mg/l, une vitesse de sédimentation à 31mm à la 1ère heure. Le cholestérol total était à 0,98 g/l, le cholestérol HDL à 0,31 g/l et le LDL à 0,42 g/l.

Les anticorps antinucléaires Scl 70 étaient supérieurs à 240 µmol/l. Les globules rouges étaient à 5,21 millions, les globules blancs à 21000 /mm3, l’hémoglobine à 13,3 g/dl et les plaquettes à 127000/mm3.

Au total, nous avons retenu le diagnostic de cœur pulmonaire chronique post sclérodermique chez une patiente de 59 ans.

Elle était sous régime hyposodé, sous furosémide injectable 20 mgx2 par jour en IVD associé au potassium, sous Bosentan comprimé 62,5 mg par jour et sous érythromycine 2 g par jour.

L’évolution sous ce traitement syndromique était marquée par une régression significative des signes de défaillance cardiaque. La radiographie thoracique de face de contrôle montrait encore une cardiomégalie avec un rapport cardio-thoracique à 0,55 (versus 0,66à l’entrée), un débord droit avec double contour et une disparition du syndrome interstitiel pulmonaire (figure 8).La patiente est sortie après 10 jours d’hospitalisation pour un suivi en ambulatoire.

 

 

DISCUSSION

 

La sclérodermie est une connectivite peu fréquente, à prédominance féminine [2,3].Son incidence varie entre 5-20 nouveaux cas par an et selon les pays ou les régions [1]. Cette affection rare est caractérisée par une fibrose cutanéo-viscérale. L’exposition à la silice, à la silicone, au chlorure de vinyle, aux toxiques Espagnols, au L-tryptophane a été incriminée comme responsable de quelques cas sclérodermiques [4,5]. Par contre, la radiothérapie est capable d’aggraver une sclérodermie préexistante [6].La foudre qui est un phénomène électrique atmosphérique naturel peut provoquer chez le foudroyé un vasospasme par action excitative directe sur les muscles lisses ou par stimulation des nerfs vasoconstricteurs. Cette vasoconstriction peut être cardiaque et ou périphérique [7].Sincèrement, nous pensons que la responsabilité d’une fulguration par la foudre dans la survenue d’une sclérodermie reste anecdotique.

La sclérodermie systémique est une affection chronique et généralisée des artérioles, des micros vaisseaux puis du tissu conjonctif. Ce qui suppose qu’il existe donc d’importantes variations dans le degré de sévérité et dans la vitesse d’évolution de cette maladie. La production excessive de collagène est l’élément clé physiopathologiquement, responsable de la fibrose cutanée et des différents organes exclusivement le tube digestif, le rein, le poumon et le cœur. Cette fibrose occasionne une thrombose de certains vaisseaux, provoquant ainsi de véritables ischémies.

Les manifestations cutanées sont pathognomoniques de la sclérodermie et elles précèdent de quelques mois, voire de quelques années l’atteinte viscérale telle que nous l’avions remarquée [8].

L’altération de l’état général, la fonte musculaire, la dyspnée et le syndrome douloureux sont fréquents au cours de la sclérodermie. Les algies thoraciques peuvent être d’origine mixte par fibrose pulmonaire et par hypertension artérielle pulmonaire. Cette hypertension chronique de la petite circulation s’explique en général par une augmentation de la résistance dans les artérioles et les capillaires. Le plus souvent, les altérations vasculaires sont secondaires à une affection pulmonaire chronique et diffuse.

De toute franchise, l’atteinte viscérale n’est pas spécifique à la sclérodermie systémique, mais son association aux manifestations cutanées (le visage sclérodermique et les ulcères digitaux) que nous avons observées, est un lien fortement établi.

Les examens complémentaires sont d’un apport majeur dans l’établissement du diagnostic du cœur sclérodermique en illustrant la sémiologie tomodensitométrique et échocardiographique. Nous pouvons également le dire que la positivité des anticorps antinucléaires Scl 70 a été décisive dans l’orientation vers la forme diffuse de la sclérodermie.

Le suivi régulier de cette patiente s’impose en raison des récidives ou de la survenue d’autres complications à craindre, telle que le bloc auriculo-ventriculaire de haut grade, car il s’agit d’affection fibrosante du tissu conjonctif.

La thérapeutique est très décevante et ne se limite qu’au traitement symptomatique. L’installation de l’hypertension artérielle pulmonaire sur fond de cœur pulmonaire chronique scelle son pronostic comme le souligne  E Hachulla et coll [9].

 

 

CONCLUSION

 

Le cœur sclérodermique est rare et touche majoritairement le sexe féminin. Son étiologie est encore inconnue en dépit de quelques facteurs environnementaux étiquetés. Il est souvent secondaire à une atteinte cutanée. Le polymorphisme clinique retarde le diagnostic de l’affection de plusieurs années. Le bilan complémentaire demeure un atout orientatif. Son traitement est décevant et reste symptomatique.

 

 

 

Figure 1: Ulcères digitaux bilatéraux touchant les majeurs, les annulaires et les auriculaires. Existence d’une chondrocalcinose touchant exclusivement le majeur droit limitant son extension.

Figure 2 : Visage sclérodermique caractérisé par une raréfaction des sourcils avec une peau frontale lisse et cireuse, un amincissement du nez et des lèvres, une limitation de l’ouverture buccale, une accentuation de petits plis cutanés autour de la bouche.

 

 

Figure 3 : Tache brillante endurée blanchâtre au centre occupant la face antéro-supérieure droite du thorax. Atrophie musculaire brachiale bilatérale.

 

 

Figure 4 : Radiographie thoracique de face illustrant une cardiomégalie globale avec un rapport cardio-thoracique à 66%, un débord droit avec double contour, une dilatation hilaire des artères pulmonaires à 18 mm. Des micros opacités bilatéraux disséminées aux lobes pulmonaires moyens et inférieurs.

 

 

Figure 5 : Electrocardiogramme de surface en rythme sinusal, un segment PR à 130 ms, un axe des QRS droit à +105°, une fréquence cardiaque à 120 battements par minute, objectivant une hypertrophie auriculaire et ventriculaire droite.

 

 

Figure 6 : Echocardiographie trans thoracique, en coupe apicale quatre cavités montrant une dilatation des cavités droites, une insuffisance tricuspidienne majeure avec une vélocité maximale de 4,33 m/s au Doppler continu.

Figure 7 : Scanner thoracique (réalisé avec et sans injection de produit de contraste) illustrant une dilatation des cavités cardiaques, un syndrome interstitiel bilatéral constitué d’opacités diffuses en verre dépoli, donnant l’aspect de poumons sales, évoquant un cœur pulmonaire chronique.

 

Figure 8 : Radiographie thoracique de face (contrôle) objectivait une cardiomégalie persistante (RCT à 55% versus 66% à l’entrée), un débord droit avec double contour et une disparition du syndrome interstitiel pulmonaire.

 

REFERENCES

 

1.Silman AJ. Epidemiology of scleroderma. Ann Rheum Dis. 1991; 50:846-853.

2.Yedomon HG, Ango-padonou F.Do. La sclérodermie. Etude épidémio-clinique de 20 cas. Med Afr Noire 1991 ; 38 (7).

3.Tuffanelli DL, Winkelmann RK. Systemic scleroderma. A clinical study of 727 cases. Arch Dermatol 1961; 84:359-371.

4.Koeger AC, Marre JP, Rozenberg S et Coll. Maladies auto immunes après expositions inhabituelles à la silice ou aux silicones. Ann Med Interne 1992 ; 143 :165-170.

5.Medsger TA. Tryptophan- induced esoninophilia myalgia syndrome. N Engl J Med 1990; 322:926-928.

6.Cooper SG, Denham JW. Progressive systemic sclerosis (diffuse scleroderma) and radiotherapy. Br J Radiol 1990; 63:805-808.

 7.Cherington M, Yarnell P, Lammereste D. Lightning strikes: nature of neurological damage in patients evaluated in hospital emergency departments. Ann Emerg Med 1992; 21:575-8.

8.Black CM. Scleroderma-clinical aspects. J Interm Med 1993; 234:115-118.

9.E Hachulla, D Launay, P de Groote, O Moranne et al. Les défaillances viscérales graves de la sclérodermie systémique. Réanimation 2005; 14:576-586.