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Evaluation de la prise en charge de l’embolie pulmonaire dans un pays à faible niveau socio-économique : cas du Bénin.

Evaluation of pulmonary embolism management in a developping country, the case of Benin.

M. HOUÉNASSI,  J. SACCA- VÉHOUNKPE,  Y. TCHABI ,  R. AKINDÈS DOSSOU-YOVO, F. SAÏZONOU,   O. BIAOU, M. D’ALMEIDA MASSOUGBODJI,  H. AGBOTON.

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RESUME

Objectifs : Cette étude a  pour objectif  d’analyser l’efficacité d’une stratégie de  prise en charge  de l’embolie pulmonaire (EP)  modulée par les contraintes financières en milieu cardiologique au CHU de Cotonou.

Matériel et méthodes : C’est une étude rétrospective sur une période de 8 ans 5 mois qui a inclus tous les patients hospitalisés pour suspicion d’EP. Une insuffisance de données dans les dossiers était le seul critère d’exclusion. La réalisation de l’ECG, du télécoeur, de l’échographie Doppler cardiaque et de l’échographie Doppler veineux des membres inférieurs a été systématique.  Lorsque les moyens financiers le permettaient un angioscanner pulmonaire a été réalisé. Deux modalités  diagnostiques ont été utilisées : 1/ l’EP est retenue par diagnostic indirect devant l’association de signes de cœur pulmonaire aigu et d’une thrombose veineuse documentée ; 2/  L’EP a été retenue  sur des critères  angioscannographiques. Tous les patients atteints d’EP ont été traités par héparinothérapie puis antivitamine K pendant au moins 6 mois. Les autres ont été traités pour l’affection alternative retenue puis surveillés cliniquement pendant 3 mois au cours desquels ils ont été explorés à nouveau en cas de symptôme. La fréquence  de l’EP a été calculée. Les différents cas de figure diagnostiques ainsi que l’adéquation de la thérapeutique ont été confrontés à la littérature internationale. Les données concernant l’EP ont été analysées dans le logiciel SPSS avec utilisation du Khi2, du test de Fischer, de l’étude du risque relatif avec un seuil de significativité de 0,05.

Résultats : Au total 92 patients ont été retenus. L’âge moyen était de 53 ans ± 13,62. Un angioscanner pulmonaire a été réalisé seulement chez 27 patients. L’EP n’a pas été retenue au départ chez 40 patients. Parmi eux  un seul a présenté dans l’évolution une récidive des symptômes ayant conduit au diagnostic d’EP. L’EP a été retenue chez 52 patients et sa prévalence était de 01,76 %.  Vint deux (22) cas ont été diagnostiqués par angioscanner pulmonaire et 30 par diagnostic indirect.  L’EP était massive dans 38,46 %, submassive dans  32,70 %  et de moyenne gravité dans 22,84 %. La mortalité a été de 15,38 % principalement favorisée par la survenue de complications hospitalières (p < 10-3) dont la fréquence semblait être liée au degré de gravité de l’EP à l’admission (p= 0,048).

Conclusion : Les auteurs concluent que  leur stratégie diagnostique est assez efficace mais  marquée par un risque de faux négatif. Leur stratégie thérapeutique marquée par l’absence de thrombolyse  dans les EP massives a été  insuffisante. 

MOTS CLES

Embolie pulmonaire, noir africain, prise en charge.

SUMMARY

The aim of this study is to analyse the management of  pulmonary embolism (PE) in a cardiology unit  in  a  developing country in west Africa.

It is a retrospective study of a duration of 8 years 5 months. All suspected cases of PE have been included. When all the researched factors were not available in the patient’s observation he was excluded. PE diagnosis has been done in two ways: direct diagnosis by computed tomography – diagnosis by association of venous thrombosis and acute pulmonary heart. Electrocardiogram, chest x-ray, echocardiography and venous echodoppler were realised for all patients. Pulmonary computed tomography was done when it was financially possible. Heparin and antivitamin K have been used for all proved PE for at least six months. Other patients received treatment corresponding to their diagnosis and were followed up for three months. PE’s frequency has been calculated. The different diagnostic situations have been analysed according to international literature. For PE, analysis has been done in SPSS. Statistic tools were Khi 2, Fisher test with significative threshold of 0.05.

Ninety-two patients have been included. Mean age was 53 years.  Computed tomography has been done for 27 patients. PE has been excluded for 40 patients. One of them presented later the same signs that lead to PE diagnosis by pulmonary computed tomography. PE has been diagnosed for 52 patients corresponding to a prevalence of 01.76 %, twenty two by direct diagnosis. PE was considered massive for 38.4%, sub-massive for 32.7%. Patients died in 15.38% of cases.  Death happened in patients who presented in hospital with bad events (p < 10-  ) and these events seem to be more frequent when PE is already complicated (p= 0,048 ).

The authors conclude that their way of management of PE is good but marked by false negative risk. The high mortality was due to lack of thrombolytic therapy for massive PE.

 KEY WORDS

Pulmonary embolism – Sub-Saharan Africa- management

Unité de Soins d'Enseignement et de Recherche en Cardiologie-Faculté des Sciences de la Santé.

Adresse pour correspondance :    

 HOUENASSI  D. M.

 011BP 33 – camp Guézo  Cotonou  BENIN

Tél/ Fax : (229) 21301663

E mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. , Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

INTRODUCTION

 

L’embolie pulmonaire (EP) est une affection fréquente et grave dans les pays développés où les principes de prise en charge ont été précisés [1-4]. En Afrique subsaharienne où elle semblait exceptionnelle, elle est de plus en plus rapportée depuis les premières séries des décennies 70 et 80 [5, 6]   mais souvent sous forme de séries autopsiques ou de petites séries cliniques dont les méthodes de confirmation diagnostique sont parfois approximatives. Au Bénin, pays en voie de développement où plus de 80 %  de la population a un revenu inférieur à  1dollar par jour,  confirmer le  diagnostic de l’embolie pulmonaire et  donc prendre en charge à temps et mettre en œuvre une décision thérapeutique optimale sur des bases objectives  constitue souvent  un défi difficile à relever. Une adaptation de la stratégie diagnostique et thérapeutique à la situation économique du patient a été souvent impérative. L’objectif de cette étude est l’analyse de l’efficacité de cette méthode de gestion de l’EP.

 

 

MATERIEL ET METHODE

 

Il s’agit d’une étude rétrospective et descriptive, réalisée à l’Unité de Soins d’Enseignement et de recherche en Cardiologie du Centre National Hospitalier et Universitaire (CNHU) Hubert K. MAGA de Cotonou. La période d’étude s’étendait du 1er janvier 1996 au 31 mai 2004.

Tous les patients hospitalisés pour suspicion d’EP dans la période d’étude ont été inclus. Ceux dont les dossiers ne comportaient pas tous les renseignements recherchés ont été exclus.

L’EP avait été diagnostiquée  soit par les critères angioscanographiques internationaux

 

 

Adresse pour correspondance :    

 HOUENASSI  D. M.

 011BP 33 – camp Guézo  Cotonou  BENIN

Tél/ Fax : (229) 21301663

E mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

             Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

décrits [7],  soit par l’association d’une thrombose veineuse profonde (TVP) confirmée à l’échographie Doppler et de signes cliniques, électrocardiographiques, radiographiques ou échocardiographiques de cœur pulmonaire aigu. Le critère angioscannographique de diagnostic direct retenu était une lacune ou défaut d’opacification intraluminal dans le réseau artériel pulmonaire. Les signes indirects étaient l’épanchement pleural ou l’infarctus pulmonaire. Les signes de cœur pulmonaire aigu utilisés sont présentés dans le tableau n° I. Les critères de gravité de l’EP utilisés sont présentés dans le tableau 2 Le dosage plasmatique des D dimères n’était pas disponible pendant cette période et l’impossibilité de réaliser un angioscanner pulmonaire à chaque fois que la situation clinique l’exigeait ne permettait pas d’appliquer les algorithmes décisionnels usuels.

L’électrocardiogramme (ECG), le télécoeur, l’échodoppler cardiaque et l’échographie Doppler veineux des membres inférieurs sont des examens systématiquement réalisés. L’ECG et le télécoeur coûtent chacun 8400 F CFA, les échodopplers chacun 12600 F CFA (1 euro= 655,5 F CFA). L’ensemble de ces examens coûte ainsi 42 000F CFA (environ 64 euros) soit environ 1,7 fois le SMIG du Bénin qui est de 25000 F CFA.

L’angioscanner pulmonaire (ASCP) a été réalisé selon les possibilités financières du patient sur un scanner hélicoïdal de type Siemens Somatom AR Star  à 2 barrettes. En plus du diagnostic positif, la sévérité de l’EP a été appréciée par l’index d’obstruction de Qanadli [8]. Le coût de l’examen par ASCP est de 100 000F (environ 4 fois SMIG)  soit environ 152 euros.

Les patients chez qui une EP a été retenue ont été traités par héparinothérapie relayée par un traitement antivitamine K, associée  si nécessaire à l’administration d’un inotrope  et à un remplissage vasculaire. Chez les autres les traitements correspondant au diagnostic alternatif ont été instaurés. Dans ce cas  l’efficacité thérapeutique a été considérée comme une confirmation du diagnostic d’élimination de l’EP. Une surveillance a été mise en place  pendant 3 mois à la recherche d’une récidive des symptômes et en cas de récidive de ces symptômes ou d’apparition de symptômes évocateurs d’EP, un ASCP a été réalisé.

Les variables étudiées se rapportaient aux caractères démographiques, à la sémiologie clinique, aux données paracliniques, au diagnostic retenu et à l’évolution sous traitement. Les données ont été collectées à partir des dossiers des patients sur un questionnaire informatisé ; elles ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel SPSS. Les variables quantitatives ont été exprimées en moyenne ± déviation standard et ont fait l’objet d’un test de normalité. La comparaison des proportions a  été faite  à l’aide du test de Khi2 de Pearson ; le test exact de Fisher était préféré quand la taille d’un échantillon était inférieure à 5. La détermination du risque relatif avec intervalle de confiance à 95 % a permis d’étudier l’impact des complications sur la mortalité. Le seuil de significativité statistique était fixé à 0,05.

 

 

 

RESULTATS

 

 

 

Constitution de la série et caractères démographiques

 

Au total  92 patients ont été retenus. Le diagnostic d’EP a été retenu chez 52  d’entre eux dont l’âge moyen était de 53 ans ± 13,62. Le sexe-ratio était de 1,47 en faveur des hommes. La prévalence de l’EP parmi les 2954 hospitalisés de la période d’étude était de 1,76 %.

 

Aspects diagnostiques

 

Les signes d’appel recueillis chez ces 92 patients sont rapportés par le tableau  3.

 

 

Diagnostic d’EP par angioscanner pulmonaire

 

L’ASCP a été réalisé au total chez 27 patients soit 29,3%. Il a permis d’affirmer le diagnostic  chez 22 patients dont la moitié (11 soit 21,15% des EP) n’avait pas de thrombose veineuse profonde des membres inférieurs. Les lésions étaient sous segmentaires diagnostiquées par des signes indirects chez 4 patients soit  18,2 % et segmentaires diagnostiquées par une image de thrombus intra-artériel chez 18 patients soit 81,8 %. Parmi les 18 patients ayant une lésion segmentaire, l’obstruction artérielle pulmonaire siégeait dans le tronc de l’artère pulmonaire (TAP) chez 1,  dans la branche droite seule chez 2, dans la branche gauche seule chez 3,  dans les 2 branches simultanément chez 5. Ainsi 10 patients sur les 22 soit 45,4 % ont une embolie pulmonaire très proximale. Pour les 4 patients ayant une EP périphérique les images étaient celles d’un infarctus pulmonaire droit chez 3 et un épanchement pleural bilatéral chez le seul restant ; une thrombose veineuse des membres inférieurs avait été diagnostiquée chez les 4 par échographie Doppler veineux.

 

Diagnostic indirect de l’EP

 

Chez les 65 patients qui n’ont pas eu un ASCP,  l’association d’une thrombose veineuse documentée et de signes de cœur pulmonaire aigu a permis l’affirmation de l’EP  pour 30 d’entre eux. En plus des signes d’appel cliniques rapportés ci-dessus, il y avait à l’entrée : un état de choc  dans 2 cas soit 02,1%, une hypotension artérielle  dans 3 cas soit 03,2 % et une insuffisance ventriculaire droite  dans 15 cas soit 16,3%. Les anomalies de       l’électrocardiogramme sont rapportées dans le tableau 4. Le télécœur était anormal  chez  40 patients soit 43, 4 %. Il  avait retrouvé un infarctus pulmonaire chez 10 patients, un épanchement pleural unilatéral chez 20 patients, un syndrome de condensation pulmonaire lobaire chez 9 patients, une saillie de l’arc moyen gauche chez 7 patients. L’échographie Doppler veineux des membres inférieurs avait retrouvé une thrombose veineuse chez 41 patients. La thrombose  était surale dans 15 cas et ilio-fémorale dans 26 cas. Les anomalies de  l’échographie Doppler cardiaque sont rapportées dans le tableau 5.

 

Gravité de l’EP

 

Finalement, à l’entrée,  20 patients soit 38,46 % avaient une EP massive, 17 soit 32,70% avaient une EP submassive et 15 soit 28,84 % avaient une EP de moyenne gravité.

Pour les 22 patients ayant réalisé l’ASCP, la moyenne de l’index d’obstruction  calculé selon la méthode de Qanadli est de 29,8 ± 19,58 (02,5 à 75 ).           

 

Diagnostics alternatifs

 

Chez les 40 patients pour lesquels le diagnostic d’EP n’a pas été retenu, les diagnostics retenus étaient : cœur pulmonaire chronique avec une poussée de dyspnée, infections ou inflammations pleuro-pulmonaires.

 

Evolution sous traitement

 

Les EP

 

Pour les 52 cas d’EP, l’évolution a  été d’emblée favorable chez 41 patients soit 78,84%. Une complication est survenue chez les 11 restants soit 21,15%. Ces complications étaient une insuffisance cardiaque chez 6 patients, une récidive d’EP  chez 3, un trouble rythmique auriculaire (fibrillation ou flutter auriculaire) chez 2. Elles sont survenues d’autant plus fréquemment que l’EP était grave à l’entrée comme le montre le tableau 6.

 Finalement 8 patients, soit 15,38 % sont décédés, 2 par récidive d’EP avec asystolie, les 6 restants par insuffisance cardiaque. Entre l’âge, le sexe, la gravité de l’EP à l’entrée et la survenue hospitalière de complications, seule la survenue de complications est corrélée à la mortalité comme l’indique le tableau 7.

 

Les diagnostics alternatifs

 

L’évolution hospitalière a été favorable chez tous. Un seul patient qui n’avait pas fait d’ASCP a présenté une récidive précoce des symptômes respiratoires et une embolie pulmonaire bilatérale segmentaire a été finalement retenue à l’ASCP. Ce cas constitue un faux négatif ; soit une fréquence de faux négatif de 1 pour 92 procédures. Une dyspnée stade II ou III a été retrouvée chez les  10 patients atteints d’un cœur pulmonaire chronique.

 

 

 

COMMENTAIRES

 

 

Aspects diagnostiques

               

L’ASCP est le seul examen permettant le diagnostic direct de l’EP à Cotonou ; il n’est disponible que depuis l’an 2000 et n’a été réalisé que chez 27 patients sur nos 92 suspicions d’EP à cause aussi du coût (4 fois le SMIG). Cette limitation de l’accessibilité de l’ASCP a des conséquences potentielles sur la fréquence de diagnostic des EP et la gestion des patients. En effet 9 patients suspects d’EP se retrouvent sans diagnostic alternatif car n’ayant pas eu accès à l’ASCP et n’ayant pas présenté de thrombose veineuse. Cette absence de thrombose veineuse n’a pas permis de les classer dans les cas d’EP diagnostiqués par notre association de critère. Aussi les cas de cœur pulmonaire chronique avec recrudescence de la dyspnée qui n’ont pas eu accès à l’ASCP n’ont pas été considérés comme ayant une EP à cause de l’absence de thrombose veineuse documentée. Avec une fréquence de 1 pour 92 procédures, les faux négatifs doivent être considérés comme rares. Cependant l’absence de récidive au cours des 3 mois de surveillance ne peut complètement exclure l’EP chez ces 16  patients.  Une EP sous segmentaire reste aussi possible dans  les 5 cas pour lesquels l’EP a été exclue  à l’ASCP  en l’absence de thrombose veineuse. En effet les capacités techniques limitées de notre scannographe appellent aussi quelques réserves sur les cas d’exclusion du diagnostic d’EP par cette méthode. La performance diagnostique de ce type de scannographe par rapport au diagnostic d’EP sous segmentaire est médiocre et seuls les scanners spiralés multibarettes récents  ont une excellente valeur diagnostique avec une valeur prédictive négative de 99,1%  [9].

Pour les 30 cas d’EP restants l’exigence de l’association d’un cœur pulmonaire aigu et d’une thrombose veineuse confirmée à l’échodoppler permet conformément aux recommandations, aux algorithmes et scores proposés pour le diagnostic d’EP d’avoir un diagnostic quasiment sûr [2, 10, 11]. Cette méthode permet aussi d’éviter les diagnostics par excès mais elle a l’inconvénient de favoriser des faux négatifs. En effet en l’absence d’ASCP les 11 cas  d’EP diagnostiqués à l’ASCP et n’ayant pas de thrombose veineuse des membres inférieurs auraient été éliminés de la série. Il faut se rappeler qu’une thrombose veineuse n’est retrouvée que dans environ 50 % des EP [12] soit parce que le thrombus a déjà migré soit qu’il ne siégeait pas aux membres inférieurs même si ce cas de figure est rare. L’utilisation des D dimères pourrait affiner cette stratégie diagnostique mais cet examen biologique n’était pas disponible  à Cotonou  pendant la plus grande partie de l’étude.

Tout cela illustre les difficultés diagnostiques encore plus grandes dans notre milieu qu’ailleurs comme l’avait rapporté l’étude de Kane et al [13]. Dans cette étude dakaroise il y avait seulement 29,4% de concordance entre le diagnostic premortem et le diagnostic autopsique; 58,8 % des cas n’avaient pas été diagnostiqués antemortem.  Awotedu et al [14] au Nigéria ont aussi illustré ces difficultés diagnostiques en rapportant  un taux de diagnostic premortem  faible de 15,6% sur une série autopsique de 60 EP fatales.

Cette série est composée en majorité d’EP massives ou submassives. Cela suggère que la fréquence des EP dans notre milieu est beaucoup plus élevée si on pense aux formes dites pneumologiques qui ne sont pas orientées en cardiologie.

Finalement cette stratégie diagnostique est pratique en milieu cardiologique. Elle expose à peu de faux positifs. Les faux négatifs constituent la préoccupation. Au vu de l’évolution qui n’a noté qu’une seule récidive symptomatique conduisant au diagnostic d’EP  parmi les cas  d’exclusion d’EP, on peut penser que ces faux négatifs ne sont pas trop importants en ce qui concerne les formes dites cardiologiques.  Ils pourraient être plus importants pour les formes pneumologiques ou périphériques  mais le pronostic de ces formes semble moins préoccupant et la nécessité d’un traitement anticoagulant dans ces formes reste controversée.  Cette situation est semblable  à toutes les stratégies diagnostiques modernes même si celles-ci ont actuellement des valeurs prédictives supérieures à 90 %  [15, 16]. En ce qui concerne le pronostic, notre stratégie est bien adaptée. En effet, elle identifie bien les facteurs de gravité pouvant imposer un traitement par fibrinolyse ou une embolectomie en présence de signes cliniques de choc [2,17] ou d’un thrombus menaçant des cavités droites     [18]. Elle sélectionne bien aussi les EP submassives en l’absence de critère de gravité clinique par les  troubles de la repolarisation antérieure à l’ECG potentiellement indicateurs d’un index de Miller supérieur à 50 % [ 18 ], l’HTAP, la dilatation des cavités à l’échographie Doppler cardiaque [16]. Elle peut permettre lorsque le scanner est fait, d’apprécier le degré d’obstruction artérielle pulmonaire par l’indice d’obstruction de Qanadli que nous avons régulièrement calculé.   Le diagnostic indirect est le moins cher, mais reste encore trop cher pour la majorité de la population.  

 

 Aspects thérapeutiques et évolutifs

 

La mortalité observée dans notre série est à la limite supérieure des chiffres rapportés qui varient de 6 à 15 % dans les pays développés [12,17]. Cette mortalité élevée est  principalement liée à la survenue de complications hospitalières comme le montre le tableau 7. Celles-ci comme l’indique le tableau 6 semblent survenir surtout  dans les EP déjà graves à l’entrée. La mortalité élevée engendrée par cette escalade de gravité est l’illustration de deux déficits : l’absence de thrombolyse et le retard diagnostique. Le retard diagnostique lié aux difficultés évoquées ci dessus favorise une évolution spontanée marquée par les récidives qui sont à l’origine de l’escalade de gravité qui est observée. Cette caractéristique de l’EP dans notre milieu appelle la mise en place d’une formation continue régulière du personnel soignant sur ce sujet dans le but d’obtenir un diagnostic précoce.   La nécessité de disposer d’une thrombolyse est surtout imposée par la fréquence des  EP massives qui représentent  38,46 % de notre série  et qui en sont les principales pourvoyeuses de complications ou de mortalité hospitalières.  Elle est conforme aux recommandations [2] et son efficacité est illustrée dans de nombreux pays comme la France [20] où  la mortalité  n’est que de 6,2 % en partie grâce l’administration de la thrombolyse à  20 % des EP.

 
 

CONCLUSION

 

L’EP est une maladie de plus en plus diagnostiquée en milieu noir africain. Sa prise en charge est souvent limitée par la faiblesse du plateau technique. Une stratégie minutieuse basée sur la recherche des signes indirects d’embolie pulmonaire et d’une thrombose veineuse de diagnostic facilement accessible est assez payante. Mais la mise en place du dosage des D dimères qui n’est pas très chère peut permettre d’appliquer une partie des algorithmes diagnostiques internationaux. La mise en place des angioscannographes modernes est souhaitable dans les centres de référence.

 

Tableau 1

 

 Signes de cœur pulmonaire aigu utilisés

 

Signes cliniques (isolés ou en association)

- Dyspnée d’effort ou de repos brutale inexpliquée

- Douleur thoraciques de type point de côté ou angor

- Syncope

- Tachycardie

- Hypotension artérielle

- Insuffisance ventriculaire droite aiguë 

Signes ECG

- Bloc de branche droit incomplet  ou aspect S1Q3

- Ondes T négatives en inférieur ou antéroseptal

- Tachycardie sinusale 

- ECG évolutif avec succession des éléments précités

Signes du télécoeur

- Signe de Westermark (hyperclarté pulmonaire localisée)

- Signe de Zweiffel (surélévation d’une coupole diaphragmatique)

- Opacités pulmonaires de différentes configurations dont l’infarctus pulmonaire et la forme caricaturale

- Epanchement pleural

Signes à l’échographie Doppler cardiaque

- Dilatation du ventricule droit sans hypertrophie pariétale

- Hypokinésie du ventricule droit

- Hypertension artérielle Pulmonaire aiguë

- Thrombus dans les cavités droites

 

Tableau 2 

 

Critères de gravité utilisés

 

EP de moyenne gravité

- Présence de signe objectif d’EP

- Absence de signe en faveur d’une EP massive et submassive

EP submassive

- Présence de signe objectif d’EP

- Présence de signe échoDoppler de cœur pulmonaire aigu

- Absence de signe clinique de gravité définis dans l’EP massive

EP massive

Critère d’EP submassive

et présence d’un ou de plusieurs des signes cliniques  de gravité suivants : état de choc, hypotension artérielle, syncope, insuffisance cardiaque droite aiguë

 

 

 
 

Tableau 3

 

Signes d’appel ayant conduit au diagnostic d’EP

Signes d’appel

N = 92 patients

Nombre

Pourcentage

Dyspnée

70

76

Douleur thoracique

49

    53,2

Toux irritative

35

38

Fébricule

25

    27,1

Hépatalgies

18

    19,5

Hémoptysie

11

    11,9

Syncope

   9

     09,7

Anxiété inexpliquée

    4

     04,3

 

Tableau 4

 

Résultats de l’ ECG

 

Anomalies

N = 92 patients

Nombre

Pourcentage

Pas d’anomalies

37

40 ,2

Aspect S1Q3, déviation axiale droite, BBD incomplet

35

                   38

Trouble de la repolarisation

-         Antérieure

-         Inferieure

-         Antérieure et inférieure

60

32

19

  9

65,2

34,7

20,6

   9,7

Trouble du rythme auriculaire

-         Tachycardie sinusale

-         Flutter/ fibrillation auriculaire

66

51

15

 

  71,7

  55,4

 16,3

 

Tableau 5

 

Résultats de l’écho Doppler cardiaque

 

Anomalies

N= 92 patients

Nombre

Pourcentage

 

Pas d’anomalies

49

  53,2

Anomalies

43

46,8

-         Dilatation de l’OD

40

43,4

-         Dilatation du VD

40

43,4

-         HTAP

34

36,9

-         Thrombus dans l’OD

  4

   4,3

-         Thrombus dans le VD

  1

   1,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 
 

Tableau 6

 

Relation entre la survenue de complications et la gravité initiale

 

Variable

Nombre

% complications

P

Like lihood Ratio LR

Gravité de l'embolie pulmonaire

52

 

0,048

EP Moyenne gravité

15

06,7

 

EP submassive

17

17,6

 

EP massive

20

                40

 

 

Tableau 7

 

Relation entre la mortalité et les facteurs cliniques

 

Variable

Fréquence

% Décès

P

Sexe

 

 

0,449 ( Fischer )

Masculin

31

19,4

 

Féminin

21

09,5

 

Age

 

 

             1( Fischer )

                      Moins de 50 ans

25

16

 

                      50 ans et plus

27

14,8

 

Gravité à l’entrée

 

 

0,287(Like lihood Ratio LR )

                      EP moyenne gravité

15

06,7

 

                      EP submassive

17

11,8

 

                      EP massive

20

     25 

 

Survenue de Complications hospitalières

 

 

    0,000 ( Fischer )

                       Oui

12

  66,7

 

                       Non

40

     00  

 

 

p= 0,000 avec un risque relatif égal à 3,0 ( 1,3-6,7 ).  On peut donc conclure que les complications exposent les patients au  décès

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


R      E      F      E      R      E      N      C      E      S


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