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Aspects épidémio-cliniques et étiologiques de l’insuffisance cardiaque chronique à Kara (nord Togo).

 

Epidemiological, clinical and etiological aspects of chronic heart failure in Kara (north Togo).

 

T TCHEROU1, K YAYEHD2, M BAKAI A1, Y ABENAT3, K LANGUEDE4, B ATTA D5, S PESSINABA2, M PIO1, S BARAGOU6, F DAMOROU2.

 

RESUME

 

Introduction: L’insuffisance cardiaque est un véritable problème de santé publique compte tenu de son impact socio-économique dans la société.

Objectif: Décrire les aspects épidémio-cliniques et étiologiques de l’insuffisance cardiaque à Kara.

Patients et méthodes: Il s’agit d’une étude rétrospective et descriptive réalisée dans les deux plus grands centres hospitaliers de la ville de Kara. Nous avons exploité les dossiers des patients  admis aussi bien en consultation qu’en hospitalisation sur une période de trois ans, allant de janvier 2016 à décembre 2018 et chez qui le diagnostic d’insuffisance cardiaque chronique était posé, avec réalisation d’une échographie Döppler cardiaque. L’analyse des données a été faite par le logiciel Epi info version 7.

 

 

Résultats: Deux cent seize dossiers de patient ont été retenus pour cette étude. L’âge moyen était de 56,8 ans. Le sexe ratio (H/F) était de 1,6. Quarante-cinq virgule quatre pourcent des patients avaient un âge inférieur à 55 ans. Les agriculteurs étaient les plus nombreux (27,2%), suivis des femmes au foyer (23,6%) et des retraités (16,3%). Plus des 2/3 (69%) des patients avaient un faible revenu mensuel (moins de 50.000 f CFA). L’insuffisance cardiaque globale était la présentation clinique la plus fréquente (72,8%). La dysfonction systolique du ventricule gauche était retrouvée dans 92,8% des cas dont 58,2% de dysfonction systolique sévère. Les principales étiologies étaient: l’hypertension artérielle (48%), les cardiopathies ischémiques (20 %), les valvulopathies rhumatismales (7,2%) et la cardiomyopathie du péripartum (7,2%).

ConclusionL’insuffisance cardiaque touche une population relativement jeune dans notre milieu avec un faible revenu mensuel. Les étiologies sont dominées par l’hypertension artérielle et les cardiopathies ischémiques.

 

MOTS CLES

Insuffisance cardiaque, étiologies, Nord-Togo. 

 

SUMMARY

 

Introduction: Heart failure is a real public health problem because of its socio-economic impact on the society.

Objective: Describe the epidemiological, clinical and etiological aspects of heart failure in Kara.

Patients and methods: This is a retrospective and descriptive study carried out in the two largest hospitals in the city of Kara. We used the records of patients who were admitted to both outpatient and inpatient care over a period of three years, from january 2016 to december 2018 in whom the diagnosis of chronic heart failure was made with using Döppler Echocardiography. Data analysis was performed using Epi info version 7 software.

Results: Two hundred and sixteen patient records were selected in this study. The average age of the patients was 56.8 years. The sex ratio (M/F) was 1.6. Forty-five point four percent of the patients were younger than 55 years of age. Farmers were the most numerous (27.2%), followed by housewives (23.6%) and pensioners (16.3%). More than two-thirds (69%) of the patients had a low monthly income (less than 50,000 CFA francs). Congestive heart failure was the most frequent clinical presentation (72.8%). The left ventricular systolic dysfunction was found in 92.8% of cases, including 58.2% severe systolic dysfunction.  The main etiologies were: arterial hypertension (48%), ischemic heart disease (20%), rheumatic valvulopathies (7.2%) and the peripartum cardiomyopathy (7.2%).

Conclusion: Heart failure affects a relatively young population in our community with a low monthly income. The etiologies are dominated by arterial hypertension and ischemic heart disease.

KEY WORDS

Heart failure, etiologies, North Togo.

 

1. Centre Hospitalier Universitaire Kara, service de cardiologie.                         

2. Centre Hospitalier Universitaire Campus de Lomé, service de cardiologie.

3. Centre Hospitalier Régional Kara Tomdè.                                                                                                           

4.Centre Hospitalier Régional de Tsévié.

5.Centre Hospitalier Régional de Sokodé. Sylvanus Olympio de Lomé, service de cardiologie.

6.Centre Hospitalier Universitaire

 

Adresse pour correspondance 

Dr TCHEROU Tchaa 

Centre Hospitalier Universitaire Kara,

Service de cardiologie.                         

 E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

INTRODUCTION

 

Depuis plusieurs décennies, l’insuffisance cardiaque est considérée comme un problème de santé publique dans les pays occidentaux compte tenu de son impact socio-économique [1-3]. Il s’agit d’un syndrome fréquent car elle complique presque toutes les affections cardiaques. Selon la société européenne de cardiologie 2 à 3% des européens en seraient affectés [4,5]. Cette maladie est greffée d’un fort taux de mortalité avoisinant les 50% au bout de deux ans chez les malades hospitalisés pour insuffisance cardiaque sévère [6].

Avec la transition épidémiologique des maladies cardiovasculaires dans les pays en voie de développement de l’Afrique subsaharienne, l’insuffisance cardiaque est devenue  un problème de santé publique dans ces pays [7-8]. Les populations de ces pays éprouvent d’énormes difficultés de prise en charge thérapeutique augmentant ainsi la morbi-mortalité de cette affection. Dans ces pays en voie de développement, l’hypertension artérielle et les valvulopathies rhumatismales représentent les principales causes de l’insuffisance cardiaque [9,10] alors que dans les pays occidentaux les cardiopathies ischémiques occupent la première place [11].

Sur le plan national, on note une recrudescence des maladies cardiovasculaires [12] et par ricochet un taux élevé de patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Dans une étude hospitalière menée en 2014 dans un service de cardiologie dans la partie méridionale du pays, Pio et al [13] ont enregistré jusqu’à 25 % de cas d’insuffisance cardiaque. Au jour d’aujourd’hui aucune étude n’est réalisée sur l’insuffisance cardiaque dans la partie septentrionale du pays d’où l’importance notre étude qui avait pour objectif de décrire les aspects épidémio-cliniques et étiologiques de l’insuffisance cardiaque chronique dans les deux plus grands centres sanitaires publics de la ville de Kara.

 

PATIENTS  ET METHODE

 

 Cadre, type et période d’étude

 

Le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Kara et le Centre Hospitalier Régional (CHR) Tomdè ont servi de cadre d’étude. Il s’agit des deux plus grands centres hospitaliers de la ville de Kara qui est la principale ville de la partie septentrionale du Togo. Le CHU Kara dispose  en son sein d’un service de cardiologie tandis que le CHR Tomdè ne dispose que d’une unité de cardiologie, au sein du service de médecine permettant ainsi de prendre en charge les pathologies cardiovasculaires dans les deux structures. Il s’agit d’une étude rétrospective qui a porté sur les dossiers des malades hospitalisés pour insuffisance cardiaque chronique de janvier 2016 à décembre 2018 soit une période de trois ans.

 

Critères d’inclusion et paramètres étudiés 

 

Nous avons recensé tous les dossiers des malades dont l’âge était supérieur ou égale à 18 ans et hospitalisés pour insuffisance cardiaque chronique. Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque était posé sur la base des arguments cliniques couplés à l’échographie Döppler cardiaque. Les dossiers incomplets sans résultat d’échographie Döppler cardiaque ont été rejetés. Au total 1862 dossiers ont été exploités parmi lesquels 312 cas d’insuffisance cardiaque. Sur les 312 cas, seuls 220 patients disposaient d’une échographie Döppler cardiaque, constituant ainsi notre échantillon d’étude. Les données étudiées et analysées sont d’ordre épidémiologique, clinique, paraclinique (électrocardiogramme et échographie) et étiologique.

L’analyse de ces données a permis de recenser et d’estimer la prévalence de certaines comorbidités dont l’association à l’insuffisance cardiaque aggrave le pronostic du patient. Il s’agit de : la surcharge pondérale (indice de masse corporelle supérieure à 25 kg/m²), l’obésité abdominale (tour de taille supérieure à 88 cm chez la femme et 94 cm chez l’homme), l’anémie (taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/dl), l’insuffisance rénale chronique (clairance de la créatininémie inférieure à 60 ml/mn/1,73m²), la cytolyse hépatique (augmentation des transaminases supérieure à trois fois la normale) et la dyslipidémie (baisse du taux des HDL cholestérol [< 0,4g/l] et/ou élévation du taux des LDL cholestérol [> 1,3 g/l] ou des triglycérides [> 1,5 g/l] ou du cholestérol total [> 2 g/l]). Quant au diabète, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), les accidents vasculaires cérébraux (AVC), l’éthylisme et la goutte, ils sont retenus sur la base de l’interrogatoire. 

Sur le plan électrocardiographique, l’hypertrophie ventriculaire gauche est retenue pour un indice de Sokolow-Lyon (ISL) supérieur à 35mv ou indice de Cornell (IC) supérieur ou égale à 22mv chez la femme et 28 mv chez l’homme. Pour l’hypertrophie auriculaire gauche, la durée de l’onde P devrait être supérieure ou égale à 120 millisecondes. Le diagnostic de l’hypertrophie ventriculaire droite était retenu si l’amplitude de l’onde R était supérieure à celle de l’onde S en V1 [14].Concernant les troubles conductifs, lorsque la durée du complexe QRS est supérieure ou égale à 120 millisecondes le bloc de branche est considéré complet et entre 80 et 120 millisecondes le bloc de branche est incomplet.  

Au niveau échographique, la fonction systolique du ventricule gauche (VG) a été évaluée par les méthodes de Teicholz et Simpson biplan et les deux valeurs moyennées. En cas d’anomalie de la cinétique segmentaire, seule la méthode de Simpson BP est utilisée. Trois niveaux de dysfonction ont été considérés : la dysfonction systolique sévère (fraction d’éjection < 35%), la dysfonction systolique moyenne (fraction d’éjection entre 35% et 45%) et la dysfonction systolique modérée (fraction d’éjection entre 45% et 55%). A partir de 55%, la fonction systolique est considérée comme normale [15]. Les autres valeurs échographiques seuils retenues sont: la dilatation du VG (diamètre télé diastolique ≥ 31 mm/m² chez l’homme et 32 mm/m² chez la femme), la dilatation de l’oreillette gauche (OG) (volume OG ≥ 34ml/m²), la dilatation de l’oreillette droite (OD) (volume OD ≥ 25 ml/m²), la dilatation du ventricule droit (VD) (diamètre télé diastolique ≥ 35 mm), la dysfonction systolique du ventricule droit (TAPSE ≤ 15 mm), l’hypertension artérielle pulmonaire (PAPS >35mmHg).

Le diagnostic de cardiopathie ischémique était posé sur la base des arguments cliniques (douleur thoracique d’allure angineuse), électriques (ischémie sous endocardique et sous épicardique; lésion sous endocardique et sous épicardique et séquelle de nécrose) et échographiques (anomalie de la cinétique segmentaire).

Le diagnostic de valvulopathie rhumatismale était retenu sur la base des arguments cliniques (antécédents d’angine de gorge à répétition) et surtout échographiques (épaississement, remaniement ou mutilation des feuillets valvulaires, rétraction et/ou fusion des commissures des valves cardiaques) [16].

La cardiomyopathie du péripartum était retenue chez les patientes indemnes de toute cardiopathie avant la gestation et qui présentent en post partum un tableau d’insuffisance cardiaque avec à l’échographie Döppler cardiaque une dilatation du ventricule gauche avec fraction d’éjection du VG inférieure ou égale à 45% [17].

Le diagnostic de cœur pulmonaire chronique était échographique : Dilatation des cavités droites avec épaississement de la paroi du ventricule droit et une hypertension artérielle pulmonaire et un cœur gauche normal.

En fin le diagnostic de myocardite a été posé sur la base des arguments cliniques (contexte infectieux sans antécédent de cardiopathie hypertensive et ischémique), biologiques (augmentation des CKP) et échographiques (dilatation et hypokinésie diffuse des parois des cavités cardiaques avec dysfonction systolique d’un ou des deux ventricules) [18].

 

Traitement et analyse des données

 

Les variables quantitatives sont présentées sous forme de moyenne ± écart type et les variables qualitatives sous forme d’effectif suivi du pourcentage. Le test de Khi carré a été utilisé pour la comparaison des variables catégorielles et celui de Student pour la comparaison des variables quantitatives. Les valeurs de p inférieures ou égales à 0,05 ont été considérées comme significatives. Le traitement des données a été effectué à l’aide du logiciel Epi info 7.

 

 

 

RESULTATS

Aspects sociodémographiques et cliniques

 

Les 220 dossiers retenus pour l’étude comptaient 136 patients de sexe masculin soit un sexe ratio homme/femme de 1,6. La prévalence hospitalière de l’insuffisance cardiaque chronique dans notre étude était de 16,7%(312 cas d’insuffisance cardiaque sur 1862 dossiers exploités). L’âge moyen des patients était de 56,8 +/- 16,1 ans avec des extrêmes de 19 et 90 ans. Près de la moitié des patients (45,4%) avaient un âge inférieur à 55 ans. La mortalité hospitalière toute cause confondue était de 11,4% (25 patients), touchant 11,9% de femmes contre 11% d’hommes, sans différence statistiquement significative. Cent quatre-vingt-quatorze patients (88,2%) avaient une comorbidité associée à l’insuffisance cardiaque. Tous les patients décédés avaient au moins trois comorbidités. Le tableau 1 résume les caractéristiques cliniques de la population d’étude.

 

Aspects paracliniques

 

Les résultats de l’électrocardiogramme (ECG) et de l’échographie Döppler cardiaque sont renseignés dans les tableaux 2 et 3. Une cardiomégalie est retrouvée chez tous les patients chez qui la radiographie du thorax a été réalisée (182 patients).

Le trouble du rythme le plus fréquent est l’arythmie complète par fibrillation atriale retrouvée dans 7,3% (16 patients).  En ce qui concerne les troubles conductifs l’hémi bloc antérieur gauche était le plus fréquent retrouvé dans 11,8% des cas (26 patients). Le bloc de branche gauche est retrouvé chez 22 patients (10%) dont 12 (5,4%) cas de bloc de branche gauche complet. 

L’anomalie structurelle à l’échographie la plus fréquente était la cardiopathie dilatée avec 81,8% de dilatation du ventricule gauche et 16,4% de dilatation de toutes les cavités.

Etiologies

 

Dans 14,5% des cas la cause de l’insuffisance cardiaque n’était pas élucidée faute d’élément clinique et échographique nécessaires pour en confirmer l’étiologie. L’HTA est responsable de  quasiment la moitié des cas d’insuffisance cardiaque. Le tableau 4 résume les différentes étiologies retrouvées dans notre série.


 

 

DISCUSSION

 

 

Nous avons réalisé une étude rétrospective sur l’insuffisance cardiaque chronique en milieu hospitalier au Togo. La question sur l’insuffisance cardiaque chronique est largement étudiée dans la sous-région (Afrique subsaharienne) par plusieurs auteurs qui ont rapportés des taux élevés de morbi-mortalité [8, 19, 20]. La prévalence hospitalière de l’insuffisance cardiaque dans notre série qui est de 16,7%, est largement inférieure à celle de Kingue et al [10] au Cameroun, Thiam et al [21] au Sénégal et Pio et al [13]  au Togo qui ont respectivement trouvé 30% ; 37,7% et 25,6%. Ce taux bas retrouvédans notre étude s’explique par le fait que notre population d’étude soit composée des patients reçus aussi bien en hospitalisation qu’en consultation alors que les autres auteurs ont pris en compte seulement les patients hospitalisés. En ce qui concerne le sexe ratio et la moyenne d’âge des patients, nos résultats sont similaires à ceux des autres auteurs de la sous-région [10, 13, 19, 20] : Prédominance du sexe masculin et moyenne d’âge en dessous de 60 ans contrairement à la situation dans les pays développés où la moyenne d’âge se situe au-delà de 70 ans [6, 11, 22] à cause de l’espérance de vie qui y est plus élevée. Les techniques de prise en charge très avancées et la disponibilité des médicaments à la portée des patients  dans les pays occidentaux font que les patients insuffisants cardiaques ont une survie plus longue que ceux des pays en voie de développement qui arrivent difficilement à se procurer des médicaments nécessaires. La mortalité hospitalière de l’insuffisance cardiaque dans notre série (11,4%) est légèrement supérieure à celle de Kambiré et al [19] au Burkina Faso et de Kingue et al [10] au Cameroun qui ont respectivement enregistré 7,1% et 9,03%. Ce taux de mortalité plus élevé dans notre étude est le reflet de la sévérité de la maladie (taux élevé de dysfonction systolique et de dilatation des cavités) et des difficultés (indisponibilité des moyens financiers et des médicaments) éprouvées dans la prise en charge de cette pathologie dans notre milieu.

Les comorbidités associées à l’insuffisance cardiaque dans notre étude sont nombreuses, absentes seulement dans 11,8% des cas. En Côte d’Ivoire Adoubi et al [20] trouvent un taux similaire (12,9%) de patients insuffisants cardiaques sans comorbidités associée alors que dans les pays développés la fréquence d’association des comorbidités est plus élevée à cause de l’âge plus avancé des patients dans ces pays. Comme dans toutes les études en Afrique subsaharienne l’hypertension artérielle est la comorbidité la plus fréquente et elle représente la cause la plus fréquente de l’insuffisance cardiaque. En dehors de l’hypertension artérielle, d’autres comorbidités sont aussi associées aggravant ainsi le pronostic des patients. Mais il faut néanmoins relever la faible fréquence de certaines comorbidités dans notre étude comparativement aux autres études en Afrique subsaharienne : dix-huit virgule trois pourcent d’anémie dans notre étude contre 44% dans celle d’Adoubi [20] en Côte d’Ivoire; 7,3% de fibrillation atriale dans notre étude contre 38% chez Adoubi et 19% chez Kambiré [19] au Burkina Faso. En somme les comorbidités sont relativement moins fréquentes dans notre étude comparativement aux autres études de la sous-région.

Sur le plan paraclinique, l’échographie Döppler cardiaque reste un examen incontournable dans le diagnostic lésionnel et parfois étiologique et le suivi de la prise en charge thérapeutique des patients insuffisants cardiaques. Comparativement aux autres études [10, 13, 23] les anomalies cardiaques telles que la dilatation cavitaire et la dysfonction myocardique sont plus sévères dans notre étude. Nous avons trouvé jusqu’à 92,7% de dysfonction systolique, dont 58,2% de dysfonction sévère, dans notre étude contre seulement 70% de dysfonction systolique dans celle de Kingue [10] au Cameroun. Etant donné que la gravité des lésions au niveau cardiaque est souvent corrélée à la qualité de vie et au pronostic des patients, la mortalité sera sans doute plus élevée dans notre étude. La sévérité de la dysfonction systolique explique probablement la mortalité hospitalière plus élevée dans notre étude par rapport aux autres de la sous-région.

Sur le plan étiologique, l’hypertension artérielle est la première cause (40% des cas) de l’insuffisance cardiaque comme décrit dans la plupart des études Africaines [8, 10, 13, 21]. Avec la transition épidémiologique  des maladies cardiovasculaires qui s’est mise en place depuis quelques années dans les pays en voie de développement à cause des changements alimentaires et de mode de vie, on assiste à une émergence des cardiopathies ischémiques prenant ainsi la place aux maladies infectieuses telle que les valvulopathies rhumatismales. Ainsi les cardiopathies ischémiques sont la deuxième cause d’insuffisance cardiaque dans 20% des cas. Nos résultats sont similaires à ceux de Pio [13] au Togo et Thiam [21] au Sénégal qui ont respectivement trouvé 19,2% et 18,9% de cardiopathies ischémiques dans leur série. L’analyse de nos résultats montre qu’une bonne prise en charge de l’HTA et des autres facteurs de risque des cardiopathies ischémiques (diabète, tabagisme, dyslipidémies, sédentarité et obésité), réduirait la fréquence de l’insuffisance cardiaque dans notre milieu.

 

 

CONCLUSION

 


L’insuffisance cardiaque est un syndrome fréquent en milieu cardiologique dans notre milieu comme dans les autres pays en voie de développement. Les patients sont relativement jeunes avec une prédominance masculine et un revenu mensuel faible. Les étiologies sont dominées par l’hypertension artérielle et les cardiopathies ischémiques. Des mesures préventives doivent être prises par les décideurs pour freiner l’évolution de l’insuffisance cardiaque favorisée par la transition épidémiologique des maladies cardiovasculaires dans les pays en voie de développement.

 

 

Tableau 1

Caractéristiques cliniques

 

Caractéristiques

Effectif (%)

Sexe masculin

136 (61,8)

Tranche d’âge

< 35 ans

35 à 44 ans

45 à 54 ans

55 à 64 ans

65 à 74 ans

≥ 75 ans

16 (7,3)

28 (12,7)

56 (25,5)

32 (14,5)

60 (27,3)

28 (12,7)

Niveau socio-économique

RM < 50.000 fcfa

RM entre 50.000 et 100.000 fcfa

RM > 100.000 fcfa

  137 (62,3%)

68 (30,9)

                              15 (6,8)

Profession

Agriculteurs

Femmes au foyer

Retraités

Enseignants

Autres

60 (27,3)

52 (23,6)

36 (16,4)

32 (14,5)

40 (18,2)

Comorbidités

Diabète

Obésité abdominale

Surcharge pondérale (IMC > 25 Kg/m²)

Anémie

Dyslipidémie

Ethylisme

Goutte

Insuffisance rénale

BPCO

AVC

Cytolyse hépatique

 25 (11,2)

 72 (32,7)

                            141 (64,1)

  41 (18,3)

66 (30)

   84 (38,2)

11 (5)

     48 (21,8)

    18 (8,2)

      9 (4,1)

       68 (31%)

Type d’insuffisance cardiaque

Insuffisance cardiaque gauche

Insuffisance cardiaque droite

Insuffisance cardiaque globale

     157 (71%)

       48 (22%)

      15 (7%)

RM = Revenu mensuel ; HTA = Hypertension artérielle ; IMC = indice de masse corporel ; BPCO = Bronchopneumopathie chronique obstructive ;  AVC = Accident vasculaire cérébral.

 

 

Tableau 2

Trouvailles électrocardiographiques

Anomalie

Fréquence (%)

Hypertrophie ventriculaire gauche

112 (50,9)

Hypertrophieauriculaire gauche

  40 (18,2)

Hypertrophieventriculaire droite

16 (7,3)

Trouble de la repolarisation (ischémie ou lésion)

44 (20)

Trouble du rythme (ACFA, flutter atrial, tachycardie atriale, extrasystole) 

   60 (27,3)

Trouble de la conduction (BBD ou G, HBA, BAV1 ou 2)

80 (36,4)

ACFA= Arythmie complète par fibrillation atriale ; BBD ou G = Bloc de branche droit ou gauche; BAV = Bloc auriculoventriculaire ; HBA= Hemibloc antérieur

 

 

Tableau 3 

Trouvailles à l’écho Döppler cardiaque

Caractéristiques

Fréquence (%)

Fonction systolique du VG

Normale

Dysfonction modérée

Dysfonction moyenne

Dysfonction sévère

16 (7,3)

20 (9,1)

 56 (25,4)

128 (58,2)

Dilatation du VG

180 (81,8)

Dilatation de l’OG

100 (45,5)

Dilatation des cavités gauches (VG + OG)

  80 (36,4)

Dilatation des cavités droites (VD + OD)

  56 (25,4)

Dilatation des cavités gauches et droites

  36 (16,4)

Présence de thrombus ou contraste spontané intra cavitaire

 12 (2,7)

Dysfonction diastolique VG

 140 (63,6)

HTAP

  54 (24,5)

PRVG élevées

150 (68,1)

Dysfonction systolique VD

  42 (19,1)

 

VG = Ventricule gauche ; OG = Oreillette gauche ; VD = Ventricule droit ;     OD = Oreillette droite ; HTAP = Hypertension artérielle pulmonaire ;   PRVG = Pressions de remplissage du ventricule gauche.

 

 

Tableau 4

Principales étiologies

 

 Etiologies

Effectifs (%)

HTA

106 (48)

Cardiopathie ischémique

  26 (20)

Valvulopathie rhumatismale

   16 (7,3)

Cardiomyopathie du péripartum

   16 (7,3)

Cœur pulmonaire chronique

    12 (5,4)

Myocardite infectieuse

    12 (5,4)

Cause non retrouvée

      32 (14,6)

HTA = Hypertension artérielle

 

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