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Cas Clinique . Un diagnostic peut en cacher un autre : état de mal syncopal sur bloc auriculo-ventriculaire révélant une embolie pulmonaire.

 

Clinical Report . A diagnosis hiding another: syncopal condition on atrioventricular block revealing pulmonary embolism.

 

BODIAN M1, AW F1, YÉKINI C1, SYLLA IS21*, SARR SA1, BÈYE SM4, DIOUF Y1, SANGARÉ Z1, NDIAYE M1, DIOUF MT1, GUINDO A1, NDIAYE MB1, NGAIDÉ AA2, DIOUM M3, MBAYE A2, KANE AD4, DIAO M1, BA SA1

 

RESUME

 


L’embolie pulmonaire est une affection fréquente caractérisée par un polymorphisme clinique. Nous rapportons un cas d’embolie pulmonaire révélé par un bloc auriculo-ventriculaire en état de mal syncopal. Il s’agit d’un patient âgé de 51 ans, sans antécédent pathologique particulier, chauffeur de taxi de profession admis à la garde pour syncopes répétées survenues vers 2 heures du matin. L’examen notait une bradycardie importante permanente à 24 battements par minute et l’électrocardiogramme inscrivait un bloc auriculo-ventriculaire complet. Le patient a eu en urgence un entrainement électro-systolique. Au cours de la surveillance à J1 d’hospitalisation, on a noté un passage régulier et de plus en plus durable en rythme sinusal. L’échocardiographie à J2 a montré la présence d’un volumineux thrombus polylobé, mobile, dans les cavités droites, s’étendant de l’oreillette droite au ventricule droit à travers la valve tricuspide. Un traitement fibrinolytique à base (Streptokinase 1.500.000 UI) fut administré.

L’évolution était favorable avec retour en rythme sinusal et absence de caillot dans les cavités droites aux contrôles échocardiographiques à J2et J5 post-fibrinolyse. Le caractère atypique des manifestations de l’embolie pulmonaire contribue à retarder son diagnostic. Cependant les examens d’imagerie permettent de redresser le diagnostic et d’optimiser le traitement.

 

 

MOTS CLES

Syncopes -bloc auriculo-ventriculaire - embolie pulmonaire

 

SUMMARY

 

Pulmonary embolism is a common condition characterized by clinical polymorphism. We report one case of pulmonary embolism revealed by syncopalatrio-ventricular block. Thisisa 51-year-old patient, with no particular pathological history, a professional taxi driver admitted for repeated syncope at 2 am. The examination noted a permanent significant bradycardia and the electrocardiogram showed a complete atrioventricular block. The patient had urgent electro-systolic training. After one day of hospitalization, there was a return in sinus rhythm. Echocardiography at day 2 after hospitalization showed the presence of a large, mobile, multi-lobed thrombus in the right cavities, extending from the right atrium to the right ventricle through the tricuspid valve. A fibrinolytic treatment based (Streptokinase 1,500 000 IU) was administered. The evolution was favorable with return to sinus rhythm and absence of clot in the right cavities at the echocardiographic controls at day 2 and day 5 post-fibrinolysis. The atypical character of the manifestations of pulmonary embolism helps to delay its diagnosis. However, imaging tests help to correct the diagnosis and optimize the treatment.

 

KEY WORDS

Syncope - atrioventricular block - pulmonaryembolism.

 

1.  Service cardiologie, CHU Aristide le Dantec

2.  Service de Cardiologie, Hôpital Général de Grand Yoff

3. Service de Cardiologie, CHNU de Fann

4. Cardiologie, CHR de Saint-Louis du Sénégal

Adresse pour correspondance :

Dr Ibrahima Sory 2 SYLLA,

 DES Cardiologie-Dakar,

 Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

INTRODUCTION

 

 

L’embolie pulmonaire (EP) est une affection fréquente dont le diagnostic peut être difficile du fait du tableau clinique très variable. La survenue d’une syncope et d’un bloc auriculo-ventriculaire complet associé à une embolie pulmonaire est très rare. Quelques cas ont été rapportés dans la littérature  (1-3). Cette association  déroute le diagnostic initial de l’embolie pulmonaire et est à l’origine d’une mortalité importante estimée à 40% en cas de retard de celui-ci. Dans certaines séries autopsiques, le diagnostic ante-mortem d’embolie pulmonaire a été établi que dans 30% des cas (4). L’échocardiographie Doppler est un examen important qui permet d’évaluer son retentissement sur les cavités droites : surcharge ventriculaire droite, hypokinésie de la paroi libre, dysfonction systolique du ventricule droit. Elle est ainsi capitale pour l’évaluation pronostique à court terme (1). Au-delà, elle peut mettre en évidence des thrombi intra-cavitaires, ce qui est le cas chez 4 à 18% des patients avec une proportion croissante du fait de l’accessibilité et de la performance des examens ultrasonographiques (1).Si le pronostic défavorable de ces situations est bien établi, leur prise en charge est loin d’être consensuelle. Entre traitement héparinique, fibrinolyse et embolectomie, les données de cas rapportés et des méta-analyses semblent disparates. En l’absence de grandes études, l’approche thérapeutique au cas par cas semble être de mise.

Nous rapportons le cas d’un patient de 51 reçu pour des syncopes sur bloc auriculo-ventriculaire complet ayant bénéficié d’une sonde temporaire et chez qui l’échographie cardiaque a mis en évidence un volumineux thrombus mobile dans les cavités droites.

 

OBSERVATION

 

Il s’agit d’un patient âgé de 51 ans de bas niveau socio-économique, chauffeur de taxi, sans antécédent pathologique particulier, avec une notion de fièvre vespéro-nocturne 1 semaine au paravent, admis pour des épisodes syncopaux répétitifs ayant débuté vers 2 heures du matin. Les syncopes sont à type de perte de connaissances brèves avec convulsions tonico-cloniques sans perte d’urines ni morsure de  langue, ni de coma postcritique. L’examen clinique objectivait une bradycardie auscultatoire importante persistante à 24 battements/min avec variation de l’intensité du 1er  bruit (bruit de canon), une fréquence respiratoire à 23 cycles/min, une TA à 130/70 mmHg. Il n’y avait pas de signe périphérique d’insuffisance cardiaque.

L’électrocardiogramme (ECG) à l’admission inscrivait un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) complet à 24 cycles/min avec des complexes larges (figure 1). La fréquence atriale était à 100 cycles/min.

A la biologie, on notait une hyperleucocytose à 11.000/mm3, une fibrinémie à 4,26 g/l et une CRP positive à 49 mg/l et une vitesse de sédimentation accélérée à 52 mm. La créatininémie était élevée avec une clairance en 58ml/min. la sérologie de la maladie de Lyme n’a pas pu être faite faute de moyen financier.

L’échocardiographie transthoracique (ETT) réalisée le lendemain a objectivé dans les cavités droites un volumineux thrombus s’étendant de l’oreillette droite (OD) au ventricule droit (VD) à travers la valve tricuspide. Ce thrombus était polylobé et mobile, s’étendant  plus dans le VD en diastole (figure 2 et 3). La fonction systolique longitudinale du VD était modérément altérée. Le ventricule gauche était normal.

En urgence, le patient a bénéficié de la mise en place d’un pace maker temporaire et une antibiothérapie prophylactique à base de la ceftriaxone 2g/24h a été instaurée.  Devant la découverte du thrombus, un traitement fibrinolytique à base de Streptokinase 1.500.000 UI en 2 heures fut administré précédé de 200 mg d’hydrocortisone suivi d’une anticoagulation à l’héparine avec relais par de l’acénocoumarol.

L’évolution favorable malgré l’accentuation de sa dyspnée (FR à 28 cycles/min) a été marquée dès le jour de l’admission par l’arrêt des syncopes, le retour progressif en rythme sinusal qui entrait en compétition avec le rythme électro-entrainé (figure 4).Devant l’expression croissante du rythme sinusal, une évaluation rythmique sur 24 heures, après réduction de la stimulation temporaire à 30/min, a été faite pour décider de l’opportunité d’une stimulation définitive. Elle notait une commande sinusale sur tout le nycthémère avec un BAV du 1er degré (PR à 320 ms). A la biologie, les leucocytes étaient normaux à 6.000/mm3. L’échocardiographie montrait une absence de thrombus dans les cavités droites aux contrôles à J2 et J8 post-fibrinolyse. La sonde temporaire a été ablatée au 6ejourpost-thrombolyse et l’ECG inscrivait un rythme sinusal régulier (figure 5).

Une échographie Doppler veineuse des membres inférieurs réalisée après l’ablation de la sonde temporaire a mis en évidence une thrombose veineuse profonde de la fémorale superficielle du membre  inferieur gauche.

On n’a pas noté de facteur de risque de la maladie veineuse thrombo-embolique en dehors de sa profession, chauffeur de taxi, l’amenant à rester assis plusieurs heures. Le bilan de thrombophilie n’a pas pu être fait.

Son exéat fut fait au 16e jour d’hospitalisation sous anticoagulation efficace. Son dernier INR était à 2,76 sous 4 mg d’acénocoumarol sa sortie de l’hôpital. Le contrôle à 3 mois note un patient stable, sans plainte avec un INR à 2,42 sous 3 mg d’acénocoumarol. Son ECG inscrivait un rythme sinusal régulier (à 62 cycles par min) associé à un BAV I et à un bloc de branche droit complet (figure 6).

 

COMMENTAIRES

 


L’association d’un trouble de la conduction intracardiaque notamment le bloc auriculo-ventriculaire complet et d’une embolie pulmonaire est exceptionnelle(5). Le diagnostic d’embolie pulmonaire est le plus souvent difficile  à établir à cause de son polymorphisme clinique mais aussi de la présence ou l’absence d’autres pathologies(6).Comme décrit dans la littérature, la survenue d’une syncope est liée à un trouble conductif sévère et sa présence  pose des difficultés pour établir le diagnostic approprié d’une EP(6).Dans notre cas, la syncope était au-devant de la scène avec une fréquence ventriculaire très lente nécessitant un entrainement électro systolique temporaire(2).Par ailleurs, les anomalies électriques sont variées dans l’embolie pulmonaire aiguë et ont une importance relativement mineure au diagnostic. Le bloc de branche droit en est le résultat caractéristique et implique une atteinte  massive des  artères pulmonaires et il est observé dans 16 -26 % des cas (7). Le  bloc de branche droit semble être attribué à un phénomène purement mécanique résultant de la compression soudaine du septum interventriculaire secondaire à la surcharge aiguë des cavités droites provoquée par l’embolie pulmonaire. Chez notre patient, le mécanisme de ce bloc auriculo-ventriculaire n’est pas clair. Nous pensons en outre du phénomène mécanique, que notre patient avait probablement une lésion préexistante de la branche droite du faisceau de His .En effet, certains cas ont été rapporté en attribuant le bloc auriculo-ventriculaire complet à la lésion de la branche droite du faisceau de His (5).Bien que le bloc auriculo-ventriculaire complet soient très rares dans l’embolie pulmonaire, il serait responsable de la survenue de la syncope (5). Dans  l’embolie  pulmonaire lorsqu’un embole se loge  dans une grande branche il peut déclencher un état d’hyperactivité adrénergique entrainant une augmentation de la contractilité ventriculaire gauche avec restriction du remplissage diastolique. Cela peut conduire à une augmentation de la réponse vagal efférente entrainant une diminution de la fréquence cardiaque, un retard de la conduction  auriculo-ventriculaire et une diminution du tonus sympathique entrainant la syncope (2, 8, 9).C’est cette hypothèse qui a été retenue chez notre patient. Cependant, après avoir établi le diagnostic par la découverte à l’échocardiographie des thrombi dans les cavités droites et le traitement par la fibrinolyse, le patient est passé progressivement en rythme sinusal avec un bloc auriculo-ventriculaire du premier degré résiduel. Ce qui a conduit à l’ablation de la sonde d’entrainement électro-systolique. L’ECG à 3 mois (figure 4) notait une persistance du rythme sinusal associé à un BAV du premier degré et un bloc de branche droit complet. Le tableau clinique avec lequel est arrivé notre patient notamment l’état de mal syncopal, impose une prise en charge symptomatique par l’entrainement électro-systolique. Devant l’âge, une enquête étiologique est nécessaire à la recherche d’une pathologie curable dont la prise en charge éviterait une stimulation définitive. Certains auteurs ont rapporté un traitement axé uniquement sur le trouble conductif avec implantation de pacemaker, et que le diagnostic d’embolie pulmonaire massive a été établi à l’autopsie (7-10).Dans notre contexte où l’angioscanner peut ne pas être disponible, l’échographie cardiaque peut être d’un grand apport en  cas de suspicion d’embolie pulmonaire à haut risque de décès précoce. Cet examen nous a permis de redresser notre diagnostic afin de faire une prise en charge adéquate. L’approche thérapeutique utilisée dans l’embolie pulmonaire à haut risque est la thrombolyse et peut même être adopté sur la seule base de signes échographiques (11).

 

CONCLUSION

 


L’embolie pulmonaire est une cause rare de trouble conductif sévère notamment le bloc auriculo-ventriculaire complet. Cependant, le contexte clinique doit alerter le clinicien. Dans ce cas, le traitement réside à  une fibrinolyse relayé par une anticoagulation curative. L’implantation d’un stimulateur cardiaque améliore la syncope, par contre elle n’a aucun effet sur le pronostic.

 

Figure 1 : électrocardiographique de notre patient à l’admission montrant en bloc auriculo-ventriculaire complet à QRS large avec une fréquence ventriculaire très basse à 25 cycles/min

 

Figure 2 : image d’échographie cardiaque en coupe petit axe  trans-aortique montrant la présence d’un thrombus serpenté dans oreillette droite prolabant dans le ventricule droit.

 

 

Figure 3 : image d’échographie cardiaque en coupe para-sternale gauche tronquée montrant le thrombus dans les cavités droitess’étendant de l’oreillette au ventricule à travers la valve tricuspide.

 

Figure 4: électrocardiogramme en post stimulation temporaire immédiat inscrivant un rythme électro-entrainé avec défaut d’écoute devant un QRS spontané.

 

Figure 5 : Electrocardiogramme avec les dérivations périphériques à J2postfibrinolyse montrant un rythme spontané sinusal exclusif avec un bloc auriculo ventriculaire premier degré.

 

Figure 6 : Electrocardiogramme à 3 mois de suivi inscrivant un rythme sinusal permanent avec un bloc auriculo ventriculaire premier degré et un bloc de branche droit complet.

 

REFERENCES

 

 

1.Martí J, Casanovas N, Recasens L, Comín J, García A, Bruguera J. Complete Atrioventricular Block Secondary to Pulmonary Embolism. Rev Esp Cardiol. 2005; 58 (2):230-2.

2.Wilner C, Garnier- Crussard JP, Huygue De Mahenge A et al. Paroxysmal atrioventricular block, cause of syncope in pulmonaryembolism 2 cases. Presse Med 1983 ; 12 :2987-9.

3.Marti J, Casanovas N, Recasens L, Comin J, Garcia A, Bruguera J. Complete atrioventricular block secondary to pulmonary embolism. Rev EspCardiol 2005; 58:230-2.

4.Mukerji R, Stahlheber CI, Weachter R. Complete heart block as a presentation for acute pulmonary embolism. Chest 2010; 138: 5A.

5.Morgen Thaler TI, RYU JH. Clinical characteristics of fatal pulmonary embolism in a referral hospital.1995;70: 417-421.

diagnostic evaluation. Ann Emerg Med 2001; 37:504-14.

7.Petrov DB. Appearance of right bundle branch block in a electrocardiograms of patients with pulmonary embolism as a marker for obstruction of the main pulmonary trunk. J electrocardiol 2001;  34: 185-8.

8.Simpson Jr RJ, Prodolak R, ManganoJr CA, Foster JR, Dalldorf FG. Vagal syncope during recurrent pulmonary embolism. JAMA1983; 249:390-3.

9.Eldadah ZA, Najjar SS, Ziegelstein RC. A patient with syncope, only ‘’vagally’’ related to the heart. Chest 2000; 117: 1801-3.

10.Akinboboye OO, Brown JrEj, Queirroz R et al. recurrent pulmonary embolism with second – degree atrioventricular block and near syncope. Am Heart J 1993; 126:731-2.

11.Task Force Report. Guidelines on diagnosis and management of acute pulmonary embolism. European society of cardiology. Eur heart J 2000; 21:1301-36.