L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE EN 2008 : DÉTERMINANTS BIOLOGIQUES ET GÉNÉTIQUES . HIGH BLOOD PRESSURE IN 2008: BIOLOGICAL AND GENETIC DETERMINANTS.
ANTCHOUEY A-M, HAMET P.
RÉSUMÉ
L’hypertension artérielle (HTA) correspond au niveau de pression artérielle au-delà duquel les organes vitaux sont en péril et, sont susceptibles de générer des troubles sévères. Plusieurs déterminants participent à sa genèse dont les déterminants biologiques et génétiques.
Cet article a pour objectif de passer en revue les déterminants biologiques et génétiques d’actualité dans l’HTA. Différents systèmes biologiques et substrats moléculaires sont impliqués dans la régulation de la pression artérielle. L’HTA chez l’Africain a certaines spécificités dont une sensibilité accrue et un défaut d’excrétion urinaire du sel, une activité rénine plasmatique basse et des taux d’endothéline plus élevés. Parmi les variables biologiques qui influent sur la pression artérielle l’uricémie, les gamma-glutamyltransférase devraient intégrer le bilan de routine des hypertendus. L’inflammation est une des théories les plus récentes émises dans la pathogénèse de l’HTA. Plusieurs études ont documenté un lien entre la C réactive protéine ultra-sensible et l’HTA.
L’HTA essentielle est une maladie multifactorielle dont le déterminisme est en partie génétique. A l’ère post-génomique, le génogramme reste un outil fiable et de qualité pour documenter l’histoire familiale d’HTA, l’héritabilité ou la part de la variance de l’HTA imputable aux gènes. Il permet de transcender les contraintes technologiques, humaines et financières inhérentes l’utilisation de tests génétiques. En Afrique sub-saharienne et dans un contexte de pays en développement, le contrôle de l’HTA passe l’identification des sujets à risque qui bénéficieront le plus des interventions spécifiques en matière de prévention et traitement et, des programmes de dépistage.
Mots-clés : HTA – Déterminants biologiques – Génétique – Génogramme– Afrique sub-saharienne
HIGH BLOOD PRESSURE IN 2008: BIOLOGICAL AND GENETIC DETERMINANTS
SUMMARY
High blood pressure (HBP) is the level of blood pressure beyond which organs are in danger and likely to generate severe disorders. Several determinants take part in its genesis among which biological and genetic determinants. This article aims to review biological and genetic determinants currently in touch in HBP.
Various biological systems and molecular substrates are implicated in arterial pressure regulation. In african population, HBP has some specificities like an increased salt sensitivity and a default of urinary excretion of salt, low renin plasmatic activity and higher rates of endotheline. Among biological variables which influence blood pressure, uricemia and gamma-glutamyltransferase should integrate the assessment of hypertensive subjects. In ammatory is one of the most recent theories in HBP pathogenesis. Several studies described a link between high sensivity C reactive protein and HBP.
Essential HBP is a complex disease of which determinism is partially genetical. In this post-genomic era, genogram remains a reliable tool to assess a family history of HBP. It makes possible to transcend technological, human and financial constraints link with the use of genetical tests. In sub-Saharan Africa and in a developing country context, the control of HBP requires identification of high risk population, which take more advantage to specific interventions as for prevention, treatment and systematic tracking.
Key words : HBP - Biological determinants - Genetics - Genogram - Sub- Saharan Africa.
INTRODUCTION
L’hypertension artérielle (HTA) est définie comme une élévation de la pression artérielle systolique (PAS) > 140 mmHg et de la pression artérielle diastolique (PAD) > 90 mmHg, au repos à au moins deux occasions successives. Bien que les valeurs de pression artérielle (PA) pour lesquelles les organes vitaux sont en péril et sont susceptibles lesquelles les organes vitaux sont en péril et sont susceptibles de générer des troubles sévères peuvent être encore plus basses, ces valeurs de PA sont généralement retenues comme indicateurs de la maladie hypertensive2. En dehors des HTA monogéniques et secondaires, l’HTA est un trait phénotypique complexe qui résulte de l’interaction entre les gènes et l’environnement. Plusieurs déterminants participent et interagissent dans la genèse de l’HTA. Il s’agit des déterminants intrinsèques à l’individu, de déterminants comportementaux et environnementaux, de déterminants biologiques et génétiques3.
Cet article est le second d’une série d’articles qui font un tour d’horizon sur les déterminants de l’HTA : le premier traite des déterminants intrinsèques, comportementaux et socio-économiques de l’HTA; celui-ci passe en revue les déterminants biologiques et génétiques de l’HTA.
LES COMPOSANTES BIOLOGIQUES DE L’HTA
La pression artérielle est la pression hydrostatique que le sang exerce sur la paroi d’un vaisseau sanguin. La pression artérielle systolique (PAS) correspond à sa valeur maximale dans l’aorte et les grosses artères systémiques – lors de la systole (contraction ventriculaire) tandis que la pression artérielle diastolique (PAD) correspond à la chute de la PA à son niveau le plus bas lors de la diastole (relaxation ventriculaire). La PA est déterminée par le débit cardiaque(quantité de sang propulsée par le ventricule gauche en une minute ) et les résistance vasculaires périphériques(RVP : résistance que les vaisseaux sanguins systémiques opposent à l’écoulement du sang). Selon la valeur des chiffres tensionnels, la PA est classée en quatre catégories (cf. tableau I) : la PA normale, la pré hypertension, l’HTA de grade 1 et l’HTA de grade 2 (JNC 7).
Tableau I
Classification de la PA (JNC 7)
Classe PAS (mmHG) PAD (mmHG)
PA normale < 120 et< 80
Pré hypertension 120 – 139 ou 80 – 89
HTA de grade 1 140 – 159 ou 90 – 99
HTA de grade 2 = 160 ou = 100
Systèmes biologiques impliqués dans la régulation de la PA
Plusieurs systèmes biologiques sont impliqués dans la régulation de la PA et donc dans la genèse de l’HTA. Il s’agit du système nerveux autonome via les catécholamines, de l’axe hypothalamo-hypophysaire via le cortisol, du système rénine angiotensine-aldostérone 4, endocrine et paracrine du système CV (dysfonction endothéliale, stress oxydatif), du système métabolique (canaux calciques, acide urique, adinopectine), du système kallikréine-kinine, du système endothélial (angiotensine 2, endothéline 1, anion superoxyde thromboxane A2, monoxide d’azote, prostacycline 2, facteur hyperpolarisant dérivé de l’endothélium) et du système immunitaire (CRP, protéine sérique amyloïde A ou SAA, albumine, leptine, protéines du choc thermique ou HSP5 , 6)
Les mécanismes impliqués dans la régulation de la PA et leurs substrats moléculaires
Les mécanismes impliqués dans la régulation de la PA sont essentiellement la modulation de la fréquence cardiaque et de la volémie qui contrôlent le débit cardiaque et, la vasodilatation, la vasoconstriction et la prolifération vasculaire, qui régulent les RVP. Ainsi :
- la fréquence cardiaque est modulée par les catécholamines;
- la volémie est modulée par l’aldostérone, les peptides natriurétiques auriculaires qui favorise l’excrétion de sodium et d’eau dans l’urine, la vasopressine ou hormone anti-diurétique qui favorise également la rétention d’eau(antidiurèse) et l’augmentation du volume circulant contribuant ainsi à l’élévation de la PAS 7 ;
- la vasodilatation est modulée par la bradykinine, les prostaglandines, l’endothelial derived relaxing factor (EDRF) ou monoxyde d’azote (NO 8, 9, et par les peptides natriurétiques auriculaires1 0
; - la prolifération vasculaire est sous le contrôle des facteurs de croissance insulinomimétiques, du facteur transformant ß (TGF-ß) 1 reconnu pour stimuler la synthèse de la matrice extracellulaire en augmentant la production du collagène de type I et IV et de la fibronectine en plus d’inhiber sa dégradation. Le TGF-ß est aussi reconnu pour jouer un rôle majeur dans l’action pro-fibrosante de plusieurs peptides vasoconstricteurs tels que l’angiotensine II et l’ET-1 et comme facteur hypertrophique au niveau des cellules musculaires lisses vasculaires, contribuant ainsi à l’augmentation de la résistance périphérique et à la progression de l’hypertension artérielle. La prolifération vasculaire est aussi sous le contrôle de l’hormone parathyroïde1 2 qui régule la calcémie et des tissus oncogènes ;
- enfin, l’intégration des mécanismes biologiques (prolifération vasculaire, accélération du cycle cellulaire, présence d’ostéoporose chez les hypertendus) à celui de la génétique et de la génomique expérimentales et humaines font formuler l’hypothèse du vieillissement accéléré par l’entremise du raccourcissement des télomères comme mécanisme physiopathogénétique de l’HTA1 3
Spécificités de l’HTA de l’Africain
Chez l’Africain, l’HTA semble avoir certaines spécificités1 4 dont une sensibilité accrue à la charge sodée et un défaut d’excrétion urinaire du sel, une activité rénine plasmatique basse et des taux d’endothéline plus élevés.
Une sensibilité accrue à la charge sodée et un défaut d’excrétion urinaire du sel15 Schématiquement, la sensibilité au sel témoigne de l’impossibilité pour l’organisme et essentiellement pour le rein d’adapter l’élimination du sodium à la quantité de sel apportée par l’alimentation. Il en résulte une rétention de sodium et d’eau, avec augmentation du volume sanguin circulant d’où HTA. Le défaut d’excrétion rénale du sodium est parfois le résultat d’une maladie rénale d’origine immunologique, infectieuse ou génétique touchant un ou plusieurs des mécanismes de régulation du sodium1 6. Chez l’hypertendu, il peut aussi être le résultat d’une longue adaptation de l’humanité aux conditions environnementales notamment climatique.
Une activité rénine plasmatique basse
La raison de la faible activité du SRAA chez les noirs n’est pas réellement connue et fait l’objet de nombreuses spéculation1 7. Une seule certitude existe : cette basse activité de la rénine a pour conséquence une rétention sodée, une hyper- volémie et une élévation de la pression artérielle1 8.
Des taux d’endothéline plus élevés19
L’endothéline (ET) est le plus puissant vasoconstricteur de l’organisme connu à ce jour20. L’ET est un acide aminé qui existe sous trois isoformes : ET-1, ET-2 et ET-3. Chez l’humain, l’expérimentation de l’ET est difficile car le contenu artériel en ET-1 est peu corrélé à sa concentration plasmatique et 80% de sa sécrétion vasculaire s’effectuent sur le versant non luminal de l’endothélium. Cependant, Cardillo et al2 1. ont démontré un excès d’activité vasoconstrictrice de l’endothéline endogène chez des patients hypertendus comparés à des sujets sains. Par ailleurs, chez les sujets hypertendus africains, des taux élevés d’endothéline ont été retrouvés alors que chez les normotendus aucune différence n’a pu être mise en évidence entre sujets caucasiens et africains2 2. L’endothéline serait une des causes des complications plus sévères de l’HTA observées chez les sujets de race noire2 3.
Les autres variables biologiques qui interfèrent avec la PA
Les dosages biologiques sont inhérents à toute démarche dia gnostique, pronostique et thérapeutique, de l’HTA. Certaines variables biologiques sont reconnues favoriser l’HTA. Il s’agit, entre autres, de la glycémie, des gamma- glutamyltransfe- rase (GGT), de l’uricémie et du cholestérol.
La glycémie
En effet, l’HTA fait souvent le lit et, est corrélée positivement à l’hyperglycémie et à l’hypercholestérolémie24 , 25. Au Gabon, l’association HTA et diabète a été retrouvée chez 40% des diabétiques et dans 60% des cas, l’HTA précédait le diabète2 6.
L’uricémie
L’acide urique serait un facteur de risque causal de l’HTA2 7 Le suivi d’une population de normotendus (cohorte de Framingham) aurait démontré une augmentation de l’incidence de l’HTA de 9,8 à 15,6% des quartiles les plus bas à ceux les plus élevés d’acide urique. Par ailleurs, une augmentation d’une unité d’acide urique était associée à un risque de développer une HTA2 8 , 2 9 de 17% plus élevé pour les normotendus et à un risque de 11% d’élever le grade de l’HTA chez des hypertendus3 0. Enfin, pour différents quartiles d’acide urique, le risque de pré HTA était de 1,56; 1,61 et1,96 fois plus élevés par rapport au quartile de référence3 1. Le mécanisme par lequel l’acide urique agirait sur la PA serait la dysfonction endothéliale, le remodelage vasculaire et le stress oxydatif3 2.
Les Gamma-glutamyltransferase (GGT Les GGT sont des indicateurs fiables de l’intoxication alcoolique chronique qui est un facteur de risque de l’HTA. Cependant l’association des GGT avec l’HTA, établie de longue date, se vérifie chez les alcooliques comme chez les non alcooliques. Ainsi, dans la CARDIA study (Coronary Artery Risk Development In young Adults), les risques de survenuede l’HTA à 15 ans, chez des sujets de 18 à 30 ans, étaient1,2; 1,7; 2,3 et 2,3 fois plus élevé chez ceux qui avaient des taux de GGT de 12, 17, 25 et 36 U/L respectivement (la
valeur normale du laboratoire était < 40 U/L) 3 3. De même, pour des sujets dont l’âge était de 25-34, 35-44 et 45-50 ans, l’incidence d’HTA était de 0.9, 2.2, 3.8% chez ceux qui avaient des GGT<20 U/l; elle était de 1.0, 4.1, 12.5% chez ceux qui avaient des GGT entre 20 et 39 U/l et de 1.9, 6.3, 17.2% chez ceux dont les GGT étaient = 40 U/l3 4. Enfin, dans une étude transversale sur une population asiatique, les différents quartiles de GGT étaient positivement corrélés au risque de pré HTA avec un risque relatif allant de 1,28 à1,84 selon les quartiles3 5. Les GGT sont non seulement un
témoin biologique hépatique du syndrome métabolique et de la stéatose qui lui est associée mais aussi un marqueur destress oxydatif3 6 et d’un processus d’élévation de la PA.
La C reactive protéine
L’inflammation est une des théories les plus récentes émises dans la pathogénèse de l’HTA 37, 3 8. En effet, chez l’adulte, l’HTA est associée à des valeurs élevées de C réactive protéine ultra sensible (CRPus), une protéine de l’in ammation3 9, mais le mécanisme de cette association est encore incertain4 0. Le dosage de la CRP qualitatif est très répandu en clinique pour la recherche ou le suivi d’un processus in ammatoire aigu, le suivi des maladies in ammatoires chroniques et de certaines pathologies oncologiques car c’est un examen fiable et fidèle. C’est dans les années 70 que les dosage quantitatif des concentrations plasmatiques de CRP a commencé. L’usage de la CRPus est plus récent dans le bilan des pathologies cardiovas- culaires, notamment coronariennes4 1 et hypertensives. Il doit être modulé cependant par tous les facteurs susceptibles de l’augmenter (obésité, tabagisme, syndrome métabolique) ou de la diminuer (activité physique, perte de poids, alcool etc.) 4 2.
Il existe différentes méthodes de dosage quantitatif de la CRP, comme la néphélométrie et la turbidimétrie. Les valeurs de références chez l’adulte4 3 sont une CRP < 0,5 mg/dl ou5,0 mg/l ou 47,6 nmol/l. Ces valeurs sont cependant souvent remises en question car elles ne prennent pas en compte les différences qui peuvent exister entre les différents groupes géo-ethniques et entre les hommes et les femmes. De fait, Wener et al. 4 4 propose comme valeurs de référence de la CRP chez les afro-américains adultes entre 25 et 70 ans : CRP= âge/30 (mg/dl) pour les hommes et CRP= âge/50 + 1(mg/dl) pour les femmes.
Plusieurs études ont documenté le lien entre la CRP et l’HTA Ainsi, la CRP est plus élevée chez les enfants dont les parents sont hypertendus que chez ceux dont les parents sont normotendus45. Elle est plus élevée chez les individus avec une pré HTA que chez les normotendus (OR= 1,36; IC (95%)= 1,14 – 1,62 pour la PAS; OR = 1,20; IC(95%) = 1,02 – 1,41 pour la PAD) 4 6. Dans une étude réalisée en Pologne4 7 sur plus de 2000 sujets, (les prévalences de l’HTA y sont similaires à celles retrouvées en ASS), les corrélations entre les PAS et PAD et la CRP étaient significatives surtout chez les femmes. De même, chez des patients nouvellement hypertendus et non encore traités, la CRP a été corrélée à la PAS et la pression pulsée4 8. Cependant, l’association de la CRP avec la PA ne persiste pas toujours après ajustement de certains déterminants 49,5 0els l’IMC, l’activité physique, le tabac, l’alcool, le diabète, les triglycérides, les HDL et le rapport taille/ hanches. La CRP est aussi associée à la variabilité de la PA ambulatoire5 1. Une étude réalisée chez 140 adultes normotendus a montré une association positive entre la variabilité de la PA, systolique autant que diastolique, de jour comme de nuit et ce, après ajustement pour l’âge, le sexe et l’IMC, entre autres. Une exception cependant : dans la MESAstudy, les hispaniques (dont les taux de CRP de base étaient les plus élevés parmi les différents groupes géo-ethniques étudiés) présentaient des taux de CRP similaires chez les normotendus et les hypertendus6 4.
Deux études d’intervention réalisées chez des patients hypertendus ont montré l’influence des traitements anti- hypertenseurs sur le taux de CRP : l’étude EUTOPIA a démontré une réduction significative de la CRP sous Olmesartan5 2 un antagoniste des récepteurs de l`angiotensine qui bloque l’effet de l’angiotensine II au niveau des récepteurs AT1 de l’angiotensine et l’étude REASON-CRP qui a démontré que l’association Perindopril© et Indapamide© (inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine + diurétique) réduisait significativement la CRP et proportionnellement la pression pulsée5 3.
Le mécanisme d’action de la CRP sur la PA est à ce jour in certain (dysfonction endothéliale, résistances vasculaire périphérique, stress oxydatif?). Il est clair cependant que l’athérosclérose (présence de plaque, épaisseur intima média ou rigidité aortique) n’en est pas la seule explication5 4. Enfin, les taux circulants de CRP seraient génétiquement déterminés chez certains individus hypertendus ou coronariens5 5.
LES COMPOSANTES GÉNÉTIQUES DE L’HTA
L’HTA est une maladie multifactorielle dont le déterminisme est en partie génétique. Plusieurs méthodes permettent de documenter cette composante génétique. Il s’agit de l’histoire familiale et des tests génétiques.
L’histoire familiale
L’histoire familiale est le re et de l’environnement, des comportements et du bagage génétique partagés. En témoignent les travaux pionniers de Biron et Mongeau5 6 sur des familles d’hypertendus où les corrélations de PA entre parents et enfants naturels étaient significatives tandis que celles entre parents et enfants adoptés ne l’étaient pas. Une histoire familiale d’HTA est un facteur de risque d’HTA1 pour ses membres.
L’histoire familiale est souvent schématisée par un génogramme, lequel facilite le recueil, l’organisation et l’utilisation des données familiales. Le génogramme est un arbre généalogique sur au moins trois générations qui comporte les dates et événements importants survenus au sein de la famille, les relations émotionnelles entre enfants, parents et grand-parents, les données biomédicales et certaines données sociales5 7, 5 8.
De manière classique, l’histoire familiale positive pour une pathologie complexe est documentée par la survenue à un âge précoce, chez les parents et/ou les enfants d’une maladie symptômes ou syndrome) et/ou par le nombre de sujets d’une fratrie atteints. A partir d’un échantillon de 4035 adultes tirés de la cohorte de la HealthStyles 2003, Scheuner et al 59 ont fait la démonstration qu’une histoire familiale positive– de maladies coronariennes – pouvait être documentée par d’autres paramètres tels :
- le niveau de parenté : parenté de 1er degré (père, mère, enfant ou frère et sœurs) ou parenté de second degré (oncles, tantes, cousins, cousines, grands-parents) ;
- le type de parents affectés : parents ou enfants, parents et enfants (valable que pour la parenté de 1er degré) ;
- la lignée parentale affectée (maternelle, paternelle, maternelle et paternelle).
En plus des conventionnels nombre de parents affectés et âge de survenue de l’événement chez les parents affectés. A l’instar des tests de génétique prédictive, l’élaboration d’un génogramme peut avoir des implications légales et sociales. Ces retombées peuvent être bénéfiques (prévention, traitement précoce) ou nuisibles (discrimination, stigmatisation) pour les individus et/ou leurs familles. De fait, il faut anticiper ces retombées et prévoir les ajustements à réaliser suite à l’élaboration du génogramme (sécurisation des données, gratuité du dépistage, disponibilité et accessibilité des interventions à visée préventive, antenne de soutien psychologique etc.). En ce qui concerne l’HTA, le nombre de parents hypertendus a un impact sur le niveau de PA. Dans l’étude de Lascaux-Lefebre et al6 0, après ajustement pour les variables comportementales (sédentarité, alcoolisme et tabagisme), sociales (revenu et éducation) et biologiques (hypercholestérolémie et glycémie), le nombre de parents hypertendus augmentaient le risque de survenue de l’HTA : OR95% - 1 parent ~ OR95% - 2 parents= 1,88 (1,23 – 2,86) ~ 3,21 (1,37-7,52) chez les hommes et2,38 (1,64 – 3,45) ~ 6,49 (2,91 –14,50) chez les femmes. Dans l’étude menée au Japon par Tozawa et al. 6 1, le risque de survenue d’HTA était de 2,74 (2,43 – 3,10), 4,62 (3,62 –5,90) et 6,04 (3,51 –10,4) pour respectivement un, deux et trois parents hypertendus. Cependant pour la PA ambulatoire ; cette relation n’est vérifiée que chez les hommes6 2.
L’âge de survenue de l’HTA dans la parenté influe aussi sur le risque de survenue d’HTA. La contribution de l’âge de la parenté au risque de survenue d’HTA est documentée dans l’étude de Lascaux-Lefebre et al. 6 0 plus haut citée. En effet, le risque relatif d’HTA n’était augmenté de manière significative que chez ceux dont les parents avaient été hypertendus avant 60 ans (OR 95% = 2,09 (1,42 – 3,09) pour les hommes et 2,77 (1,95 – 3,93) chez les femmes).
L’in uence du type de parents affectés dans l’HTA familiale est démontrée dans une étude africaine conduite sur des femmes ghanéennes6 3: le risque associé à la présence d’un frère hypertendu était de 7.18 (OR-95%; IC :3.09 - 16.69) et à une sœur hypertendue de 3.67 (OR-95%; IC :1.94 - 6.97). Soulignons cependant que dans deux études africaines où la définition des paramètres d’une histoire familiale positive se limitait à la présence de la pathologie chez un parent (père, mère, frère, sœur ou grand-parent) sans égard pour l’âge de survenue de l’HTA, une histoire familiale d’HTA chez les parents n’était pas prédictive d’HTA chez les enfants. Il s’agit de l’étude de van der Sande en Gambie (OR= 0,95 IC 95%= 0,59-1,53) 6 4 et de Duda au Ghana (OR si père hypertendu= 1.34-IC95%: 0.88 - 2.04); OR si mère hypertendue = 1.21- IC95% : 0.80 - 1.82) 6 3.
L’étude génétique de l’HTA
Stratégies d’étude
Plusieurs stratégies sont utilisées pour identifier les gènes responsables de l’HTA.
- La stratégie du ‘gène candidat’6 5: les gènes testés sont uniquement ceux dont on sait que les protéines correspondantes jouent un rôle dans la régulation de la PA (gènes du système rénine angiotensine aldostérone, de l’adducine, de certaines unités du canal sodium épithélial etc.). Les fréquences alléliques des marqueurs sont testées et comparées chez des hypertendus et leurs témoins normotendus. Outre sa fiabilité, cette technique est appréciée pour son coût modique. Cependant l’on sait actuellement que seule une infime partie du matériel génétique est contenue dans les protéines qui codent pour les gènes d’où les limites de cette stratégie66 et le recours à la génomique :
- l’étude du ‘locus candidat’ : des régions particulières de gènes sont testées par les régressions linéaires des marqueurs anonymes en fonction des phénotypes quantitatifs. En plus de localiser les loci impliqués dans l’HTA, cette stratégie permet d’apprécier leur importance fonctionnelle relative. Elle s’est révélée particulièrement intéressante dans l’étude de populations homogènes (comme celle du Saguenay– Lac Saint-Jean) où des loci codant pour l’HTA et certaines composantes du syndrome métabolique ont pu être localisés et quantifiés6 7 :
- l’étude systématique de tout le génome : les marqueurs génétiques testent l’ensemble du génome pour tenter d’identifier des régions chromosomiques porteuses de gènes de l’HTA. Cette approche, séduisante pour sa sensibilité a parfois donné des résultats faussement positifs. Les résultats obtenus à ce jour permettent cependant d’affirmer que le chromosome 9 est une zone d’intérêt pour la PAD de même que les chromosomes 5, 10 et 17 pour la PAS6 9. Par ailleurs, le chromosome Y serait d’intérêt en interaction avec le chromosome 12 pour la PAD6 8.
Tableau II
Exemples de gènes candidats potentiels pour l’HTA (adapté de Naber CK et Siffert W70)
Systèmes et mécanismes Gène candidat sélectionné Chromosome
SRAA Angiotensinogène (AGT) 1
Enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE) 17
Récepteur de type 1 de l’angiotensine (AT1R)
Aldostérone synthétase (CYP11B2) 8
Système nerveux sympathique Récepteur 2b adrénergique (2AR) 2
Récepteur ß1 adrénergique (ß1AR) 10
Récepteur ß2 adrénergique (ß2AR) 5
Peptides vasoactifs Oxyde nitrique endothélial synthétase (NOS3) 7
Carbamyl phosphatase synthétase (CPS1) 2
EDRF synthétase (CYP2C8) 10
Protéines de signalisation G Sous-unité ß3 (GNß3) 12
Récepteur kinase 4 couplé à la G protéine (GKR4) 4
Il faut cependant toujours garder présent à l’esprit que déterminisme est modulé par l’interaction d’un ou plusieurs gènes avec l’environnement. Environ 50% de la variance de la pression artérielle dans la population serait d’origine génétique et 50% d’origine environnementale67.
CONCLUSION
Ce tour d’horizon des déterminants biologiques et génétiques ne se veut pas une revue exhaustive mais plutôt un éclairage sur les déterminants biologiques et génétiques de l’HTA. Certains devraient être intégrés de manière plus systématique dans la prise en charge des hypertendus afro- africains. Ainsi l’uricémie et les GGT devraient faire partie de l’arsenal biologique que le médecin doit contrôler chez tout hypertendu : de coût modique, facilement réalisables dans les structures sanitaires, ces variables biologiques participent du déterminisme et/ou sont des biomarqueurs du processus physiopathologique de l’HTA. Par ailleurs la théorie inflammatoire de l’HTA étant plus que jamais d’actualité, la relation entre la CRPus et l’HTA mérite d’être mieux documentée sur les populations africaines qui vivent en milieu infectieux endémique et probablement dans un environnement inflammatoire chronique. Cette théorie inflammatoire est peut-être une des explications à l’explosion des maladies chroniques dans les PVD. Enfin, le décryptage du génome humain en 2003 n’a permis de découvrir qu’une partie de l’iceberg génétique. Cela ne doit pas empêcher les médecins d’ASS d’entrer dans l’ère post-génomique avec le génogramme. Ce dernier est un outil fiable, facilement accessible au plus grand nombre et de moindre coût. Il permet de prédire, au niveau individuel, l’excès de risque associé à une histoire de santé familiale positive et, est donc utilisable en pratique clinique. Dans un contexte de besoins en santé multiples et de ressources limitées, le contrôle de l’HTA en ASS passe l’identification des sujets à risque qui bénéficieront le plus des interventions spécifiques (prévention et traitement) et, des programmes de dépistage.
Remerciements
Ce travail a pu être réalisé grâce à une subvention de recherche du laboratoire Servier Amérique.
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