Morbidité et mortalité de la chirurgie cardiaque congénitale: À propos des 49 premiers cas opérés au Centre Cardio-pédiatrique Cuomo (Dakar): étude rétrospective sur 9 mois (janvier à septembre 2017).
Morbidity and mortality from congenital heart surgery: About the first 49 cases operated at the Cardiopediatric Center Cuomo (Dakar): a retrospective study over 9 months (January to September 2017).
PA DIAGNE, MS DIOP, PS BA, PO BA, EHB BA, EB SENE, A DIAGNE, M LEYE, AG CISS.
RESUME
Objectifs : Évaluer les résultats de la chirurgie cardiaque pédiatrique 9 mois après l’ouverture du Centre Cardio-pédiatrique Cuomo.
Patients et Méthodes: Étude rétrospective monocentrique sur 49 enfants opérés de cardiopathies congénitales. Une fiche Excel a été établie pour recueillir et analyser statistiquement les données. Une analyse comparative a été effectuée entre 2 groupes : le groupe avec des complications (MORBIMORTALITE) et le groupe sans complications (SUITESSIMPLES).
Résultats : Les pathologies opérées étaient des cardiopathies cyanogènes (15,5%), de shunts gauche-droit (33,3%) et de malformations obstructives (9,5 %). La morbidité était de 46,9 % en réanimation. Les Pressions Artérielles Pulmonaires Systémiques (PAPS) étaient plus élevées dans le groupe MORBIMORTALITE (70 mmHg) comparé au groupe SUITESSIMPLES (25 mmHg). La durée du séjour en réanimation était significativement plus allongée dans le groupe MORBIMORTALITE (5.1 vs 2.6 jours, p=0,0027) ainsi que la durée d’hospitalisation (16.1 vs 9 jours, p = 0, 0004). La mortalité globale était de 2 %.
Conclusion : La chirurgie des cardiopathies congénitales est praticable au Sénégal avec des résultats satisfaisants. Une bonne analyse des caractéristiques des patients ayant une complication ou décédés peut permettre une meilleure prise en charge.
MOTS CLES
Cardiopathies congénitales, chirurgie cardiaque, morbidité, mortalité.
SUMMARY
Objectives: To evaluate the results of congenital cardiac surgery over 9 months after the opening of the Cuomo Cardio-Paediatric Center.
Patients and Methods: Single-center retrospective study of 49 children operated for congenital heart disease. A comparative analysis was carried out between 2 groups: the group with complications (MORBIMORTALITE) and the group without complications (SUITESSIMPLES).
Results: These were cyanogenic heart disease (15.5%), left-to-right shunts (33.3%) and obstructive malformations (9.5%). There was a complication in 46.9 % of cases in intensive care. Systemic Pulmonary Arterial Pressures were higher in the MORBIMORTALITE group (70mmHg) compared to the SUITESSIMPLES group (25mmHg). The length of stay in intensive care unit was significantly longer in the MORBIMORTALITE group (5.1 vs 2.6 days, p=0,0027) and the duration of hospitalization (16.1 vs 9 days, p = 0, 0004). Overall mortality was 2 %.
Conclusion: Surgery for congenital heart disease is practicable in Senegal with satisfactory results. A better knowledge of the characteristics of patients with a complication or deceased can allow a better management.
KEY WORDS
Congenital heart disease, heart surgery, morbidity, mortality.
Centre Cardio Pédiatrique CUOMO, département de
Chirurgie Thoracique et Cardiovasculaire,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal
Adresse pour correspondance
Dr DAHIA Cheikh Tourad
Papa Amath Diagne
Tel : +221 776502551
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INTRODUCTION
Au Sénégal, les cardiopathies congénitales représentent 0,6 % des naissances vivantes et 10 % des hospitalisations [1]. La chirurgie dans les cardiopathies congénitales permet de restaurer une physiologie compatible avec la vie ; Elle est soit palliative soit correctrice, anatomique ou non permettant un développement de l’enfant. La complexité de cette chirurgie associée à la fragilité des enfants fait qu’elle est effectuée dans des centres spécialisés avec une équipe dédiée. Elle est pratiquée aujourd’hui par une équipe locale au centre cardio-pédiatrique de Cuomo du Centre Hospitalier National Universitaire de Fann à Dakar (Sénégal) qui a ouvert en janvier 2017. Mais cette chirurgie comporte de nombreuses complications (rénales cardiovasculaires, pulmonaires, infectieuses, etc... [2]) relevant de l’état cardiaque sous-jacent et de la Circulation Extra-Corporelle (CEC). La mortalité liée à̀ cette chirurgie a fortement baissé depuis ses débuts. Son taux est déterminé par l’âge, l’existence de comorbidités cardiaques ou extracardiaques, le retentissement de la cardiopathie sur le myocarde [3]. Une évaluation minutieuse préopératoire et une stratégie thérapeutique péri-opératoire rigoureuse sont impératives pour la prévention, la détection précoce et/ou la prise en charge efficiente de ces complications [3]. L’objectif de ce travail est d’étudier la morbidité et la mortalité à court et moyen terme et de rechercher des facteurs liés à cette morbi-mortalité.
METHODE
C’est une étude descriptive et rétrospective portant sur les dossiers des patients hémodialysés à l’hôpital militaire de Nouakchott du 01 janvier 2018 au 30 juin 2018. Etaient inclus, tous les patients en hémodialyse chronique durant la période d’étude et dont les explorations cardiaques et rénales étaient disponibles. Les paramètres étudiés étaient : l’âge, le sexe, l’origine géographique, les habitudes alimentaires, la néphropathie initiale, la durée en dialyse, les antécédents familiaux, la pression artérielle moyenne au cours de la séance d’hémodialyse, la fréquence de la dialyse ; une valeur supérieure ou égale à 1,2 a été retenue comme correcte. L'hypertrophie ventriculaire gauche était définie par une masse ventriculaire gauche indexée à la surface corporelle supérieure à 130g/m2 chez l'homme et 100g/m2 chez la femme. L'hypertension artérielle pulmonaire était définie par une pression artérielle pulmonaire systolique supérieure à 35 mm Hg. Tous les patients ont bénéficié d'une radiographie du thorax de face, d'un électrocardiogramme et d'une échographie
cardiaque. Les paramètres suivants ont été évalués à l’échographie Döppler cardiaque : le diamètre de l'oreillette gauche, le diamètre du ventricule gauche en diastole, la mesure de la pression de remplissage du ventricule gauche, la mesure de la fonction systolique du ventricule gauche par la méthode de Simpson, le gradient OG/VG, et VG/AO, la pression pulmonaire systolique. Les dossiers des patients incomplets et les résultats reçus tardivement sont été exclus de l’étude, La saisie et l’analyse des données ont été faites grâce aux logiciels SPSS version 20.0, Excel 2007 et XLSTAT.
Les variables quantitatives ont été exprimées en moyenne ± écart type et les variables qualitatives en effectif et pourcentage. Une valeur de p < 0,05 a été considérée comme statistiquementsignificative pour les analyses croisées multivariées.
PATIENTS ET METHODES
Notre étude a porté sur 49 enfants sélectionnés par l’équipe de cardiologie porteurs de cardiopathies congénitales et opérés à cœur ouvert, âgés de 15 ans au plus au moment de l’étude. Il s’agit d’une étude monocentrique, longitudinale, rétrospective, descriptive et analytique. Elle s’est déroulée sur une période de 9 mois (janvier 2017 à septembre 2017). Une fiche Excel a été établie pour recueillir les antécédents, les signes cliniques, les signes paracliniques, ainsi que les éléments du protocole opératoire et les suites postopératoires des patients. Une analyse statistique des données a été réalisé avec le logiciel Stata et le tableur Excel.
RESULTATS
Les cardiopathies congénitales sont représentées par les cardiopathies congénitales cyanogènes (13 patients, soit 26,5 %) et les cardiopathies congénitales non cyanogènes (36 patients soit 73,5 %) représentés par les shunts gauche-droit (28 patients soit 57,2%) et les malformations obstructives (8 patients, soit 16,3%).
Une prédominance masculine était notée dans notre série avec 26 garçons pour 23 filles (sex- ratio M/F = 1,13). L’âge moyen était de 5,6 ans [extrêmes 4 mois - 15 ans].
Dans les antécédents médico-chirurgicaux on retrouvait des antécédents de chirurgie cardiaque chez 3 patients, soit 6,1 % (2 Blalock modifiés et 1 cerclage de l’artère pulmonaire). Une notion de consanguinité parentale était retrouvée chez 18 patients (36,7 %). Le niveau socio-économique était jugé bas chez 32 patients (65 %).
Le délai moyen de consultation était de 16 mois [5 – 36 mois]. La dyspnée était le signe clinique le plus souvent retrouvé avant l’admission chez 41 patients (83,67 %) ; Parmi eux une dyspnée à la tétée était retrouvé chez 16 nourrissons (32,65 %). On retrouvait des bronchites à répétitions chez 17 patients (34,7 %). Une cyanose était retrouvée chez 1 patient et un squattisme chez 6 patients tous atteints d’une tétralogie de Fallot. Il y avait une décompensation cardiaque chez 4 patients en préopératoire (8,16 %). Deux patients n’ont pas eus d’échographie prénatale et toutes les grossesses ont été menées à terme. Parmi les 39 enfants en âge scolaire, les 14 (35,8 %) n’étaient pas scolarisés à cause de l’impact de la maladie. Le poids moyen était de 16,6 Kg [2,8 – 44 Kg] et un retard staturo-pondéral avait été retrouvé chez 7 patients. On retrouvait un faciès trisomique chez 3 patients (6 %). Un souffle cardiaque était retrouvé chez 46 patients (93,8 %).
A la radiographie thoracique de face une cardiomégalie était retrouvée chez 41 patients (85,4 %) avec un index cardio-thoracique (ICT) moyen de 0,6 [extrêmes 0,52 - 0,8].
A l’électrocardiogramme tous les patients avaient un rythme sinusal régulier en préopératoire. Nous avions noté une hypertrophie ventriculaire gauche chez 17 patients (39,5 %), une hypertrophie ventriculaire droite chez 24 patients (55,8 %), une hypertrophie auriculaire droite chez 10 patients (23,2 %), un trouble du rythme ou de la conduction chez 6 patients (14 %).
A l’échographie cardiaque, la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) moyenne était de 67 % [52 – 84 %]. La valeur de la Tricuspid Annular Plane Systolic Excursion (TAPSE) moyenne était de 20 mm [11 – 28 mm]. Les PAPS moyennes étaient de 49 mmHg [10 – 59 mmHg], un seul patient présentait des PAPS a 110 mmHg, il s’agissait d’un Retour Veineux Pulmonaire Anormal Total (RVPAT) supra-cardiaque partiellement sténosé sans anomalies du retour systémique associe à une communication inter-atriale (CIA) sur un antécédent de cerclage de l’artère pulmonaire. La CIV était la cardiopathie congénitale la plus retrouvée, chez 23 patients (47 %) dont 13 sous-aortique (26,5 %) dans le cadre d’une Tétralogie de Fallot. Sur les 10 CIV isolées ou associées a une autre lésion, les 7 étaient périmembraneuse (14,3 %) et 3 infundibulaire (6,2 %) ; parmi elles on retrouvait une CIV large dans 8 cas et associée à une sténose medio-ventriculaire ou infundibulaire dans 5 cas. Une persistance du canal artériel (PCA) était retrouvée chez 12 patients avec une taille moyenne de 5,22 mm [2,5 – 8 mm]. La répartition des cardiopathies congénitales est illustrée au tableau 1. Aucun diagnostic échocardiographique n’a été́ effectué en anténatal. Un cathétérisme cardiaque avait été effectué chez un seul patient porteur d’une large PCA avec Hyper Tension Artérielle Pulmonaire (HTAP) importante à 59 mmHg. Un angioscanner thoracique avait été effectué chez 2 patients (l’un porteur d’une CIA ostium secundum large avec CIV sous aortique, Sténose des artères pulmonaires droite et gauche et petit isthme aortique sans coarctation ; l’autre porteur d’une T4F régulière). Tous les patients ont eus un bilan biologique préopératoire sans particularité et aucun foyer infectieux ORL ni stomatologique n’a été retrouvé.
La voie d’abord était une sternotomie médiane dans 38 cas (77,5 %) et une thoracotomie postéro- latérale dans 11 cas (22,5 %). La chirurgie à cœur ouvert était réalisée dans 36 cas (73,5 %) et la chirurgie à cœur fermé dans 13 cas (26,5 %). La cardioplégie était sanguine dans 97,2 % des cas, froide dans 94,4 % des cas, par voie antérograde dans tous les cas et tous les patients étaient en hypothermie modérée à 34OC. Une décharge gauche était placée chez 80,5 % des patients. L’abord du cœur s’est fait par l’oreillette droite dans 45 cas (91,8 %), complété dans 23 cas (46,9 %) par une infundibulotomie. En peropératoire il n’y avait pas de conformité avec les diagnostics échocardiographique préopératoires chez 6 patients (13,3 %).
Les gestes ont consisté en une cure des tétralogies de Fallot (12 cures complètes pour les formes régulières et 1 Blalock à cause d’une hypoplasie des branches), une ligature de tous les canal artériels, une fermeture des défects (CIV, CIA et FOP) par mise en place d’un patch hétérologue dans tous les cas (la fermeture percutanée n’étant pas encore vulgarisée à l’ouverture du centre), un cerclage de l’artère pulmonaire (1 cas), une résection des sténoses médio-ventriculaires, une résection de membrane sous aortique (3 cas), une cure complète des canal atrio-ventriculaire et des retours veineux pulmonaires anormaux, une plastie mitrale (2 cas) un remplacement valvulaire aortique (1 cas), une plastie tricuspide (1 cas). La reprise de l’activité cardiaque s’est faite spontanément pour les 44 patients, chez les 5 restant elle s’est faite en fibrillation ventriculaire ayant nécessité un choc électrique interne entre 15 et 30 joules. Tous les patients ont eus un drainage (péricardique, rétrosternal et pleural en cas d’ouverture de la plèvre) avec un délai d’ablation de 2 jours et la mise en place d’électrodes ventriculaires et/ou auriculaires. La durée moyenne de CEC était de 96 min [58 – 191 min]. La durée moyenne de clampage aortique moyen était de 63 min [31 – 121 min]. La durée moyenne du séjour en réanimation était de 3,9 jours ± 1,4 jours [extrêmes 1 - 39 jours]. Le délai de sevrage des amines était de 1,9 jours ± 1,7 j [extrêmes 24h-9 jours]. Une complication était retrouvée chez 23 patients (46,9 %) en réanimation ; Il s’agissait entre autres de dysfonctions ventriculaires droite ou gauche (6 cas), d’épanchements péricardiques ou pleuraux (6 cas), de syndromes infectieux (5 cas). La durée moyenne de séjour en hospitalisation était de 12,6 jours ± 11,8 jours [extrêmes 4 - 89 jours]. Une complication était retrouvée dans 3 cas en hospitalisation (6 %) (cf Tableau 2).
La mortalité globale était de 2 %, il s’agit d’un patient ayant bénéficié́ d’une cure complète de T4F compliquée d’une CIV résiduelle par lâchage de surjet avec un gradient résiduel sur la voie pulmonaire qui a nécessité́ une reprise chirurgicale et secondairement d’une dilatation de la valve pulmonaire en percutanée. Il avait présenté des troubles neurologiques à type de dystonie avec opisthotonos.
Après 3 mois une amélioration clinique a été notée chez 45 patients vivants (93,75 %), 1 patient (2 %) était perdu de vue. L’échocardiographie doppler de contrôle objectivait 10 cas de complications à 3 mois post-opératoire (cftableau 3).
Dans les suites opératoires nous avions comparé les données cliniques et paracliniques des patients décédés ou ayant eu une morbidité (groupe MORBIMORTALITE) avec ceux des patients dont les suites étaient simples (groupe SUITESIMPLES). Dans le groupe MORBIMORTALITE il y avait 26 patients (53 %) alors que dans le groupe SUITESIMPLES il y en avait 23 (47 %). L’âge moyen dans le groupe MORBIMORTALITE était de 5,4 ans versus 5,7 ans dans le groupe SUITESIMPLES. Sur les 18 patients ayant une notion de consanguinité parentale, les 9 étaient dans le groupe SUITESIMPLES. Chez les 41 patients enfants présentant une dyspnée en préopératoire, il y en avait 23 dans le groupe MORBIMORTALITE et parmi eux 11 avaient une dyspnée au moins au stade 3 de la NYHA ou une dyspnée à la tétée. Tous les patients qui avaient une décompensation en préopératoires étaient dans le groupe MORBIMORTALITE. Sur les 17 patients présentant des bronchites à répétitions les 10 étaient dans le groupe MORBIMORTALITE. L’échographie préopératoire avait montré dans le groupe MORBIMORTALITE une fraction d’éjection moyenne à 66 %, un TAPSE moyen de 19 mm, les PAPS moyenne de 70 mmHg. Dans ce groupe la voie d’abord était une sternotomie médiane dans 82,6 % des cas et la chirurgie à cœur ouvert dans 73,9 % des cas. La durée moyenne de CEC était de 99 min. La durée moyenne de clampage aortique moyen était de 65 min. Tous les patients ayant eus un choc électrique interne sont dans le groupe MORBIMORTALITE La durée moyenne du séjour en réanimation était de 5,1 jours. Le délai de sevrage des amines était de 2,47 jours. La durée moyenne de séjour en hospitalisation était de 16,1 jours. On retrouvait une différence significative entre les deux groupes (MORBIMORTALITE vs SUITESIMPLES) quant à la durée moyenne du séjour en réanimation (p= 0,0027) et la durée moyenne de séjour en hospitalisation (p= 0,0004). Les différents paramètres des deux groupes sont mis en évidence au niveau du tableau 4.
DISCUSSION
Au Sénégal les cardiopathies congénitales représentent 1% des pathologies cardiovasculaires [8]. En Tunisie, selon une étude réalisée au service de pédiatrie de l'hôpital de Bizerte (Janvier 1994 à Décembre 2003), l’incidence annuelle des cardiopathies congénitales a été évaluée à 2,5 %o [9]. Au Congo, l’incidence des cardiopathies congénitales dans le service de Pédiatrie du CHU de Brazzaville durant la période 1989-2001 est de 5 pour 1000 [7]. Au Mali, Diakité et al ont signalé un taux de 1,28 % de l’ensemble des malades hospitalisés au service de pédiatrie du CHU de Gabriel Touré entre Avril 2005 et Septembre 2006 [10]. L’incidence des cardiopathies congénitales dans les pays industrialisés est entre 5,2 et 12,5 pour 1000 naissances vivantes. L’éventail est large car l’estimation de l’incidence dépend de nombreux facteurs, tels que les critères d’inclusion, les moyens du diagnostic, la taille de la population, la durée du suivi, etc. [5].
Dans notre étude de 49 patients la répartition globale des cardiopathies congénitales selon le sexe est sensiblement égale dans toutes les statistiques. Touré [4] au Niger retrouve 53,71 % de sexe masculin, Martinez [5] en Espagne 48,1 % et S.A. Beye [6] au Sénégal 63,16 %. Globalement elle avoisine les 50 % pour les 2 sexes avec une légère prédominance masculine. C’est le cas dans notre série avec 53 % de sexe masculin.
La moyenne d’âge diffère selon le recrutement. L’équipe de Beye à Dakar (de juin 2006 à juin 2007) lors des missions qui ont porté sur 19 malades a retrouvé un âge moyen de 93,36 mois (soit 7,73 ans) avec des extrêmes allant de 6 mois à 19 ans [6]. Ab M’pemba [7] dans son étude retrouve une moyenne d'âge des patients de 6,3 ans avec des extrêmes de 9 mois à 15 ans, proche de notre série avec une moyenne d’âge de 5,6 ans [extrêmes 4 mois - 15 ans].
Une consanguinité parentale était retrouvée chez 18 enfants (36,7 %). La revue de la littérature montre une fréquence élevée des cardiopathies congénitales dans les communautés à taux de consanguinité plus grand. Ce taux élevé est retrouvé dans la série de Hammami (30,5 %) [9].
Les cardiopathies congénitales cyanogènes (26,5 %) étaient représentées uniquement par la Tétralogie de Fallot. Les cardiopathies congénitales non-cyanogènes (73,5 %) sont représentés par les shunts gauche-droit (57,2 %) et les malformations obstructives (16,3 %). Dans la littérature, la répartition des cardiopathies congénitales non-cyanogènes avec shunt G-D montre une prédominance des CIV suivi des CIA puis des PCA et CAV [5, 10, 11]. Elle est différente dans notre série où on retrouve une prédominance des PCA, suivi des CIA et des CIV. Les malformations obstructives étaient retrouvées chez 16,3 % des patients dans notre étude proche de la série de Bosi 11,9 % [11] et de Martinez 11,5 % [5].
En préopératoire la dyspnée était le signe fonctionnel le plus retrouvé (83,67 % des patients). Ce résultat est identique à celle de l’étude de Hammami qui retrouve une dyspnée chez 89 % des 79 cas de cardiopathies congénitales [9] et plus important que la série de Beye à Dakar qui retrouve une dyspnée dans 63,2 % des cas [6]. On retrouvait dans notre série des bronchites à répétition dans 34,7 % des cas proche de la série de Beye qui retrouve des bronchopneumopathies à répétition dans 26,3 % des cas [6]. Un souffle cardiaque était retrouvé dans 93,8 % des cas ; dans la série de Hammami, un souffle cardiaque était retrouvé dans 77,6 % des cas [9].
Dans notre série aucun diagnostic échocardiographique n’a été effectué en anténatal. Dans les pays en voie de développement le diagnostic des cardiopathies chez l’enfant est fait tardivement, souvent au décours de complications tel que les dysfonctions ventriculaires, l’obstruction pulmonaire, l’endocardite infectieuse... Malgré un suivi régulier pendant la grossesse, le diagnostic des cardiopathies n’était pas effectué en prénatal probablement dû à l’absence d’échographie cardiaque effectué avant la naissance afin de diagnostiquer une éventuelle malformation. Après la naissance le retard au diagnostic est dû à l’absence d’échocardiographie systématique pour la mise en évidence des lésions congénitales. Au Nigéria seul 33,6 % des cardiopathies ont été diagnostiqués avant l’âge de 1 an et 69 % avant l’âge de 5 ans [12].
Le temps de CEC moyen (96 minutes) est proche de la série de cardiopathies congénitales de Beye (114 min). Le temps de clampage aortique moyen (63 minutes) est un peu plus allongé que celui de la série de Beye (49,78 min) [6]. Selon Jaggers et al la durée de la circulation extra-corporelle détermine la survenue des complications en période post-opératoire [13].
La durée moyenne de séjour en réanimation était de 3,9 jours [extrêmes 1 - 39 jours], proche de la série de Beye (3,68 jours [extrêmes 1,54 – 4,8 jours]) [6].
Une complication était retrouvée chez la moitié des patients (52,9 %). Il y avait une prédominance des complications infectieuses (19,4 % des cas) proche de la série de Pollock [14]. Dans notre série la mortalité globale était de 2 %. Ce taux de mortalité est plus bas que ceux de la série de Beye 10 ans auparavant (10,5 % de mortalité) [6], de la série de Diouf 20 ans auparavant (19 % de mortalité) [15] et de la série de Hammami (23,8 % de mortalité) [9].
L’analyse comparative des 2 groupes (MORBIMORTALITE et SUITESIMPLES) a montré des caractéristiques préopératoires proches dans les groupes, tels que l’âge moyen, la FEVG moyenne (66,7 % vs 67,2 %) et les TAPSE moyen (19 mm vs 21 mm). Sur les 18 patients ayant une notion de consanguinité parentale, la moitié était dans le groupe SUITESIMPLES. Chez les 41 enfants présentant une dyspnée en préopératoire, il y en avait 23 dans le groupe MORBIMORTALITE et parmi eux 11 avaient une dyspnée au moins au stade 3 de la NYHA ou une dyspnée à la tétée. Tous les patients qui avaient une décompensation en préopératoires étaient dans le groupe MORBIMORTALITE. Sur les 17 patients présentant des bronchites à répétitions les 10 étaient dans le groupe MORBIMORTALITE. L’échographie préopératoire avait montré dans le groupe MORBIMORTALITE une fraction d’éjection moyenne conservée avec FEVG à 66 % et une fonction cardiaque droite moyenne correcte avec TAPSE à 19 mm. La durée de CEC et du clampage aortique étaient proches dans les deux groupes, la durée de la circulation extra-corporelle n’a pas été un facteur déterminant dans la survenue des complications en post-opératoire dans notre série. Dans le groupe MORBIMORTALITE, les PAPS moyennes étaient de 70 mmHg en préopératoire, en postopératoire elles ont régressé ; 1 seul patient ayant bénéficié d’une cure de RVPAT associé à une CIA a présenté en postopératoire une crise d’HTAP ayant nécessité la mise sous vasodilatateur (à l’ouverture du centre le monoxyde d’azote n’étant pas encore disponible). Tous les patients ayant eus un choc électrique interne sont dans le groupe MORBIMORTALITE. La durée moyenne du séjour en réanimation (5,1 jours), le délai de sevrage des amines (2,47 jours) et la durée moyenne de séjour en hospitalisation (16,1 jours) étaient plus allongés dans le groupe MORBIMORTALITE. On retrouvait une différence significative entre les deux groupes quant à la durée moyenne du séjour en réanimation (5,1 vs 2,6 jours, p= 0,0027) et en hospitalisation (16,1 vs 9 jours, p= 0,0004) qui étaient plus allongées dans le groupe MORBIMORTALITE.
CONCLUSION
Les cardiopathies congénitales de l’enfant constituent au Sénégal un problème de santé publique. La chirurgie améliore la qualité de vie de ces malades. Cette chirurgie est praticable au Sénégal avec des résultats satisfaisants. Une meilleure connaissance des caractéristiques des patients ayant une complication ou décédés peut permettre une meilleure prise en charge.
Tableau 1
Répartition des cardiopathies congénitales
Cardiopathies congénitales (n= 49) |
||||
cardiopathies congénitales cyanogènes |
cardiopathies congénitales non cyanogènes |
|||
shunts gauche-droit |
malformations obstructives |
|||
13 patients (26,5 %) |
28 patients (57,2 %) |
8 patients (16,3 %) |
||
Tétralogies de Fallot (T4F) - 12 régulières - 1 irrégulière |
PCA |
12 cas |
sténose médio-ventriculaire droite |
4 cas |
CIA |
4 cas |
membrane sous-valvulaire aortique |
3 cas |
|
CIV |
3 cas |
sténose infundibulaire + CIV |
1 cas |
|
CIV + CIA |
2 cas |
|
||
CIV + IAo (Laubry-Pezzy) |
2 cas |
|||
CIA /RVPA |
2 cas |
|||
CIA + PCA |
1 cas |
|||
CIA + Sténose pulmonaire |
1 cas |
|||
CAV partiel |
2 cas |
CAV= canal atrio-ventriculaire ; CIA= Communication inter-auriculaire ; CIV= Communication inter-ventriculaire ;
IAo= Insuffisance aortique ; PCA= Persistance du canal artériel ; RVPA= Retour veineux pulmonaire anormal ;
Tableau 2
Répartition des complications en réanimation.
Complications en Réanimation |
Nombre (Pourcentage) |
Complications en Hospitalisation |
Nombre (Pourcentage) |
Dysfonctions VG ou VD |
6 (12,24 %) |
Insuffisance cardiaque |
1 (2,08 %) |
Épanchement péricardique ou pleural |
6 (12,24 %) |
Broncho-pneumopathie |
1 (2,08 %) |
Syndrome infectieux |
5 (10,2 %) |
Médiastinite avec choc septique |
1 (2,08 %) |
Médiastinite ou sternite |
2 (4,08 %) |
|
|
HTAP |
2 (4,08 %) |
|
|
TDR ou de la conduction |
2 (4,08 %) |
|
HTAP= Hypertension artérielle pulmonaire ; TDR= Trouble du rythme ; VG= Ventricule gauche ; VD= Ventricule droit.
Tableau 3
Contrôle ETT à 3 mois post-opératoire
Complications |
Nombre |
Sténose infundibulaire résiduelle |
4 cas |
Après cure complète de T4F : - CIV résiduelle - Blalock resté partiellement perméable après sa ligature par 2 clips |
1 cas 1 cas |
Après chirurgie de CAV : - Persistance CIA résiduelle de 5 mm - Fuite mitrale modérée |
1 cas 1 cas |
Persistance d’une insuffisance aortique grade 2/4 après la réparation d’un syndrome de Laubry-Pezzy. |
1 cas |
Sténose médio-ventriculaire résiduelle après chirurgie avec un gradient moyen VD-AP à 20 mmHg. |
1 cas |
CAV= canal atrio-ventriculaire ; CIA= Communication inter-auriculaire ;
CIV= Communication inter-ventriculaire ; T4F= Tétralogie de Fallot ;
VD-AP= Ventricule droit – Artère pulmonaire
Tableau 4
Comparaison des paramètres entre les groupes MORBIMORTALITÉ et SUITESIMPLES
|
Groupe MORBIMORTALITÉ |
Groupe SUITESIMPLES |
P value |
Nombre de patients |
26 (53 %) |
23 (47 %) |
- |
Age (ans) |
5,4 |
5,7 |
0,56 |
Dyspnée ≥ Stade 3 + Dyspnée à la tétée |
11 (42,3 %) |
8 (34,7 %) |
0,7 |
FEVG moyenne (%) |
66,7 |
67,2 |
0,95 |
TAPSE moyen (mm) |
19,4 |
21 |
0,48 |
PAPS moyenne (mmHg) |
70 |
25 |
0.28 |
Communication inter-atriale + PFO |
6 (23 %) |
6 (26 %) |
0,86 |
Communication inter-ventriculaire |
13 (50 %) |
10 (43 %) |
0,78 |
Persistence du canal artériel |
4 (15,4 %) |
8 (34,8 %) |
0,08 |
Tétralogie de Fallot |
7 (27 %) |
6 (26 %) |
0,76 |
Fermeture defect CIA ou CIV |
12 (46 %) |
9 (39 %) |
- |
Cœur ouvert |
19 (73 %) |
18 (78 %) |
0,28 |
Temps de clampage moyen (min) |
65 [43 - 90] |
60 [31 - 121] |
0,45 |
Temps de CEC moyen (min) |
99 [64 - 197] |
92 [55 - 168] |
0,36 |
Durée séjour Réanimation moyen (jours) |
5,1 [2 - 39] |
2,6 [2 - 4] |
0,0027 |
Durée séjour Hospitalisation moyen (jours) |
16,1 [6 - 89] |
9 [4 - 15] |
0,0004 |
CEC= Circulation extra corporelle ; CIA= Communication inter-auriculaire ; CIV= Communication inter-ventriculaire ;
FEVG= Fraction d’éjection du ventricule gauche ; TAPSE= Tricuspid annular plane systolic excursion ;
PAPS= Pression artérielle pulmonaire systémique ; PFO= Persistance foramen ovale.
REFERENCES
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