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Cas Clinique . Poussée sévère d’hypertension artérielle et maladie de Von Recklinghausen. A propos d’un cas.

 

Clinical Report . Severe high blood pressure and Von Recklinghausen’s disease.About a case.


BANI AM1, LOLA PE2, NTSIBA F1, DABO CAT3, IKAMA MS4, 5.

 

RESUME

 

Objectif : Contribuer à la prise en charge des anomalies cardio-vasculaires des maladies rares.

Observation :Madame M S, âgée de 23 ans, est hospitalisée pour hypertension artérielle sévère avec signes neurosensoriels. L’examen physique retrouvait en outre, une dermatose constituée de taches café au lait, et de dermatofibromes dans les zones couvertes évoquant ainsi la maladie de Von Recklinghausen. Le scanner thoraco- abdominal retrouvait une cyphoscoliose dorsale et une atrophie rénale. Le dosage des métanéphrines et normétanéphrines urinaires était négatif. Le traitement était symptomatique et psychologique essentiellement.

Conclusion : Les manifestations cutanées sont pathognomoniques de la maladie de Von Recklinghausen. L’hypertension artérielle est secondaire. Le traitement est souvent symptomatique et psychologique. La chirurgie peu probable

 

MOTS CLES

Hypertension artérielle, maladie de Von Recklinghausen, examens complémentaires, traitement.

 

 

SUMMARY

 

Objective: Contribute to the management of cardiovascular abnormalities in rare diseases. Observation: Mrs. M S, 23 years old, is hospitalized for severe hypertension with neurosensory signs. The physical examination also found a dermatosis consisting of coffee with milk tasks and dermatofibromas in the covered areas, thus evoking Von Recklinghausen's disease. The thoraco-abdominal CT scan found dorsal kyphoscoliosis and renal atrophy. The dosage of urinary metanephrines and normetanephrines was negative. The treatment was mainly symptomatic and psychological. Conclusion: Cutaneous manifestations are pathognomonic of Von Recklinghausen’s disease. High blood pressure is secondary. Treatment is often symptomatic and psychological. Surgery unlikely.

 

 

KEY WORDS

High blood pressure, Von Recklinghausen disease, additional tests, treatment.

 

 

1.Service de cardiologie et Médecine Interne. Hôpital Général de Loandjili.

2.Service de dermatologie. Hôpital Général de Loandjili.

3.Unité de Médecine Interne. Clinique Louise Michel.

4.Service de Cardiologie et Médecine Interne. Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville.

5.Faculté des sciences de la santé. Université Marien NGOUABI.

 

Adresse pour correspondance

Docteur BANI Aloïse Macaire, cardiologue.

Hôpital Général de Loandjili ; Pointe-Noire (Congo Brazzaville).

Téléphone : (00242) 05 520 54 76.

Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

OBSERVATION

 

Madame MS, âgée de 23 ans, sans profession, célibataire, mère d’un nourrisson de 15 mois né après une grossesse normale, est hospitalisée pour des céphalées paroxystiques d’intensité modérée, en casque, accompagnées de palpitations, de sueurs, sans nausées ni vomissements dans un contexte apyrétique. Elle est hypertendue connue depuis l’âge de 17 ans et aurait arrêté le traitement anti hypertenseur d’entretien. La patiente présentait un stress permanent caractérisé par une inadaptation et un isolement social, et de femme traitée « de léopard ». Le père biologique de la patiente, mélancolique, présentait une dermatose constituée de tumeurs cutanées intra dermiques et de taches  café au lait.

L’examen physique retrouvait une conservation de l’état général, un poids corporel de 45 kg pour une taille de 1,52 m. La saturation capillaire en oxygène était de 99%. Le cœur régulier était tachycarde à 160 battements par minute, sans souffles cardiaques, ni bruit de galop, ni frottement péricardique. Les champs pulmonaires étaient libres et l’abdomen souple indolore à la palpation sans viscéromégalies. L’examen thyroïdien était normal, les pouls périphériques étaient symétriques, la tension artérielle était à 240/120 mm Hg. On notait  des taches pigmentaires sous plusieurs aspects (au moins six taches café au lait ≥ 1,5 cm, bistres, arrondies ou ovalaires, sans reliefs particuliers) et des dermatofibromes intra dermiques de tailles variables, siégeant dans les zones couvertes (figures 1, 1A;1B, 2). L’examen ophtalmologique, ainsi que neurologique, était sans particularités. La kaliémie était à 3 mEq/l, la natrémie à 140,5 mEq/l, la créatininémie à 6 mg/l et l’urée sanguine à 0,45 g/l.L’hémogramme montrait un taux de globules blancs à 4500 /mm3, un taux de globules rouges à 4,45 millions/mm3, un taux de plaquettes à 150000/mm3 et un taux d’hémoglobine à 12,1g/dl. Le dosage des métanéphrines et normétanéphrines urinaires était négatif. L’électrocardiogramme était en rythme sinusal avec une fréquence cardiaque à 84 battements par minute, un axe des QRS à + 30° sans anomalies électriques (figure 3). La radiographie thoracique de face retrouvait un cœur de volume normal avec un indice cardio-thoracique à 0,45. L’aorte était normale, ainsi que les artères pulmonaires et le parenchyme pulmonaire. Le scanner thoraco-abdominal (avec et sans injection de produit de contraste) illustrait une déformation du rachis dorsal et une atrophie rénale droite sans masses thoraciques, rénales ou surrénaliennes évidentes (figure 4).

Nous avons conclu à une poussée hypertensive sévère relative, consécutive à la maladie de Von Recklinghausen de type 1.

La patiente avait reçu deux ampoules de Nicardipine injectable (20 mg) dilué dans 20 ml de sérum glucosé isotonique, avec un débit de 5 mg/heure pendant trois jours et des antalgiquesà base de paracétamol. Une psychothérapie était associée à ce traitement. L’évolution était marquée par une régression significative de la pression artérielle et des céphalées. La patiente était  sortie pour un suivi ambulatoire cardiologique, neurologique, ophtalmique et psychologique.

 

DISCUSSION

 

La maladie de Von Recklinghausen est une des maladies héréditaires autosomique les plus fréquentes. Son incidence est de l’ordre de 1/3000 naissances selon la littérature [1]. Il s’agit d’une phacomatose qui rassemble des dysplasies évolutives d’un ou de plusieurs feuillets embryonnaires, traduisant souvent une anomalie génétique de développement. Elles affectent principalement les tissus cutanés et nerveux [2]. Cette affection est caractérisée par un polymorphisme clinique. Ce dernier est régulièrement retrouvé au sein d’une même famille. Les manifestations apparaissent pendant l’enfance, particulièrement à la première décennie de vie, généralement autour de 8 ans, et augmentent avec l’âge [3]. Sans équivoque, ces manifestations sont dominées par les signes cutanés, et les nodules de Lisch, que nous n’avions pas retrouvés à l’examen ophtalmique. En ce qui nous concerne, les critères exigés par la conférence de consensus de Bethesda aux USA en 1988 ont été très contributifs au diagnostic [1],que nous avons retenu devant l’association des manifestations cutanées (présence d’au moins six taches café au lait de diamètre ≥ 1,5 cm), des antécédents paternels de NF1 et de l’atteinte rachidienne dorsale. Actuellement, ce diagnostic se base exclusivement sur les critères cliniques, et occasionnellement, sur l’analyse séquentielle de l’ADN par un test prénatal [4]. Dans notre contexte, le diagnostic anténatal est difficilement envisageable en raison d’une part du plateau technique ne permettant pas sa réalisation, et d’autre part à cause d’une extrême variabilité de l’expression clinique de cette affection. Dans ce cadre le conseil génétique, qui devrait être très prophylactique, demeurera imprécis tant que les tests diagnostiques ne sont pas disponibles [5].

Les conséquences esthétiques et fonctionnelles de la NF1, ainsi que le spectre d’une évolution néoplasique affectent psychologiquement le patient atteint et les membres de leur famille comme le souligne BELZEAUX et coll. [6].Cette souffrance psychologique représente un des éléments indispensables de la surveillance.

 L’hypertension artérielle que nous avons observée peut être labile, permanente et fréquente. Son existence doit faire rechercher systématiquement une dysplasie vasculaire notamment des sténoses ou des anévrysmes vasculaires. Au cours de la NF1, l’artère rénale est souvent vulnérable, et l’hypertension artérielle observée est secondaire. Elle nécessite la réalisation d’un angioscanner des artères rénales qui permet le diagnostic, comparativement au Doppler qui est moins sensible ne permettant pas d’infirmer l’obstruction artérielle rénale. L’HTA peut être également due au phéochromocytome. Cette affection est exceptionnellement diagnostiquée à l’enfance, mais reste évidente autour de 40 ans. Il s’agit d’une tumeur sécrétant excessivement de catécholamines. Elle peut rester longtemps asymptomatique, et peut être suspecté devant une poussée paroxystique d’HTA associée à des sueurs, des palpitations et de céphalées. Son diagnostic repose sur le dosage plasmatique et / ou urinaire des métanéphrines et sur l’imagerie abdominale. Ainsi, une élévation du taux des métanéphrines doit nécessiter une imagerie par résonance magnétique ou encore un scanner explorant les aires surrénales. L’HTA dans la NF1 est estimée à 6% des patients, et elle s’accompagne de céphalées de types variables : migraineux (sans nausées, ni vomissements, ni troubles visuels) ou encore prendre l’aspect de céphalées d’origine tumorale [7,8]. Ces céphalalgies sont améliorées par des antalgiques usuels et par le repos, tel que nous l’avions remarqué. Leur importance est considérable du fait qu’elles imposent la recherche d’une tumeur cérébrale ou d’un phéochromocytome.

Les anomalies cardiaques sont conventionnelles. Elles peuvent se résumées à une sténose pulmonaire, à une coarctation aortique ou encore à un retentissement sur la fonction cardiaque par le biais d’une HTA non maîtrisée. Les dysplasies vasculaires peuvent être le témoin d’infarctus cérébraux ou myocardique.

La fertilité n’est pas compromise au cours de la NF1, et les grossesses sont possibles. L’évolution de la NF1 au cours de la grossesse semble être variable, et les complications sont d’ordre hypertensif avec la survenue du retard de croissance intra utérin, d’un hématome rétro placentaire ou encore de mort fœtale in utéro. La surveillance de la grossesse est de mise, et doit être multidisciplinaire en raison de l’évolution imprévisible de cette maladie. Paradoxalement, certaines grossesses peuvent évoluées sans donner la moindre complication [9].

Les atteintes ostéo articulaires sont retrouvées chez 30-50 %, et les anomalies rachidiennes, les plus fréquentes, sont dans l’ordre de 30-40% [9].

La cyphoscoliose évolue dès le plus jeune âge sans rapport avec les poussées de croissance. Son évolution peut être stable, mais dans d’autres circonstances on peut assister à des tassements ou encore à des compressions médullaires neurofibromateuses. Le bilan de la cyphoscoliose doit comprendre au moins une tomodensitométrie ou une imagerie par résonance magnétique. Le choix du bilan complémentaire est équipe dépendante. Certaines équipes demandent systématiquement le bilan de l’hypertension artérielle, le dosage urinaire des métanéphrines pour la recherche du phéochromocytome, et une échographie pelvienne. En revanche, d’autres avec un plateau technique conséquent, réalisent un angioscanner qui offre l’avantage d’explorer les surrénales et les artères rénales.

Le traitement médical est surtout symptomatique [9]. Celui de l’hypertension artérielle obéit aux anti- hypertenseurs usuels, mais l’usage des bloqueurs du système rénine angiotensine exige certaines précautions, notamment la réalisation du Doppler des artères rénales ou un angioscanner, afin d’exclure une sténose. Le traitement spécifique (chirurgie et radiothérapie) est sujet à controverse, car certaines tumeurs peuvent devenir très agressives et occasionner des déformations importantes. La majorité des sujets atteints de cette affection ressentent une entrave à leur bien être psycho-social comme une conséquence directe ou indirecte en rapport avec la NF1 en raison de son caractère progressivement chronique, mal comprise par le patient lui-même et de son entourage. En outre, certains traits de la maladie comme le problème esthétique ou encore la petite taille ne facilitent pas les choses. Dans de telles circonstances, le rôle du psychologue est essentiel. Il doit rassurer la famille et le patient, tout en expliquant qu’une personne atteint de NF1 est susceptible de mener une vie normale, et   de  s’épanouir   convenablement   dans   la société. L’intérêt du cardiologue est notable.

En dehors de l’hypertension artérielle systémique qui est évidente, il doit rechercher une hypertension artérielle pulmonaire, un syndrome coronarien aigu, un œdème aigu pulmonaire hypertensif, une insuffisance cardiaque, une coarctation de l’aorte, des fistules artério-veineuses, ou un infarctus cérébral.

 

 

CONCLUSION

La maladie de Von Recklinghausen ou neurofibromatose de type1 est une des maladies génétiques les plus fréquentes qui débute dans la première enfance. En dépit du polymorphisme clinique, les manifestations cutanées sont pathognomoniques. Cette affection peut se compliquer à tout âge d’hypertension artérielle ou d’autres anomalies cardio-vasculaires. Lorsque l’hypertension artérielle est présente, il faudra faire un bilan étiologique, le plus exhaustif, afin d’éliminer une cause secondaire. Le traitement médical est symptomatique, la prise en charge psychologique est essentielle et la chirurgie, surtout esthétique, est peu probable dans notre contexte.

 

Figure 1A

 

Figure 1B

Figure 1 :Lésions cutanées thoraco-abdominales constituées de multiples dermatofibromes et lentigines généralisées, des taches « café au lait » respectant les membres supérieurs. (Figure 1A : Lésions cutanées du thorax postérieur. Figure 1B : Lésions cutanées du thorax antérieur).

 


Figure 2 :Tache café au lait et dermatofibromes de tailles variables occupant les faces antéro- postérieures des cuisses épargnant les jambes.

 

 


Figure 3 : Electrocardiogramme de surface, en rythme sinusal avec une fréquence cardiaque à 84 battements par minute, un axe de QRS à + 30° n’objectivant aucune lésion électrique.

Figure 4 :Le scanner thoraco-abdominal avec et sans injection de produit de contraste illustrant une déformation du rachis dorsal et une atrophie rénale droite, sans masses surrénaliennes.

 

 

REFERENCES

 

1.Wolkenstein P, Zeller J, Ismaih N. Neurofibromatoses. Elsevier Paris 2002 ; 98-755-A-10.

2.Wolkenstein P. La neurofibromatose 1. Médecine/Science 2001 ; 17(1) : 1158-67.

3.Kevin P, Boyd, Bruce R, Korf et coll. Neurofibromatosis type 1.J Am AcadDermatol 2009 ; 61(1) : 1-14.

4.Shilyansky, Weidon Li, Acosta MY, Elgersmaa Y et coll. Molecular and cellular mechanisms of learning disabilities : A focus on neurofibromatosis type 1.in robertMcarthur, Franco Borsini Animal and translational Models for CNS drugs Discovery, Hardbound ; Elsevier 2008 ; 2 : 416 p.

5.Ophelia M, De Schepper, Vandersompele J, Bremo H et coll. Molecular dissection of  isolated disease Mosaic neurofibromatosis type 1 ; AM J Hum Genet 2007 ; 81(2) : 243-51.

6.Belzeaux R, lancon C. Troubles psychiatrique dans la neurofibromatose de type 1 : Intérêt pour la recherche étiopathogénique en psychiatrie. Ann Med Psy2006 ; 164(2) : 141-144.

7.Sebold C, Lovell A, Hopkin R, Noll R et coll. Perception of disease severety in adolescents diagnosed with neurofibromatosis type 1. J Adolesc Heath 2004 ; 35(4) : 277-302.

8.Cissé A, Touré A, Souaré IS, Bah H et coll. Aspects cliniques et scanographiques de 29 observations de phacomatoses en Guinée. Med Trop 2006 ; 66(3) : 247-51.

9.Riccardi VM.Neurofibromatosisheterogeneity. J Am Dermatol 1984 ; (10) : 518-19.