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Epidémiologie de l’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs chez les patients porteurs d’hypertension artérielle au CHU de Cotonou

 

 

 

Epidémiologie de l’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs chez les patients porteurs d’hypertension artérielle au CHU
de Cotonou

The epidemiology of arterial occlusive disease in patients with systemic hypertension in the Teaching Hospital of Cotonou

 

HOUENASSI DM, HOUEHANOU C, TCHABI Y, BOYI C, SACCA VEHOUNKPE J,

D’ALMEIDA MASSOUGBODJI M, (1)AGBOTON H.

 

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 Resumé

L’objectif de cette étude est le dépistage de l’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs (AOMI) et l’identification des facteurs corrélés à sa présence. Il s’agit d’une étude prospective descriptive et analytique. L’inclusion a été systématique. L’insuffisance de  données a été le seul critère d’exclusion. Le critère diagnostic était un index de pression systolique à la cheville < 0,9.

Au total, 201 patients ont été retenus avec un âge moyen de 58,7 ans ±11,85 et une sex ratio de 0,96. La fréquence des niveaux de  risque cardiovasculaire était : faible  28,3% - Léger 32,8 % - modéré 29,3 % - élevé 9,4%. La fréquence de l’AOMI était de 25,9%. En analyse univariée et multivariée cette fréquente augmente (p<0,05) avec l’âge, l’ancienneté et la sévérité de l’HTA, l’excès pondéral, l’élévation du risque cardiovasculaire. Le tabagisme et l’hyperlipidémie ne semble pas avoir d’influence. Cette AOMI est asymptomatique chez 94% des patients ce qui justifie la généralisation du dépistage.   

MOTS CLES

Artériopathie oblitérante –Membres inférieurs- HTA- Noir africain

The aim of the study was to determine the frequency of leg arterial occlusive disease (LAOD) and to identify the contributing factors. It is a prospective study. Unkle brachial index was the diagnosis criteria.

A group of 201 patients has been studied. Mean age is 58.7 ±11,8 years and sex ratio 0.9. Cardiovascular risk levels frequencies were: week 28.3% - middle 32.8%- moderate 29.3%- high 9.4%. LAOD frequency was 25.9%. Univariate and multivariate analysis show that the frequency grows (p<0.05) with patient age, hypertension duration and severity, high weight and global cardiovascular risk. Smoking and hyperlipidemia seemed not to influence the frequency. LAOD is without clinical sign in 94%. 

 

L’artériopathie oblitérante chronique des membres inférieurs (AOMI) atteint 6,9 à 19,1% des sujets de plus de 40 ans [1,2,3] dans le monde occidental. Elle est responsable d’une morbimortalité 3 fois plus élevée que celle des sujets non porteurs d'AOMI [4]. L’hypertension artérielle (HTA) en est un facteur   étiologique   majeur avec   un     risque relatif supérieur à 2 [5]. Les études sur l’AOMI sont rares en Afrique subsaharienne et ARTERAFRIC la première d’entre elle [6] avait retrouvé l’HTA comme premier facteur étiologique. La fréquence de l’HTA dépasse 25% chez les adultes dans notre région et les moyens thérapeutiques font souvent défaut, laissant apparaitre de nombreuses complications cliniques. Le diagnostic clinique de l’AOMI étant souvent tardif, il nous a paru important, dans notre situation de dénuement thérapeutique,  de dépister l’AOMI chez les hypertendus et de et de rechercher les facteurs

 

L’artériopathie oblitérante chronique des membres inférieurs (AOMI) atteint 6,9 à 19,1% des sujets de plus de 40 ans [1,2,3] dans le monde occidental. Elle est responsable d’une morbimortalité 3 fois plus élevée que celle des sujets non porteurs d'AOMI [4]. L’hypertension artérielle (HTA) en est un facteur   étiologique   majeur avec   un     risque relatif supérieur à 2 [5]. Les études sur l’AOMI sont rares en Afrique subsaharienne et ARTERAFRIC la première d’entre elle [6] avait retrouvé l’HTA comme premier facteur étiologique. La fréquence de l’HTA dépasse 25% chez les adultes dans notre région et les moyens thérapeutiques font souvent défaut, laissant apparaitre de nombreuses complications cliniques. Le diagnostic clinique de l’AOMI étant souvent tardif, il nous a paru important, dans notre situation de dénuement thérapeutique,  de dépister l’AOMI chez les hypertendus et de et de rechercher les facteurs

Nature de l'étude

Il s’agit d’une étude transversale descriptive et analytique. Les patients ont été recrutés aux services de cardiologie du Centre National Hospitalier et Universitaire et de l’Hôpital d’Instruction des Armées de Cotonou.

 Critères d'inclusion et d'exclusion

 

L’inclusion a été systématique parmi les consultants et les hospitalisés. Ont été inclus tous les  patients adultes,  porteurs d’une HTA et qui sont suivis depuis au moins douze mois, à l’exception des cas d’HTA gravidique. Ont été exclus, tous les patients dont le dossier médical antérieur était inexploitable ou chez qui les données étaient incomplètes.

 

Données recueillies et leur collecte 

 

Les données cliniques et biologiques préexistantes colligées pendant toute la période de suivi de l’HTA ont été systématiquement recherchées dans le dossier médical et enregistrées par un interne sur un questionnaire préétabli. Il s’agit :

 

de l’âge, du sexe.

 

des données concernant l’HTA : sévérité, ancienneté, durée de suivi effectif, traitement, niveau de contrôle, complications.

 

des données concernant les facteurs classiques de risque cardio-vasculaire associés : dépistage, type de traitement suivi et observance, résultat thérapeutique.

 

du niveau de risque cardio-vasculaire global qui a été calculé à l’aide des tables de Framingham

 

Le contrôle de l’HTA a été considéré comme optimal lorsque l’objectif tensionnel prescrit par les recommandations internationales était atteint. Il a été considéré comme partiel lorsque qu’une baisse tensionnelle a été obtenue et a entrainé une rétrogradation d’au moins une classe de l’HTA sans atteinte de l’objectif tensionnel.

 

Les données sur le dépistage de l’AOMI ont aussi été systématiquement consignées sur le même questionnaire. Le critère diagnostic de l’AOMI est un index de pression systolique à la cheville (IPS) inférieur à 0,9. L’IPS a été mesuré par l’interne après une période d’apprentissage. La technique de mesure de l'IPS décrite par Boccalon  [7] a servi de référence. En pratique la mesure de la pression artérielle a été faite à l’aide d’un tensiomètre anéroïde et du Doppler de poche au niveau de l'artère humérale au bras droit puis au niveau des artères tibiales antérieure et postérieure de chaque jambe au niveau de la cheville. La mesure au bras est systématiquement vérifiée et en cas de discordance une 3ème mesure est faite et la moyenne des 2 chiffres les plus proches est retenue. Toute pression artérielle de cheville inférieure à la pression retenue au bras est systématiquement vérifiée et en cas de discordance le chiffre le plus élevé est retenu.

 

 

 

Traitement des données et analyse statistique

 

 

 

Les données ont été codifiées, saisies, et contrôlées à l’aide du logiciel SAS 9.1. Le test statistique de Khi-Deux de Pearson ou le test exact de Fisher, quand celui-ci était approprié, a été utilisé pour comparer les fréquences d’AOMI selon les facteurs socio-démographiques et cliniques. Les moyennes ont été comparées par le test t de Student.

 

Une analyse de régression logistique univariée a ensuite été conduite. Les facteurs associés à la présence d’AOMI  à l’analyse univariée au seuil p de 0,20 ont été introduits dans un modèle de régression multivariée pour rechercher les indicateurs potentiels de risque d’AOMI. La différence a été jugée statistiquement significative pour une valeur de p inférieure à 0,05. L’inclusion de termes d’interaction n’était pas appropriée ; l’interaction entre l’âge et l’ancienneté de l’HTA pour la survenue d’AOMI d’une part et celle entre l’âge et la durée de suivi d’autre part  ont été étudiées.

La population étudiée et ses caractères démographiques

 

Au total 201 patients hypertendus ont été retenus. L’âge moyen est de 58,7 ans ±11,85, la sex ratio de 0,96.

 

L’HTA

 

Il s’agit d’une HTA stade 1 dans 18,9%, stade 2 dans 51,7% et stade 3 dans 26,4%. L’ancienneté moyenne de cette HTA est de 8,9  ans ± 7,8 (1 à 37 ans). La durée moyenne de suivi est de 7 ans. Le traitement est régulier chez 71,1% des patients ; il contient un inhibiteur de l’enzyme de conversion chez 10,4% des patients. Le contrôle tensionnel est optimal chez 60,7% des patients et partiel chez 13,4%. 

 

 Le niveau de risque cardio-vasculaire

 

La répartition des patients selon le nombre de  facteurs de risque cardio-vasculaire associé est : HTA isolée 24,4% - 1 facteur 53,2 % - 3 facteurs 17,9% - au moins 1 facteur de risque associé 75,6 %.

La répartition selon la nature des facteurs de risque est la suivante : tabagisme 8,4% - dyslipidémie 8,4% - obésité 11,4%  (surpoids 51,7%) - diabète 13,9 % - augmentation du tour de taille 53,7%. Les patients porteurs d’un syndrome métabolique représentent 18,4% de la série.

 Des complications ont été retrouvées chez 42,8 % des patients.

La répartition du niveau de risque cardiovasculaire est : risque faible 28,3% - léger 32,8 % - modéré 29,3 % - élevé 9,4%.

 

 L’ACOMI  

 

L’IPS moyen à droite est de  0,98±0,13 (extrêmes : 0,50 et 1,66). A gauche  l’IPS moyen est de 0,96±0,12 (extrêmes 0,43 et 1,33). L’AOMI (IPS < 0,9)  a été diagnostiquée chez 52 patients soit une prévalence de 25,9 % environ (Intervalle de confiance à 95% : 20,00% - 32,50%).  Une rigidité artérielle (IPS > 1,3) est présente chez 5 patients soit environ 2,5%.

L’AOMI est bilatéral chez 29 patients soit 14,4% de l’échantillon et 55,8% des ACOMI. Elle est unilatérale droite chez 10 patients soit environ 5% de l’échantillon et 19,2% des AOMI ; elle est unilatérale gauche chez 13 patients soit 6,5 % de l’échantillon et 25 % des AOMI.

La répartition des cas d’AOMI selon la classification de Leriche et Fontaine est : 94,2% au stade I  - 3,8 au stade II -  1,9% au stade III.  

Variables associées à l’AOMI  

 

En analyse univariée

Age et sexe

 

Comme le montre le tableau n°1, il n'y a pas de relation significative entre le sexe et l'AOMI (p=0 ,6). Par contre, la présence d'AOMI est associée à un âge avancé ( p=0,02).        

          Variables de l’HTA 

Le tableau n°2 montre que :

 l’ancienneté (p=0,02) et la sévérité de l’HTA (p=0,04) au début du suivi sont significativement corrélées à la survenue d’AOMI.

Il y a une relation particulièrement significative entre la survenue d’AOMI et le niveau de maîtrise de la TA (p < 0,0001) ainsi que la survenue de complication (p=0,0008).

Les FDR

Le tableau n°3 montre une relation significative entre la survenue d’ACOMI et l’association d’un excès pondéral (p=0,03). La relation est particulièrement significative pour l’association du diabète (p< 0,0001) ou d’un syndrome métabolique (p< 0,0001).

 

En analyse multivariée

 

Le  tableau n°4 montre une augmentation de la survenue de l’AOMI avec l’ancienneté (p=0,05) et la gravité numérique de l’HTA(p=0,002). L’AOMI est aussi plus fréquente avec la survenue de complications (p=0,007) et le niveau de risque cardio-vasculaire (p=0,008) de l’hypertendu.

L’interaction entre l’âge et l’ancienneté de l’HTA n’était pas significative, celle entre l’âge et la durée de suivi non plus.

 

 

Prévalence et expression clinique de l'AOMI

Avec sa fréquence d’environ 26%, l'AOMI est très fréquente chez les hypertendus à Cotonou. Au Brésil comme en Chine les hypertendus semblent moins souvent atteints avec des prévalences respectives de 14,5% [8] et 8,7% [9]. Elle est asymptomatique dans 94% des cas, ce qui illustre bien que le dépistage s’impose aussi chez nous surtout que nos possibilités thérapeutiques sont limitées au stade avancé. Cette fréquence est à peine moins élevée que celle (33,3%) que nous avions retrouvée chez les diabétiques [10].

 

Impact des différents facteurs en analyse univariée

        

 Facteurs démographiques

 

L'augmentation de la prévalence de l'AOMI avec l'âge qui apparaît dans notre étude est un fait établi dans la plupart des études [1, 4]. Elle suggère une fréquence particulièrement élevée dans les décennies à venir, si des mesures énergiques de lutte n'étaient pas prises.   

 

Facteurs liés à l’HTA

 

 L’ancienneté de l’HTA, sa sévérité et la présence d’autres complications majorent la fréquence de l’AOMI. Cette constatation est la même que dans les études brésilienne [8] et chinoise [9]. Tous ces facteurs étant fréquents dans les séries d’HTA rapportées en Afrique une stratégie vigoureuse de prise en charge de l’AOMI est à mettre en place.

 

Autres facteurs classiques de risque cardio-vasculaire

 

La fréquence de l’AOMI n’est pas influencée dans cette étude par le tabagisme, l’augmentation du tour de taille et l’hyperlipidémie. Les facteurs qui majorent la survenue d’AOMI sont le diabète, l’excès pondéral et le syndrome métabolique. En ce qui concerne le tabagisme, la concordance de ce résultat avec celui trouvé chez nos diabétiques [10] mérite une investigation spécifique; il est en effet paradoxal car ailleurs dans le monde, le tabagisme est le facteur de risque le plus puissant et le plus fréquent d’AOMI [5, 11,12]. L’hyperlipidémie n’influence pas la fréquence de l’AOMI chez nos hypertendus contrairement à nos résultats chez les diabétiques. La constatation est inverse entre les hypertendus et diabétiques quant à l’influence de l’excès pondéral sur la survenue d’AOMI. Ces écarts entre nos études et entre celles-ci et la littérature méritent clarification. L’intégration de la multiplicité des FDR montre que l’élévation du risque cardio-vasculaire augmente la fréquence d’AOMI; cette fréquence atteint 39% chez les patients dont le risque est significatif (modéré et élevé) et 68% chez les patients à haut risque.

La similitude entre ce résultat et celui de Mourad et coll [13] est inquiétante pour notre région.

 

 L’analyse multivariée

 

L’analyse multivariée consolide la majoration de la fréquence d’AOMI par l’ancienneté de l’HTA, l’élévation des chiffres tensionnels, l’existence de complications et l’élévation du risque cardiovasculaire.

 

L’AOMI est très fréquente chez les hypertendus à Cotonou. Les principaux facteurs qui sont corrélés à sa présence sont l’ancienneté et la sévérité de l’HTA, la présence d’un diabète ou d’une complication et l’élévation du risque cardio-vasculaire. Elle est en général asymptomatique ce qui justifie la généralisation du dépistage.

 

 

Tableau 2

 

Relation entre l’AOMI et les caractéristiques de l’HTA

(analyse univariée  n=201)

 

 

 

Tableau 1

Etude de la relation entre l’âge, le sexe et l’AOMI (analyse univariée – n=201)

 

Tableau 3

 

 Relation entre l’AOMI et facteurs de risque

(analyse univariée n=201)

Tableau 4

Analyse multivariée  de la relation entre l’AOMI et les facteurs étudiés