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Comment explorer la fonction diastolique et les pressions de remplissage ventriculaire gauche à l’échocardiographie Doppler. How to explore the diastolic function and filling pressure of left ventricle by Echocardiography Doppler

Auteurs: Diall IB *, Diakité S*, Mbaye A***, Coulibaly S*, Minta I**, Diallo B*, Touré MK*, Kane A ***

*Service de Cardiologie B du CHU du Point G (Bamako)

**Service de Cardiologie du CHU Gabriel Touré (Bamako)

*** Service de cardiologie de l’hôpital général de grand Yoff (Dakar)

 

Résumé

L’étude de la fonction diastolique et des pressions de remplissage du ventricule gauche est un temps essentiel de l’examen échocardiographique.

L’interprétation des paramètres recueillis repose sur une bonne connaissance des données physiopathologiques. La diastole dépend de plusieurs facteurs : la relaxation et  la compliance ventriculaire gauche mais également la fréquence cardiaque, la fonction auriculaire gauche, la fonction systolique ventriculaire gauche, les conditions de charge et l’état des valves.

En pratique l’étude de la fonction diastolique du ventricule gauche repose essentiellement sur l’analyse du flux mitral antérograde et du flux veineux pulmonaire recueillis  au Doppler pulsé et sur l’analyse du Doppler tissulaire à l’anneau mitral. D’autres facteurs peuvent intervenir en complément comme la taille de l’oreillette gauche, la manœuvre de Valsalva et les indices combinés.

Cette évaluation devrait permettre de conclure, avec fiabilité, à une élévation ou non des pressions de remplissage ventriculaire gauche.

Un rapport Em/Am < 1 est en faveur de pressions de remplissage normales ou peu élevées en l’absence d’hypertrophie ventriculaire gauche tandis qu’un profil restrictif avec un rapport E/A > 2 et/ou un temps de décélération de l’onde E mitral associée à une altération de la fonction systolique VG est en faveur d’une élévation des pressions de remplissage VG. 

Mots-clés : échocardiographie, fonction diastolique, pressions de remplissage, insuffisance cardiaque.
Summary

The study of diastolic function and filling pressures of left ventricle is a critical time of the echocardiographic examination.
The interpretation of parameters obtained is based on an understanding of physiological data. Diastole depends on several factors: the left ventricular relaxation and compliance but also the heart rate, the left atrial function, the left ventricular (LV) systolic function, the loading conditions and the condition of the valves.
In practice the study of the left ventricular diastolic function is based on analysis of mitral flow and pulmonary venous flow collected on pulsed Doppler, and the analysis of the mitral Doppler Tissue Imaging. Other factors may intervene to supplement as the size of the left atrium, the Valsalva maneuver and combined indices.
This assessment should conclude with reliability at elevated pressures or not left ventricular filling.
A report Em / Am < 1 is for normal filling pressures or little raised in the absence of left ventricular hypertrophy while a profile with a restrictive Em/Am ratio> 2 and/ or a deceleration time of 'mitral E wave associated with impaired LV systolic function is in favor of elevated LV filling pressure.
Keywords: echocardiography, diastolic function, filling pressure, congestive heart failure.

 

  1. I.                   Introduction

L’étude de la fonction diastolique et des pressions de remplissage  est devenu un temps essentiel de l’examen échocardiographique.  Elle permet une meilleure évaluation des patients présentant une insuffisance cardiaque et de rattacher des symptômes, en particulier une dyspnée, à une atteinte cardiaque [1].

Cette évaluation occupe une place importante aussi bien dans l’insuffisance cardiaque dite « systolique » où elle permet d’estimer les pressions de remplissage que dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée retrouvée dans 30 à 40% des cas [2].

Les renseignements tirés de cette évaluation ont, en plus de l’intérêt diagnostique, un intérêt pronostique et thérapeutique [3, 4].

Plusieurs méthodes telles que le cathétérisme cardiaque ou l’imagerie par résonance magnétique nucléaire permettent d’apprécier la fonction diastolique et les pressions de remplissage [5], mais l’échocardiographie doppler est devenue l’examen le plus utilisé  dans cette indication [6].

Cet article passe en revue les déterminants de la diastole et du remplissage  ventriculaire gauche et indique une approche pratique de l’évaluation de la fonction diastolique et des pressions de remplissage ventriculaire gauche par l’échographie cardiaque.

  1. II.                 Rappels sur la diastole

La diastole est la partie du cycle cardiaque qui va de la relaxation isovolumétrique à la fin du flux mitral. Elle conditionne la qualité du remplissage VG qui dépend de 2 propriétés principales du VG : la relaxation et la compliance passive [6, 7]. Classiquement, elle a été divisée en 4 phases [8, 9] :

ü    la phase de relaxation isovolumétrique,

ü    la phase de remplissage  rapide et passif,

ü    la phase de remplissage lent ou diastase,

ü    la contraction auriculaire.

Une approche plus récente consiste à diviser le cycle cardiaque en trois phases qui se chevauchent : la contraction systolique, la relaxation et le remplissage diastolique [9].

La relaxation est un phénomène actif nécessitant  de l’énergie fournie par l’hydrolyse de l’ATP. Elle est liée à la libération des ponts d’actine et de myosine qui dépend des mouvements du calcium [6, 7].

La relaxation entraîne une baisse de la pression ventriculaire gauche et un effet de succion du sang de l’oreillette gauche vers le ventricule gauche favorisant le remplissage rapide  protodiastolique [10].

Plusieurs facteurs peuvent influencer la relaxation : la fréquence cardiaque, l’asynchronisme électrique, les variations des conditions de charge, l’ischémie myocardique, les médicaments inotropes [7, 11]. Son atteinte est fréquente et précoce dans plusieurs cardiopathies. Elle est mesurée en hémodynamique à partir de la constante Tau.

La compliance (C) correspond  à la capacité passive du ventricule à se distendre sous l’effet d’une augmentation du volume [11, 12, 13]. En physiologie cardiaque, elle exprime la facilité de distension d’un vaisseau ou du cœur sous l’effet de la pression. Elle est définie par la variation de volume (DV) consécutive à la variation de pression (DP) : C = DV/DP [12, 13].

L’évaluation de la compliance se fait au mieux par l’analyse de la portion diastolique de la courbe pression – volume [6, 12]. Les principaux facteurs qui influencent la compliance  sont la distensibilité et l’élasticité du ventricule gauche, propriétés dépendant  essentiellement  de l’importance de la trame collagène et de la phosphorylation des protéines sarcomériques, de l’épaisseur pariétale, des dimensions de la cavité, des contraintes péricardiques et des modifications ventilatoires [6].

Outre la relaxation et la compliance, la diastole dépend aussi  d’autres facteurs tels que la fonction auriculaire gauche et la fonction systolique du ventricule gauche [14].

 En effet, l’oreillette exerce une triple fonction au cours de la diastole : fonction de réservoir, fonction de conduit et une fonction pompe qui contribue pour 20 à 30 % au remplissage ventriculaire gauche ; cette contribution  devient plus importante, atteignant  50% dans certaines dysfonctions diastoliques [14].

La fonction  systolique ventriculaire gauche influence la diastole notamment par la compression  exercée par le volume télésystolique sur les éléments élastiques du ventricule gauche. Une dysfonction systolique est donc presque toujours associée à une anomalie de la fonction  diastolique ventriculaire gauche et la différenciation entre les deux pourrait être excessivement caricaturale [6].

Ainsi donc la diastole et le remplissage ventriculaire sont sous l’influence de différents facteurs qui interagissent entre eux : la relaxation et la compliance  ventriculaire, la pression de l’oreillette gauche, les contraintes péricardiques ou ventilatoires, les conditions de charge, la fonction systolique ventriculaire gauche, la fréquence cardiaque, l’âge, l’état des valves cardiaques [1, 11].

  1. III.             Evaluation de la fonction diastolique à l’échocardiographie Doppler

L’évaluation des pressions de remplissage ventriculaire gauche fait désormais partie de la routine en échocardiographie Doppler où elle est fondée sur une approche intégrée et précise. Il s’agit d’une évaluation semi-quantitative, basée en général sur l’analyse du flux transmitral et d’autres indices combinés [11]. 

A. Paramètres d’évaluation de la fonction diastolique à l’écho Doppler cardiaque

Les outils dont nous disposons  permettent une appréciation  des anomalies du remplissage et l’estimation des pressions du ventricule gauche.

L’analyse du flux mitral antérograde est au centre de l’évaluation de la fonction diastolique VG et permet fréquemment un diagnostic très fiable [11]. Cependant dans certains cas, cette analyse devra nécessairement intégrer des paramètres supplémentaires parmi les quels l’onde Ea recueilli au Doppler tissulaire de l’anneau mitral et la vitesse de propagation du flux mitral (Vp) occupent une bonne place ainsi que le flux veineux pulmonaire.

Dans des situations plus complexes, l’utilisation des indices combinés et le recours à d’autres approches telles que la variation du flux mitral au cours d’une manœuvre de Valsalva, la mesure du temps de relaxation isovolumétrique et de la taille de l’oreillette gauche peuvent également aider dans l’évaluation des pressions de remplissage du ventricule gauche [11].

1. Le flux mitral

1.1- Technique de recueil du flux mitral 

Le flux mitral repéré en mode couleur sur la coupe apicale bidimensionnelle 4 cavités, est enregistré en mode Doppler pulsé en plaçant le volume d’échantillonnage à l’extrémité diastolique des feuillets valvulaires mitraux [7, 15, 16]. Normalement il est composé de 2 ondes successives (Em, Am) [16].

1. 2- Les paramètres mesurés et leur signification clinique

Les mesures usuelles réalisées en échocardiographie Doppler concernent les pics de vitesse des ondes Em et Am, le rapport Em/Am (normale de 1 à 2), le temps de décélération (TD) de l’onde Em (normale de 150 à 220 ms) et la durée de l’onde Am [7, 15, 16] (fig. 1). La morphologie du flux mitral reflète à tout moment le gradient de pression entre l’oreillette gauche (OG) et le VG. L’onde  Em traduit le remplissage précoce, rapide et passif, favorisée par l’effet de succion produit  par la relaxation ventriculaire [11, 6]. L’onde Am correspond à la contraction auriculaire survenant en fin de diastole [16].

Normalement l’onde Em est supérieure à l’onde Am [16]. Par ailleurs, plusieurs facteurs peuvent influencer le flux mitral (tableau 1).

La détermination du rapport Em/Am est le paramètre Doppler d’estimation des pressions de remplissage du ventricule gauche le plus employé en pratique clinique mais elle n’en autorise qu’une évaluation semi-quantitative [11, 17].

En cas d’anomalie isolée de la relaxation ventriculaire gauche, on note une diminution du remplissage précoce  du ventricule gauche par perte de l’effet de succion. Il s’ensuit une réduction de la vitesse de l’onde E et un allongement de son temps de décélération [11]. La contraction de l’oreillette gauche en télédiastole va jouer un rôle prépondérant réalisant une grande onde A. On obtient ainsi un profil du flux mitral caractérisé par un rapport Em/Am < 1 et un allongement  du temps de décélération  et du temps de relaxation iso volumétrique. Cet aspect reflète en général des pressions de remplissage VG normales ou peu augmentées au repos sauf en cas d’hypertrophie VG [11].

Lorsque l’anomalie de la relaxation est associée à une élévation des pressions de l’oreillette gauche, celle-ci tend à accroître le gradient entre l’oreillette  et le ventricule [10]. Ceci a pour conséquence une augmentation du remplissage initial et donc de l’onde Em. Le rapport Em/Am devient  alors supérieur à 1. On obtient ainsi un flux d’allure pseudo-normal (Em/Am compris entre 1 et 2) ou restrictif en cas d’élévation  importante des pressions auriculaires (Em/Am >2) [11].

Un rapport Em/Am élevé supérieur à 2 n’est pas forcément pathologique. En effet chez le sujet normal ayant une excellente relaxation, la diminution  rapide de la pression ventriculaire gauche et l’effet de succion qu’elle entraîne permettent un remplissage initial important responsable d’une onde Em ample [11]. A l’inverse il peut traduire une anomalie de la relaxation ventriculaire associée à une élévation des pressions auriculaires gauches.

2. Le flux veineux pulmonaire

2.1- Technique de recueil et paramètres du flux veineux pulmonaire

Il est enregistré en coupe apicale 4 cavités après repérage de la veine pulmonaire supérieure droite en Doppler couleur (flux orange longeant le septum inter-auriculaire) et en plaçant le volume de mesure en Doppler pulsé 1 à 2 cm avant son abouchement à l’oreillette gauche. Le flux veineux pulmonaire est de nature pulsatile par effet succion lié aux variations de pression auriculaire gauche au cours du cycle [7].

Il comprend une onde systolique (S), une onde diastolique (D) toutes deux positives et une onde négative ou onde P pulmonaire (Ap) contemporaine de la systole auriculaire (diastole ventriculaire) [7] (fig. 2).

L’onde S qui est normalement la plus importante, correspond au remplissage auriculaire pendant la systole au moment de la contraction ventriculaire qui favorise le déplacement vers l’apex du plancher auriculo-ventriculaire et une diminution de la pression de l’oreillette gauche, favorisant son remplissage à partir des veines pulmonaires.

L’ouverture des valves mitrales et le remplissage ventriculaire sont à nouveau associés à une baisse de la pression auriculaire ;  ce qui permet une seconde phase de remplissage réalisant l’onde D survenant en diastole [7].

L’onde Ap de faible durée et de faible vitesse (reflux  de sang  vers les veines pulmonaires) est générée par la contraction auriculaire [7].

L’utilisation d’une vitesse de défilement à 100 mm/s et de filtres réglés au plus bas sont des conditions indispensables pour mesurer avec précision la durée de l’onde Ap. [7].

2.2- Les paramètres mesurés et leur signification clinique

On mesurera les pics de vitesse des ondes systolique (S) et diastolique (D) et plus rarement leur intégrale temps-vitesse (ITV) ainsi que le rapport des ITV de S et D (S/D > 1), le pic de vitesse de Ap (< 35 cm/s) et sa durée qui est normalement inférieure à celle de l’onde A mitrale (Am) [7].

En cas de dysfonction diastolique, la gêne au remplissage ventriculaire favorise le reflux de sang vers les veines pulmonaires ; ce qui a pour conséquence une augmentation de l’onde Ap qui peut devenir supérieure à l’onde Am [11].

De même, l’anomalie de la fonction diastolique, du fait de la mauvaise vidange de l’oreillette gauche, entraîne une élévation de la pression de celle-ci en télé systole  favorisant une diminution  de l’onde S et du rapport S/D [7].

Certains auteurs ont démontré que le temps de décélération de l’onde D du flux pulmonaire est corrélé aux pressions de remplissage : plus ce temps est court, plus les pressions auriculaires gauches sont élevées. Un temps de décélération de D < 160 m/s traduit ainsi une pression auriculaire gauche supérieure à 17 mmHg [7, 18].

3. Le doppler tissulaire pulsé à l’anneau mitral 

Par l’analyse des mouvements de l’anneau mitral, le doppler tissulaire myocardique s’avère un outil précieux dans l’analyse du remplissage ventriculaire gauche et dans l’évaluation des pressions de remplissage VG en particulier dans le cadre difficile des cardiomyopathies hypertrophiques obstructives [19]. Plusieurs sites ont été étudiés mais les plus utilisés sont les versants septal et latéral de l’anneau mitral en coupe apicale 4 cavités utilisant le Doppler tissulaire pulsé [7, 15, 20] (fig. 3).

Le flux enregistré est composé de trois ondes principales : une onde positive systolique (Sa) traduisant le déplacement longitudinal de l’anneau vers l’apex au cours de la systole [7], une onde négative protodiastolique (Ea) lié au déplacement protodiastolique de l’anneau vers les veines pulmonaires et une négative télédiastolique (Aa). L’onde Ea est considérée comme un indice de relaxation ventriculaire indépendant des conditions de charge [7, 11] et constitue le seul paramètre de ce flux utilisé pour l’évaluation de la fonction diastolique ventriculaire gauche. Sa vitesse normale est de 12 ± 2,8 cm/s, en général supérieure à 8 cm/s [7].

Lorsque l’anomalie de la relaxation n’est pas associée à une élévation des pressions de remplissage VG, Em et Ea sont toutes 2 diminuées et Em/Ea est inférieur à 8 [7, 21].

Si l’anomalie de la fonction diastolique est associée à des pressions de remplissage VG élevées, l’onde Em augmente tandis que la vitesse de l’onde Ea reste faible. Ainsi, le rapport Em/Ea sera élevé en général au-delà de 15 [7, 21].

Au Doppler tissulaire, on obtient  également l’onde Aa qui est liée au déplacement des parois septale et latérale vers les veines pulmonaires, en rapport avec la contraction auriculaire ; et l’onde S due au déplacement systolique vers l’apex [15].

4. La vitesse de propagation (Vp) du flux de remplissage mitral en TM couleur

La technique de mesure de la Vp la plus simple est celle de Brun [22] qui fut le premier auteur à proposer l’étude de la propagation du flux en TM couleur. L’enregistrement est réalisé  en coupe bidimensionnelle apicale 4 cavités (Fig. 4). Le flux de remplissage ventriculaire gauche est repéré en Doppler couleur puis enregistré en TM à une vitesse de défilement rapide (≥ 100 mm/s). La ligne TM est placée dans l’axe médioventriculaire, passant par le milieu de l’orifice mitral. Parfois il est nécessaire de modifier les réglages de l’échelle de vitesse en déplaçant la ligne du zéro du Doppler couleur vers le haut pour obtenir une bonne visualisation de la pente (premier aliasing : interface entre les couleurs orange et bleu) [7, 23]. La vitesse de propagation du flux correspond à la pente de la ligne d’iso-vitesse représentée par l’interface orange-bleu, étudiée entre le plan de l’anneau mitral et un point situé 4 cm en aval. Elle est normalement > 45 cm/s [7, 11, 23].

La vitesse de propagation de l’onde Em est considérée comme un indice reflétant la relaxation du VG et serait indépendante des conditions de charge [7].

Si la relaxation est normale, la vitesse de propagation  est rapide et la pente raide. En cas de dysfonction diastolique, la gêne au remplissage entraîne un ralentissement de la pente et une diminution de la vitesse de propagation [7].

La vitesse de propagation est malheureusement  un paramètre peu reproductible. On doit lui préférer la mesure de la vitesse de l’onde Ea [11].

5. La manœuvre de Valsalva

Elle est réalisée pour étudier les variations du flux mitral. Elle entraîne une diminution aigue du retour veineux et donc de la précharge du ventricule gauche [7, 15]. Lors de cette manœuvre,  on observe normalement une diminution des ondes Em et Am [7]. Elle sera réalisée devant un aspect pseudo-normal du flux mitral (Em/Am > 1) [24]. Une augmentation prédominante de l’onde A avec inversion du rapport Em/Am < 1 pendant la manœuvre de Valsalva est en faveur d’une augmentation des pressions de remplissage du VG [7, 15].

6. La taille de l’oreillette gauche reflète le degré mais surtout l’ancienneté de l’élévation des pressions de remplissage [25].  Normalement l’oreillette gauche contribue au remplissage VG dans des proportions d’environ 20%. Cette contribution est accrue en cas de pathologies réduisant le remplissage rapide protodiastolique et dépend entre autres de la compliance ventriculaire [10].  On étudie le diamètre transverse (< 40 mm ou < 26 mm/m2 sur une coupe para-sternal grand axe en mode TM trans-aortique), la planimétrie de la surface auriculaire mesurée en apicale 4 cavités (< 24 cm2) ou le volume de l’oreillette gauche calculé par la méthode surface-longueur ou en Simpson biplan (<29 ml/m²) [25]. Une dilatation de l’oreillette gauche peut traduire l’existence d’une atteinte de la compliance ventriculaire, bien que ce signe ne soit ni spécifique ni sensible [12].

7. Les indices combinés

Dans les cas difficiles, il serait nécessaire d’évaluer plusieurs indices dont les plus utilisés sont les rapports Em/Ea, Em/Vp et la différence de durée des ondes Am et Ap (dAm-Ap) [11]. Les indices combinés E/Vp et E/Ea reposent sur le concept hémodynamique selon lequel la vélocité maximale de l’onde Em est principalement sous la dépendance de la pression intra-auriculaire gauche en amont et la relaxation ventriculaire gauche en aval. La combinaison de l’onde Em avec un paramètre Doppler de la relaxation (Vp ou Ea) permet ainsi en théorie de s’affranchir de l’influence de la fonction diastolique du VG et de refléter les pressions d’amont. De nombreuses études cliniques ont confirmé la corrélation positive liant les indices Em/Vp et Em/Ea à la mesure invasive des pressions capillaires pulmonaires [15, 20, 26].

L’indice combiné Em/Ea rencontre actuellement un grand succès tant au niveau de la recherche clinique que de la pratique quotidienne, en raison de sa grande simplicité de mesure et de sa reproductibilité [11, 26]. Il est bien corrélé à la pression capillaire pulmonaire d’occlusion quelles que soient la fraction d’éjection ventriculaire gauche et la morphologie du flux mitral [19]. Un rapport Em/Ea > 15 est en faveur d’une élévation des pressions de remplissage du VG tandis qu’un rapport < 8 signe des pressions normales alors qu’entre ces deux valeurs, le diagnostic n’est pas formel et il faut tenir compte des autres indices pour affiner le diagnostic [7, 19, 21].

L’indice combiné Em/Vp offre une faisabilité et une reproductibilité moindres par rapport à l’indice Em/Ea, qui doit lui être préféré en routine dans l’évaluation semi- quantitative des pressions de remplissage du VG [11, 26]. Une valeur de ce rapport > 2,5 prédit une pression capillaire > 15 mmHg alors qu’inférieure à 1,5, elle signe des pressions normales. Pour des valeurs comprises entre 1,5 et 2,5, le diagnostic est douteux [7, 23, 27]. Plusieurs travaux scientifiques se sont intéressés sur la comparaison des flux mitral et veineux pulmonaire [7, 28, 29, 30]. La différence de durée entre l’onde Am et l’onde Ap est un bon indice d’évaluation de la pression télédiastolique du VG, et ce indépendamment de la fonction systolique du VG. Ainsi, si la durée de l’onde Ap est supérieure à celle de l’onde Am, cela prédit une pression télédiastolique du VG > 15 mmHg avec une sensibilité de 85% et une spécificité de 79%  [7, 29].

Les indices combinés Em/Ea et Ap-Am sont les seuls valides lorsque la fonction systolique du ventricule gauche est normale [7]. Les seuils usuels des indices combinés d’évaluation des pressions de remplissage du VG sont résumés sur le tableau 2. 

B. Les  anomalies du remplissage et l’estimation des pressions.

1- Les aspects du flux mitral décrits en pratique échocardiographique doppler

L’examen échographique cardiaque de routine doit renseigner sur la fonction diastolique du VG, ce qui s’avère possible dans de nombreux cas [11].

Trois types de flux mitral sont habituellement décrits depuis les travaux réalisés par Appleton  [7, 15, 31] (figure 5). Ils correspondent à 3 stades de dysfonction diastolique, en tenant compte des pressions de remplissage du ventricule gauche.

Il est à noter que le langage de l’échographiste ne recoupe pas toujours la réalité de la physiologie. Ainsi, le terme de trouble de la relaxation utilisée à l’échographie ne doit pas faire oublier que les différentes formes de dysfonction diastolique sont  associées à une anomalie de la relaxation au sens physiologique du terme. Il est donc important de se rappeler que l’échographie  étudie  la fonction diastolique en tenant compte de différents paramètres et notamment des pressions de remplissage.

Le type I est classiquement rencontré en cas d’anomalie de la relaxation ventriculaire gauche, mais aussi dans d’autres circonstances (sujet âgé, tachycardie, hypovolémie) [7]. Il  traduit en général une situation hémodynamique rassurante avec des pressions de remplissage VG normales sauf en cas d’hypertrophie ventriculaire gauche [7, 11, 31]. Il est caractérisé par un rapport Em/Am < 1 et un allongement du temps de décélération de l’onde E mitrale [31].

Le type 2 ou profil pseudo-normal peut refléter soit une situation normale soit une élévation des pressions de remplissage du VG [7]. Il peut être faussement rassurant car pouvant résulter de l’association d’une anomalie de la relaxation du VG et d’une élévation de la pression atriale gauche favorisant l’aspect d’un flux mitral normal [7]. Il est caractérisé à l’écho doppler cardiaque par un rapport Em/Am entre 1 et 2 [31].

Le type  3 ou profil restrictif correspond en général à un trouble de la compliance sévère avec  une élévation des pressions de remplissage chez des sujets ayant une cardiopathie évoluée avec une fonction systolique altérée [7]. Il est caractérisé par un rapport Em/Am > 2 [31] et un temps de décélération de l’onde Em < 150 ms.

2- Evaluation des pressions de remplissage du VG

Cette évaluation repose avant tout sur l’analyse du flux mitral complétée par l’analyse des autres indices. Plusieurs travaux ont validé les indices Doppler comparativement à des mesures invasives [7, 32].

La figure 6 résume la démarche diagnostique permettant l’évaluation des pressions de remplissage VG basée, à priori sur, l’analyse du flux mitral et de la fonction systolique du VG. 

La situation la plus simple est représentée par le flux mitral restrictif avec Em/Am > 2 ou temps de décélération de Em < 150 ms associée à une altération de la fonction systolique du VG (FEVG < 45%). Elle est quasi-pathognomonique d’une élévation des pressions de remplissage du VG. Cela correspond en général à une situation pronostique péjorative [11, 30] . Par contre un flux mitral restrictif associé à une FEVG normale peut correspondre à une situation normale par exemple chez le sujet jeune ou chez le sportif [11]. L’utilisation d’indices combinés Em/Ea et plus accessoirement à Em/Vp peut aider au diagnostic en cas de doute si la fonction systolique du VG est normale [11].

Une situation fréquemment rassurante est celle du rapport Em/Am < 1 chez des sujets ayant une fonction systolique normale. Dans ce cas, les pressions de remplissage du VG sont normales ou peu élevées en dehors du cas particulier des cardiomyopathies hypertrophiques [7, 11, 31]. Dans ce cas, l’utilisation d’indices combinés (Em/Ea, Em/Vp, dAm-dAP) sera décisive dans la conclusion. Em/Ea > 15 ou Em/Vp > 2,5 de même dAm-dAp < 0 serait en faveur d’une augmentation des pressions de remplissage du VG [11]. Au contraire, un rapport Em/Ea < 8 ou Em/Vp < 1,5 correspond à des pressions de remplissage du VG normales [7]. Dans un travail réalisé par Abergel et al [33], chez des patients ayant un flux mitral inversé, ceux ayant un rapport Em/Ea > 10 avaient un niveau de pression pulmonaire au repos plus élevé que ceux qui avaient un rapport Em/Ea < 10.

La troisième situation qui, quant à elle, pourrait être trompeuse ou du moins faussement rassurante est celle du rapport Em/Aa normal (entre 1 et 2) avec un temps de décélération de l’onde Em normal. Elle peut correspondre à toutes les situations hémodynamiques [11]. L’élévation des pressions de remplissage du VG sera affirmée sur la constatation d’une réduction de l’onde Ea et de Vp avec un rapport Em/Ea > 15 et Em/Vp  > 2,5 [11]. Des rapports Em/Ea entre 8 et 15 et E/Vp entre 1,5 et 2,5 ne permettent aucune conclusion et doivent faire intervenir d’autres paramètres. Ainsi une manœuvre de Valsalva anormale, une dAp-dAm > 10 ms et une dilatation de l’oreillette gauche qui sont en faveur d’une élévation des pressions de remplissage du VG [11]. L’absence d’anomalie de ces paramètres, dans ce cas, évoque des pressions de remplissage  VG normales.

C. Cas particuliers

En cas de fibrillation auriculaire, un rapport Em/Ea reste valide. Une valeur supérieure à 10 traduit une élévation  des pressions de remplissage ventriculaires gauches. En présence d’une tachycardie sinusale, un rapport Em/Ea > 15 est bien  corrélé à une élévation des pressions de remplissage VG avec une spécificité de 100%, mais une sensibilité de 46% [7].

Devant  une valvulopathie mitrale significative, l’étude de la fonction diastolique devient aléatoire. Il faut donc y renoncer. La recherche de critères de sévérité et l’analyse du mécanisme de la valvulopathie sont beaucoup plus importantes dans la prise en charge.

  1. IV.              Conclusion

L’étude de la fonction diastolique et des pressions de remplissage ventriculaire gauche est devenue un temps important de l’examen échocardiographique.

Les paramètres étudiés sont sous l’influence de différents facteurs : relaxation et compliance VG, conditions de charge, fréquence cardiaque, âge. La connaissance du rôle respectif de ces différents facteurs est essentielle à une bonne analyse des données échographiques.

En pratique, l’évaluation doit principalement partir de 3 éléments : l’analyse du flux mitral antérograde, l’évaluation de la fonction systolique ventriculaire gauche et la recherche d’une hypertrophie ventriculaire gauche.

En cas de dysfonction systolique ventriculaire gauche, un rapport E/A mitral > 2 traduit une élévation des pressions de remplissage VG. Une inversion du rapport (E/A < 1) témoigne de pressions de remplissage VG normales sauf en cas d’une hypertrophie ventriculaire gauche.

Dans tous les autres cas, il faut recourir à d’autres indices en particulier Ea, Vp, Ap en combinaison avec l’onde E du flux mitral. La taille de l’oreillette gauche et la manœuvre de Valsalva peuvent aider à la conclusion en ca de discordance de ces indices combinés.

Références

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